Magazine Journal intime

Blackout

Publié le 26 janvier 2009 par Mélina Loupia
Et soudain, plus rien.
Silence.
Plus aucun ronron d'appareil en veille.
Plus rien qui tinte et qui sonne, qui chante ou qui vibre.
Téléphone, portable, eau, chauffage, nada.
Et le vent qui hurle dehors pour revendiquer l'attentat.
Douze heure après, chaos.
Des arbres, des toits, de poteaux télégraphiques et électrique éparpillés partout par terre, dans les champs, dans les rues, des maisons à ciel ouvert.
Des serres défoncées.
Des jardins dévastés.
Des salons de jardin chez le voisin.
Des jouets d'enfants, des poubelles, des branches, des restes de tout ce dont on ne voulait plus ou qu'on pensait remiser loin, très loin.
Et des gens qui sortent, petit à petit de chez eux, parce qu'il fait meilleur dehors que dans les maisons.
On entend enfin la nature toute seule, sans parasite.
Il fait doux et soleil.
La rivière gronde, heureuse d'avoir grossi avec les pluies des derniers jours, même si quelques arbres l'entravent.
Le vent un peu fatigué, continue de souffler par rafales, mais de plus en plus espacées.
On regarde, on épie, on surveille, mais surtout, on attend.
Un hélicoptère de la Sécurité Civile rase nos têtes pour constater d'en haut l'étendue des dégâts.
Quand enfin, un gros camion bleu apporte avec lui la lueur d'espoir et de chaleur.
Des hommes hagards, débordés, fatigués, répètent les mêmes gestes depuis plus de vingt-quatre heures, toujours avec le sourire qui se veut rassurant.
Les branchements se font, le moteur gronde et la cheminée crache sa fumée noire de gazoil.
"Ahhhhh!"
"Ohhhhh!"
Le transormateur n'alimente qu'une toute petite partie du village.
On doit nous en livrer un autre dans la nuit.
Pour l'heure, on fait appel au bon sens.
Seuls les appareils de première nécessité peuvent être utilisés.
La solidarité continue de maintenir les hommes debout.
On se prête des groupes électrogènes pour recharger les congélateurs, ne pas perdre la viande.
On se fait passer les poëles à pétrole, on prend soin des autres et de soi en dernier.
On apporte le café, l'assiette, le pain.
Ce matin, on nous assure que tout sera rentré dans l'ordre ce soir.
On pourra faire la vaisselle, laver le linge en attente et écouter la radio.
On pourra se téléphoner pour prendre des nouvelles.
La télé, le GSM, on y pense même pas.
Les enfants sont ravis, on pardonne les absences à l'école, on comprend.
Oh, certains ont du mal à concevoir tout ce retard, qu'à notre époque, il est impensable de rester sans lumière plus de cinq minutes, que les fameux Pouvoirs Publics ne sont que des bons à rien.
On ne peut pas croire que l'homme n'est rien sans technologie.
On s'insurge alors que certains pays du monde ne connaissent pas la joie d'appuyer sur un bouton pour avoir de la lumière ou de l'électricité. Que l'eau n'est qu'un rêve.
Alors c'est sûr, à ce moment-là, nous autres dits "civilisés" devrions nous taire et rester patients.
Mais c'est vrai.
La panique prend rapidement le dessus.
La boussole ne répond plus.
L'instinct de survie a bien du mal à dominer.
Seuls le sourire et la main sur l'épaule de l'autre aident à passer le temps, à attendre que la lumière soit à nouveau.
Et je suis ravie d'avoir vu ces gestes et ces regards furtifs tout hier et encore ce matin.
La lumière, la vraie, c'est celle de ces hommes et femmes qui ne perdent pas leur temps à critiquer le retard, le manque d'organisation et l'immobilisme apparent. Ceux-là, ils restent chez eux, derrière leurs rideaux et préfèrent interpréter à leur guise.
Mais la médisance n'est qu'un feu de paille qui anime celles et ceux qui en sont à l'origine.

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