Nous accédons à l’intérieur du Phare et pénétrons dans le vestibule. Je m’avance au pied des marches en fonte. Par les lucarnes, des filets de lumière tachettent les murs. Je lève la tête, je suis des yeux l’escalier en colimaçon qui s’élève vers les hauteurs et je suis pris de vertiges. Le vent en s’engouffrant apporte les senteurs de la mer. Elles se mêlent à l’odeur forte de pierre humide que j’ai sentie dès que nous sommes entrés. Le moindre bruit devient écho puis finit par se perdre.
- Cent quatre-vingt-trois marches jusqu’à la salle de veille. Et trente de plus pour arriver à la galerie. J’espère que vous êtes en forme. Venez, je vais vous montrer votre luxueuse suite, ajoute Georges avec une pointe d’ironie.
L'escalade fut facilitée par les bouts rompus lors du naufrage et qui pendaient le long de la coque. Alors que le reste des hommes du village arrivait au pied de l'épave, les trois compères étaient déjà sur le pont, scrutant à la lumière intermittente de la lune, ce qu'ils pourraient grappiller facilement.
L'un d'eux repéra la porte de la cabine du Capitaine. « Les gars, s'il y a quelque chose de précieux sur ce rafiot, c'est là qu'on le trouvera ! ». Ils se ruèrent donc en direction du gaillard d'arrière. La porte était sortie de ses gonds. Ils pénétrèrent à pas de loups (ils avaient tous le souvenir des récits des anciens dans lesquels des officiers de navire vendaient chèrement leur peau). »
Les réverbères de l’autoroute zébraient la nuit de mon retour. Je pensais, après un dîner avec des collègues journalistes, à tout ce temps déjà passé dans l’encre, à nos destins mollement tracés entre les lignes. Je repensais à ce métier si près du monde, à cette vie qui en réclame un autre. Jusqu’où survivra cet équilibre entre la vive lumière qui m’exige, toujours la même, et les couleurs opalescentes et nuancées qui m’animent ? Quels pourraient être la cassure et le tournant ? Pour vivre quel autre chant ? Nous sommes fabriqués dans un sursaut d’aventure, puis tôt entraînés dans la parade des concessions, et mourrons doucement sous elles.
Au bout de la rectitude asphaltée, une chouette effraie, dame blanche, vint voler devant mes phares. Le fantôme virginal de nos libertés.
Caryn me regarde, à moins que ce ne soit Maureen, je ne sais pas les distinguer, elle me fixe d'un œil mauvais car elle n'approuve pas ma réponse, alors qu'elle n'en aurait de toutes les façons pas plus approuvé une autre, quelle qu'elle fût. Mes filles rejettent et critiquent tout ce que je dis, me reprochant sans cesse qu'elles n'ont pas de père, par ma faute. Elles pensent que j'ai décidé qu'elles n'auraient pas de père, alors que je ne sais toujours pas comment j'ai pu tomber enceinte, et je n'ai aucune honte à le dire, je suis persuadée de n'avoir couché avec personne à cette époque, me trouvant trop grosse, trop banale, et donc trop laide pour intéresser des garçons convenables ; et pour avoir, dans un moment de faiblesse, confié ceci à mes filles, elles me considèrent comme une demeurée, m'appellent la Sainte Vierge.
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Et pour changer, j'ai eu l'idée d'un nouveau tag : il s'agit de citer trois blogs que l'on a vu naître. Bien entendu ils ne doivent pas êtres vôtres, pas même secrètement. Je compte sur vous !
Pour ma part, je vais parler, sans réfléchir de ceux que j'ai visités récemment :
D'abord, il y a Mauvaises nouvelles, découvert alors qu'il venait d'afficher son premier billet, très récemment. Ce blog commence très fort et je me réjouis de lire les prochains chapitres du Malade.
Il y a aussi, bien sûr, le très beau deuxième blog de Dorham, The Backstabber, où il raconte le Jazz avec des étincelles au bout des doigts... Même si c'est une musique qui ne vous parle pas, vous écouterez Dorham !
Et, il y a quelques temps, Sophie, une jeune femme que j'ai rencontrée en stage de théâtre, a aussi ouvert son blog. Quand on connaît la personne, c'est très émouvant de la voir se lancer dans l'aventure... Elle a voulu m'inscrire parmi les auteurs et j'ai accepté sans savoir ce que je pourrais écrire chez elle. Pour l'instant rien et je crois que ça restera comme ça. Sophie habite bien l'espace. Elle a d'abord tenté de rapporter des contes avant de se faire gentiment taper sur les doigts. Du coup, elle alterne, comme beaucoup d'entre nous, entre fiction et réalité... Et j'aime beaucoup.
Maintenant j'aimerais bien connaître les trois blogs qu'ils ont vu naître de Nicolas, Didier Goux, Cochon, Marie-Georges , Balmeyer et Yaëlle... S'ils veulent, hein ?
Illustration : TummyMountain