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Les vikings de la musique

Publié le 09 mars 2009 par Dalyna

Il était une fois une fille de 15 ans mélomane à une époque où le téléchargement illégal n’existait pas encore. Disposant de très peu d’argent de poche, il était rare qu’elle puisse s’offrir un CD. Donc, la plupart du temps, elle nourrit sa passion grâce aux K7 qui circulent entre amis… ou au feu Club Dial, où au départ t’as 5 CD pour 15 euros, et au final tu craches ta race jusqu’à la fin des temps. Un jour, elle entend à la radio une chanson qu’elle trouve tellement géniale qu’elle décide aussitôt de casser sa maigre tirelire pour se payer l’album du groupe. Certes, ça veut dire adieu aux dernières chaussures à la mode, mais elle pense que cela vaut le coup. L’album cartonne dans les ventes, et le single s’avère être un vrai tube. Allez hop, direction le centre commercial, et moins de deux heures après, le disque était sien.

Si cette histoire était écrite de la main de Charles Perrault, la suite serait « et elle rentra chez elle et dansa jusqu’à la fin des temps sur ce CD tant désiré ». Hélas, la vie n’est pas écrite par Charles, mais plutôt par un comique qui bosse dans l’industrie du disque.

Sitôt arrivée à la casa buitoni, elle se précipite sur la platine.

Premier morceau

1

Deuxième morceau

2

Troisième morceau

3

Quatrième morceau

4

C’est ainsi que tirelire asséchée, elle se retrouva pour les 3 mois qui suivirent, non seulement sans source de plaisir musical, mais aussi sans ressources aucunes pour d’éventuelles shoes dernier cri. En gros, le groupe avait tout donné pour l’écriture du morceau sorti en single, et le reste n’était là que pour meubler le reste du disque. Oui, parce qu’il y a des groupes comme ça, qui passent 8 ans à faire un tube du tonnerre, et 3 jours pour tout le reste de l’album. Et 20 euros pour une merde, ça peut faire mal dans un budget, surtout chez les jeunes. Alors aujourd’hui, ils sont tous montés au créneau pour dénoncer le téléchargement illégal, le piratage (oulala, les vikings et tout). Même Thomas Dutronc nous fait la morale dans Metro (voir plus bas). Il évoque les livrets des CD, la démarche personnelle à aller acheter etc. Des choses avec lesquelles nous ne pouvons qu’être d’accord. Sauf que Thomas, il a juste oublié un truc, c’est qu’il a les moyens de « se tromper », là où la fille mélomane de 15 ans dont je vous parlais ne les as pas. 20 euros dans une daube, ça a des conséquences sur un budget riquiqui.

Le problème, c’est aussi qu’on continue de voir les choses sous un angle moral là où il faudrait s’intéresser surtout aux raisons du téléchargement illégal. Il n’y a pas d’un côté les bons bisounours qui achètent les disques et de l’autre, les méchants vikings qui piratent l’empire musical, comme semble le penser le philosophe des comptoirs Abdel Malik, qui disait sur le Mouv tout à l’heure : « la moindre des choses quand on aime un artiste est d’acheter son disque, on est dans un monde où la musique n’a plus de valeur ». Dans les faits, le business de la musique est plus complexe : il y a des bons disques, des mauvais, des artistes inconnus qui méritent d’être encouragés, d’autres qui se foutent de la gueule du monde, des artistes célèbres et richissimes qui continuent de faire des albums géniaux qu’on va tous acheter, et des indépendants qui font des daubes. Oui, il y a de tout.

Je pense donc que si Abdel Malik et Thomas Dutronc acceptaient de mettre un peu de côté la perte du bifteck que le téléchargement représente sur leurs salaires, déjà bien plus attractifs que les trois quarts des français, ils s’apercevraient qu’il y a des gens qui rêveraient de pouvoir honorer leurs artistes préférés de l’achat frénétique de leurs CD, DVD, T-shirt collectors et compagnie. Sauf qu’ils ne peuvent juste pas. Ben oué. Donc pour que le plaisir musical reste un plaisir, et ne dissimule pas une arnaque, il faut parfois vérifier avant. La plupart du temps, les gens achètent derrière. Mais si c’est de la merde, normal de ne pas lâcher 20 euros pour ça.

Dans l’enquête de Métro d’aujourd’hui, Guillaume Petit de TNS-Sofres affirme que les 2/3 des pirates sont des jeunes de 18/24 ans. Il ajoute derrière que le niveau social importe peu, sans chiffres à l’appui. Pourtant, dans le Monde d’aujourd’hui, Hirsch nous fait un plaidoyer sur la situation critique des jeunes en France, et dans le Point, une enquête affirme notamment que 20 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, que leur taux de chômage est l’un des plus élevés d’Europe, que 57 % vivent chez leurs parents etc. etc. Bref, difficile de ne pas faire de lien avec le téléchargement illégal.

De plus, l’aspect sur lequel l’industrie musicale n’insiste jamais, c’est combien se fait-elle sur les sonneries portables ? Et la hausse des ventes de DVD musicaux ? Et la baisse des ventes de disques ne peut-elle pas être liée à une baisse de la qualité proposée ? Ben oui, n’est pas Amy Winehouse qui veut. Et les artistes, qui gagnent une part infime sur le prix du CD, n’ont-ils pas envie de se rebeller contre leurs producteurs ?

Non, pas de questionnement, le débat demeure : vikings/pas vikings. Je suis d’accord pour dire qu’il y en a. Mais certainement pas que du côté des consommateurs.

NB : Par respect pour la réputation de ma chère sœur, qui se cache ici sous le doux pseudo de « fille mélomane de 15 ans », j’ai décidé de taire le nom du groupe. L’erreur est humaine.

thomas-dutronc-metro-dalyna


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