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Hermès et le passage animal-humain

Publié le 01 avril 2009 par Collectif Des 12 Singes

Hermès relie les animaux, les humains, les âmes, les dieux.

Hermès assure la continuité du passage entre l'animal (le primate gardien du groupe, au sexe érigé) et l'humain (le phallus, borne symbolique). Il est ithyphallique : son sexe est fertile, fécondant, mais également générateur de signes, par la transformation du pénis sexuel en phallus symbolique, signal des portes, des chemins, des carrefours. Son image se dresse aux carrefours, constituée d'un pilier dont la partie supérieure forme un buste humain, le phallus érigé : il marque les territoires, guide les voyageurs sur les routes.

Il est l'esprit de la pierre (des représentations phalliques à l'Hermès ithyphalliques en passant par les menhirs dressés), comme ancêtre mort.

Son origine chtonienne le rattache à la mort comme fécondité et source de vie : il véhicule ainsi l'esprit du mort comme protection pour les vivants. Il permet donc la communication entre les vivants et leurs ancêtres (sa patronne est Mnémosyne, la mémoire, mère de toutes les Muses).

Il est donc le dieu des changements d'état, l'agent des rites de passage.

Hermès est Thot dans l'ancienne Égypte : maître de la sagesse, des lois, de la santé. La déesse du ciel Nout, mère d'Osiris, avait reçu de son mari (le dieu soleil Râ) la malédiction de ne pouvoir accoucher dans aucun mois, ni dans aucune année, du fait de son adultère avec le dieu de la terre, Geb. Thot, qui avait de l'amour pour Nout, gagna, en jouant aux dames avec la Lune, cinq jours supplémentaires qui permirent de synchroniser les cycles annuels de la lune et du soleil. C'est au cours de ces cinq jours supplémentaires, intercalés au début de chaque année, que Nout donna naissance à cinq enfants : Osiris, Horus l'aîné, Seth, Isis, Nephtys.

Thot a un rôle réparateur : quand Horus, le dieu de la Lune, entreprit de lutter contre son oncle Seth, le dieu violent du désordre, celui-ci lui creva un œil, que Thot répara.

Thot, comme Hermès, ne se contente pas de changer les choses, il participe à leur amélioration.

Hermès (lien, fondation, embryon : ce qui sert d'appui, d'origine, la pierre qui marque le point de départ, le sexe - herma=phallus érigé) est un fils bâtard, produit d'une union adultérine cachée, nocturne, de Zeus avec la nymphe Maïa (la plus jeune des Pléiades) qui profite du sommeil d'Héra. Mais Hermès passe de la nuit au grand jour. Issu d'une tromperie, il affiche des comportements de vol rusé et de tromperie. D'origine bâtarde, obscure, il exhibe d'emblée des comportements d'ouverture répréhensibles. Mais, contrairement à Oedipe, la tromperie, en se transmutant en œuvre positive et civilisatrice, n'a pas de conséquences tragiques. Le mensonge est ici affirmé d'emblée comme signe d'appel à la socialisation. La trahison se transforme en traduction ; l'interprétation comme tromperie est à la fois affichée, reconnue comme telle, mais devient aussi la source d'une transaction conciliatrice et humainement bénéfique.

Hermès-Thot est le premier homme, avant le Déluge. Il se transforme en devant Poïmandrès, pasteur de l'humain, en tant qu'Hermès Trismégiste (Trois fois grand : second Hermès, son petit-fils postdiluvien), modèle mythique de l'initié.

Hermès n'est ni savant ni charlatan : il traduit, interprète, et donc modifie le sens des signes par la distorsion de leur finalité première. Il est l'opérateur fonctionnel et vivant des rites de passage, générateur de nouveaux médias : cela modifie le sens des messages, bouleverse les effets de vérité et produit de nouveaux mythes.

Hermès est le voleur des bœufs d'Apollon, l'introducteur des songes, le guetteur nocturne, le rôdeur des portes.

Hermès sillonne les chemins, marque la direction, borne l'espace. Il semble présent dans les situations scabreuses, aux carrefours incertains, aux lieux mobiles où les foyers s'ouvrent vers l'extérieur.

L’action séditieuse apparaît très vite, dès le jour de sa naissance. Le voilà qui dénoue les liens de ses langes, part à la recherche du troupeau d'Apollon, arrache la moelle de vie d'une tortue (dont il tire une substance thérapeutique). Il transforme la carapace en jouet musical, celle-ci devenant caisse de résonnance d'une lyre (un des instruments les plus anciens à un rôle d'accompagnement du chant; grande carapace de tortue qu'il perça pour y fixer des roseaux d'où partaient sept cordes en boyaux de brebis ; l'ensemble était recouvert d'une peau de bœuf et se jouait avec un plectre - petite baguette en bois ou en ivoire, médiator). La lyre est l'attribut d'Hermès, son inventeur, d'Apollon musagète (Apollon et trois muses : Calliope muse de la poésie, Polymnie muse de la rhétorique et Terpsichore muse de la danse. Le thème : Apollon musagète (« conducteur des muses ») instruit les muses à leurs arts et les conduits au Parnasse), d'Orphée, d'Érato (fille de Mnémosyne. Elle est la patronne de la poésie lyrique et érotique.

