Pour cet article, la France est mise à l’honneur avec un jeune et talentueux photographe de sa génération, j’ai nommé Samuel Moulin, connu aussi sous le pseudonyme Siamesesam, sur deviantART. C’est avec enthousiasme qu’il a accepté de répondre à quelques-unes de mes questions.
Bonjour ! Je suis très contente que tu aies répondu positivement à ma demande. Au nom de toute l’équipe, nous te remercions.
- Pour commencer, pourrais-tu nous expliquer la signification de ton pseudo ?
Siamesesam est un mélange de l’album Siamese Dream des Smashing Pumpkins, dont je ne parviens toujours pas à me lasser, et de mon prénom.
- Pourrais-tu te décrire en quelques mots?
J’ai 28 ans. Je suis né le 11 décembre 1980, à Annonay, en Ardèche. Je n’ai jamais quitté longtemps la région, et j’y vis encore actuellement, par souhait et non pas par obligation : je trouve que c’est fantastique de pouvoir se perdre au milieu de nulle part dès qu’on passe la porte de sa maison !
- Exerces-tu ton activité de photographie en tant qu’amateur ou en tant que professionnel?
Disons que j’exerce en tant qu’amateur passionné et très motivé, et que j’attends l’opportunité qui me permettra de basculer en tant que professionnel. J’ai plusieurs perspectives professionnelles entre lesquelles je suis encore partagé : je suis surveillant dans un lycée, et je continue parallèlement mes études. Je prépare un Master 2 de philosophie (ex DEA), et j’envisage de passer ensuite un Doctorat.
- Quand as-tu commencé la photo et pourquoi?
J’ai pratiquement toujours fait des photos. Je pense que cela vient du fait que j’ai une acuité visuelle de plus de 12/10, j’ai toujours été très attentif aux sensations visuelles. Mais c’est peut-être aussi pour cela que j’ai longtemps été déçu par les photos que je prenais, qui ne retranscrivaient pas ce que je ressentais vraiment. J’ai utilisé beaucoup d’appareils jetables avant de récupérer le vieux Miranda cabossé de mes parents, mais à cette époque je prenais des photos pour me souvenir des lieux où j’allais. Je ne pensais pas à les travailler ni à soigner la prise de vue, en fait une fois que j’avais vu mes tirages, je m’en désintéressais aussitôt. J’ai dans mon sous-sol des cartons remplis de négatifs… Je me suis vraiment mis à faire de la photo quand j’ai eu mon premier bridge numérique, c’était en 2003 : c’est à partir de là que j’ai pu commencer à travailler mes images. Je n’avais pas accès à un labo aussi facilement qu’à un ordinateur… Une fois que je me suis vraiment senti à l’aise en numérique, j’ai cependant décidé d’apprendre à travailler en argentique sérieusement, c’est-à-dire à développer et à tirer mes films chez moi.
- Quel matériel/logiciel utilises-tu actuellement?
J’ai plusieurs appareils photo : ça commence par un pinhole fabriqué avec une boîte d’allumettes, un objet que j’adore, vraiment. Je me suis procuré un Holga l’année dernière, le « toy camera » par excellence. Niveau boîtier numérique, j’ai réussi à tirer un bon prix de mon Canon 30D pour investir dans un 5D, dont je suis très content pour le moment. Je travaille sous Mac, avec Photoshop essentiellement…
- Tes photos sont-elles principalement des mises en scène ou sont-elles spontanées?
- Il y a un petit peu des deux, à vrai dire. Je fonctionne autant au projet qu’à l’impulsion, et mes projets naissent bien souvent d’impulsions… Un jour je vois qu’il fait bon et qu’il y a du soleil, et je me dis « tiens, je pourrais aller prendre mon fauteuil en photo dans les bois », et paf, cinq minutes après je suis en route avec le fauteuil dans le coffre de la voiture. Je compose parfois longuement certaines images dans ma tête avant d’aller les réaliser, et d’autres fois les idées me viennent tout d’un coup. En général j’ai plus d’imagination que de temps pour la concrétiser. Je travaille actuellement sur quelques projets de longue haleine, qui voient le jour petit à petit.
- Y a-t-il un thème particulier qui revient régulièrement dans tes photos? Lequel?
