LE MANIFESTE DE GOLIAS : POUR LE CONCILE, CONTRE L’INTEGRISME
La décision de Benoît XVI de lever l’excommunication des quatre prélats ordonnés par Marcel Lefebvre en 1988 se présente comme choquante, dans la mesure où elle exprime le revirement de Rome par rapport à Vatican II. Outre le scandale affreux suscité par les propos négationnistes de l’un des quatre évêques consacrés, qui exigeraient à l’évidence une sanction très sévère, faute de laquelle les excuses du Pape ne seront guère convaincantes, sur le fond, c’est une très grave erreur – et pas simplement une faute - qui vient d’être commise, à plusieurs niveaux notamment sur le plan théologique et pastoral. Aussi, nous entendons résister à cette entreprise de reprise en main, intransigeante et réactionnaire à l’oeuvre au sein du catholicisme depuis près de 30 ans maintenant. Nous entendons également ouvrir des portes pour que s’invente un nouveau christianisme, en référence dynamique au patrimoine reçu de la tradition évangélique.
La victoire apparente de l’aile traditionaliste semble plutôt le simple contre-coup d’un effritement du catholicisme en général dans le contexte d’une crise globale de civilisation.
Les restaurations n’ont jamais d’avenir.
Ceci dit, au niveau de la hiérarchie vaticane, et souvent épiscopale en place, les signaux sont donnés, et se multiplient, d’un retour en arrière, d’une volonté d’exhumer un modèle discutable, vieilli et peu évangélique de catholicisme, d’une nostalgie récurrente d’un passé idéalisé (notamment liturgique), d’une posture orgueilleuse, hautaine et inféconde face aux défis contemporains d’un monde plus complexe que ne l’imaginait les héritiers de Vatican II , mais que la diabolisation frénétique de l’intégrisme et de l’intégralisme du pape actuel ignorent encore davantage, d’un moralisme coincé, anachronique, inhumain et parfois hypocrite, en particulier au sujet de la sexualité.
Le Pontificat de Joseph Ratzinger, alternant une sorte de torpeur confite en dévotion et des mesures savamment conçues de redressement doctrinal, qui tournent le dos à l’esprit de Vatican II , et presque à la lettre (ecclésiologie revisitée avec pour conséquence notamment le gel de l’œcuménisme), illustre une stratégie de restauration fondée sur une contre-position désastreuse entre l’Église et le monde.
La décision du pape de lever l’excommunication des évêques lefebvristes constitue un point de non retour dans la confiance que certains gardaient encore dans les responsables de l’Église catholique. En ce sens, Benoît XVI en cédant aux pressions des intégristes, engage désormais l’Église catholique sur une voie de division. En effet, la volonté du pape de favoriser l’unité au sein de l’Église catholique, que l’on peut considérer légitime en soi, s’appuie sur des bases tellement faussées qu’elles ne peuvent que provoquer de nouvelles déchirures ; déchirures beaucoup plus grandes et béantes que celles qu’il veut justement réparer : un schisme rampant qui peut voir partir sur la pointe des pieds un nombre important de catholiques restés fidèles à Vatican II et aujourd’hui se sentant « trahis »...
Face à cette crise d’une gravité extrême, Golias entend se situer dans une perspective critique certes mais dynamique et inventive. Nous aimons ce mot de Balzac : « J’appartiens à la résistance perpétuelle qui s’appelle la vie ».
Golias entend donc résister et appelle à la résistance,
contre toutes les formes d’intégrisme, de négationnisme et de fanatisme, contre la censure de la liberté de penser, de prier et d’aimer, contre la “castration” imposée aux clercs au nom d’une vision anachronique qui relève de l’Ancien régime et qui permet à toutes les perversités de s’y dissimuler de façon impunie, contre une vision cléricale de l’Église gangrenée par une soif de pouvoir qui n’a pas l’honnêteté de se reconnaître telle et qu’entretiennent de nombreuses frustrations.A tous les niveaux, nous devons entrer en résistance spirituelle :
refuser par exemple que soit exclue de la communion eucharistique une personne qui refait légitimement sa vie dans une nouvelle union d’amour, appuyer un prêtre rejeté par sa hiérarchie parce qu’il vit avec une femme, ou un homme, diffuser les œuvres de théologiens censurés et maltraités, dénoncer les mesures répressives, aborder sans prétention de détenir une vérité définitive les redoutables questions de la bioéthique qui touchent le début et la fin de l’existence ; travailler pour exiger des réformes importantes dans le fonctionnement interne de l’Église où les droits de l’Homme sont piétinés ; exiger de revoir la place subalterne réservée aux femmes pour des raisons théologiques non fondées. De même concernant la structure sacrale et clérical de l’Église, avec en Pape, roi à vie.Ce combat s’enracine dans la foi en Jésus et en son Évangile, dont nous sommes persuadés qu’il a peu à voir avec la vision figée de la Tradition chrétienne.
C’est précisément par attachement au Christ, à son Église (que nous sommes tous), à cette vie de grâce et d’amour, qui libère et rend plus audacieux, pour l’honneur d’un Dieu défiguré et blasphémé par ceux qui, en son nom, se montrent intolérants, sectaires et inhumains que nous engageons ce combat.