« Un thème particulier qui revient régulièrement » ? Moi-même ! Je me mets très souvent en scène dans mes photos, non par narcissisme, mais parce que je m’interroge beaucoup sur l’individu, sa construction, sa genèse. J’essaie de travailler sur celui que j’ai toujours sous la main, et que je connais bien (ou que je crois connaître !). J’ai une position très critique sur la philosophie de notre époque et de notre société, qui condamne ouvertement l’individualisme alors qu’elle me semble incapable, justement, de produire des individus. Dans l’autoportrait, on est des deux côtés de l’objectif à la fois. En se considérant comme une chose, on prend une certaine distance par rapport à soi-même, et on apprend beaucoup de choses… On se contrôle comme une marionnette, on voit comment ça marche, un humain.
- Essaies-tu de transmettre un message particulier via tes photographies ?
Je n’aime pas trop l’évidence que, bien souvent, la photographie implique : ce n’est pas la peine de chercher à « capturer le réel », rien ne remplace pour moi le fait d’être ici, maintenant. La tentative de copier la réalité ne m’intéresse pas. Je préfère quand la photographie me renseigne sur le photographe, plutôt que sur la topographie du paysage. De la même manière, j’essaie de glisser dans mes images mes sentiments et mes idées du moment. Les sujets sur lesquels je travaille en philosophie, mes grandes interrogations, sont la nourriture principale de mon travail photographique : réflexion sur l’individu, la société, et sur l’état du monde, qui me semble fatigué, épuisé… Je travaille beaucoup sur la texture, qui aide à donner ce côté vieilli aux images, et à retirer l’évidence. Je cherche aussi à ce que l’image ne soit pas seulement visuelle, mais produise aussi une sorte de contact, de frottement avec l’œil : du coup on n’y entre pas comme ça, elle ne se livre pas tout d’un coup, elle est pleine de matière, et il faut la traverser, s’engager, pour rentrer dans l’image. Voilà ce que j’essaie de faire passer, mais ça ne veut pas dire que j’y arrive…
- As-tu une source d’inspiration particulière pour tes créations?
J’écoute beaucoup de musique, je lis beaucoup, je vois beaucoup de films, j’essaie d’approfondir mes connaissances en histoire de l’art, je pense que je puise dans tout ça…
- Comment perçois-tu ton avenir dans le monde de la photographie? As-tu des projets dans ce domaine?
C’est pas demain la veille que je vais ranger mes appareils photo au placard ! Bien entendu, c’est pour mon plaisir personnel que je fais de la photo, et je souhaite continuer à expérimenter des trucs avec mes appareils artisanaux, et à développer ma pratique. J’essaie de m’investir pleinement dans des projets associatifs divers, afin de permettre aux passionnés de photo de partager sur ce thème. J’ai malheureusement trop peu de temps libre en ce moment, et je préfère consacrer ce temps à mes créations personnelles en attente (il y en a beaucoup !)…
- Es-tu intéressé par d’autres formes d’art que la photographie?
Quand j’aurai le temps, je réfléchirai peut-être à écrire un livre… (rires). Non, sans blague, je suis très intéressé par l’écriture, mais je travaille peu. Or, l’écriture demande une certaine pratique, et on se rouille quand on ne s’exerce pas assez…
- As-tu autre chose à ajouter, un élément particulier à révéler?
Oui, je voudrais relayer quelques infos au sujet du Printemps de l’Image et de la Photographie, une association que je suis content d’avoir rejoint pour l’édition 2009. C’est une manifestation dont l’état d’esprit est très ouvert. Je voudrais signaler aux photographes amateurs ou professionnels qui peuvent se rendre sur les lieux qu’il y aura une grande exposition photo tous niveaux confondus, et que les formalités pour exposer sont on ne peut plus simples. Tout est expliqué sur mon site Internet ou sur le site officiel du PIP. J’espère moi-même saisir l’occasion pour permettre à des photographes qui se connaissent par Internet de se rencontrer enfin pour de vrai.
Merci pour le temps que tu nous as consacré. Ce fut un plaisir de mieux te connaître, toi et ta passion.
Illustrons à présent l’excellent travail de ce photographe. La retouche qu’il apporte à ses photos permet aussi de le placer dans la catégorie “photomanipulation”.
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