. Le mont Parnasse (ou simplement Parnasse, du grec ancien Παρνασσός / Parnassós) est une montagne du centre de la Grèce, qui surplombe la cité de Delphes. Particulièrement vénéré dans l'Antiquité, il était consacré à la fois au dieu Apollon et aux neuf Muses, dont il était l'une des deux résidences.

L'origine du nom est probablement préhellénique. Ainsi, des archives hittites ont révélé l'existence d'un toponyme anatolien comparable : Parnašša qui semble dérivé du hittite et du louvite parna signifiant « maison » ou « demeure ». Il semblerait que, primitivement, le sommet du Parnasse, comme celui de l'Olympe, fut considéré comme le haut lieu de culte de l'hiérogamie du Ciel (Zeus, associé à Ouranos, divinité première du ciel) et de la Terre (Gaïa), car on sait que le sanctuaire de Delphes fut d'abord consacré à Gaïa avant d'échoir à Apollon.

Séduit par les sons qu'Hermès tirait de sa lyre, Apollon accepta l'échange de ses troupeaux pour l'acquisition de l'instrument. Finalement, le troc transforme le vol en échange légalisé.

En devenant dieu à part entière, Hermès sera, avec Hestia, la divinité la plus proche des humains, dans une fonction complémentaire avec elle : au centre des foyers, Hestia assure leur fixité et leur pérennité; Hermès, situé au niveau des portes, serrures, limites des lieux, frontières des domaines, prend place où l'on rencontre le changement, où l'humain est mobilisé du dedans vers le dehors.

De voleur, il devient pour les humains le fondateur de l'échange des biens et des paroles.

Ligoté avec des branches de gattilier par Apollon pressé de récupérer son troupeau, Hermès pousse le prodige au point où l'arbre va multiplier ses racines enchevêtrées, afin de retenir les précieuses vaches : enserré dans des liens, Hermès les multiplie ainsi dans un enracinement libérateur de son larcin. Loin de masquer ou d'atténuer l'aspect extrême de la situation, il sait avec art la pousser jusqu'à son paroxysme pour la retourner à son avantage.

Mais il est aussi le messager des dieux, le tueur d'Argus (pr se purifier de ce meurtre, les dieux jetèrent un tas de pierre en direction d'Hermès, d'où on érigea un tas de pierres auprès des effigies d'Hermès sur le bord du chemin), le dieu aux rayons clairs, le semeur de richesses

Dieu profondément équivoque, Hermès passe au travers des mots et des choses, médiateur habile qui sait faire fructifier les accidents réels et masqués qui résultent des communications : c'est par accident qu'Hermès contrôle la végétation et la domestication, construit la cithare et la flûte de Pan, découvre l'art du feu, est présent quand surviennent la séduction, le mariage, la reproduction. Porteur des messages inattendus, il est le dieu mythique du mouvement, du changement d'état, des transitions, des contacts entre éléments étrangers. C’est lui qui fait pivoter le gond des portes à leur ouverture, brouille la nature des signaux laissés par son passage, créateur de confusion et de réorganisation.

Hermès est le fondateur humain de la ritualisation thérapeutique : il est le paradoxe par excellence, le "serviteur appliqué", le personnage douteux qui "manque de dignité", le guide dans les chemins obscurs, recouvrant les aspects peu nobles de la psychologie humaine.

Protecteur des domestiques, il est lui-même le serviteur des dieux (en Crète, les esclaves festoyaient en son honneur et étaient servis par leurs maîtres, comme au carnaval, symbole de l'inversion des "valeurs" de la société, quand elle se regarde dans le miroir. Parmi les dieux, il est le plus proche et le plus aimé des hommes, en tant que dieu du gain inopiné, de la bonne fortune (chance). Il est le guide sur les chemins de passage, celui qui est retenu, détenu par des liens, matériels et affectifs. Sa ruse, son habileté, son invention trouve leur place dans la béance obscure, incertaine, indéfinissable entre la réalité et la fiction, lieu même où la réalité se cherche pour se perdre indéfinitivement : la mimesis. Hermès permet la communication dans la maison, parmi les habitants de la maison et la famille, dans le mariage, des pensées dans la parole, dans leurs aspects ambigus et incertains. Chez Hermès, le métis devient friponnerie, et l'étrange ironie. Mais cette friponnerie et cette ironie fonctionnent comme des messages prescripteurs, qui régulent les formes négatives et violentes des liens. Grâce à Hermès, la friponnerie, par la métis, devient sagesse, source de pacification en cas de conflit, et l'étrange, l'ironie deviennent humour, par amplification de l'absurde. Chez Hermès, le mensonge, la tromperie et le vol précèdent la reconnaissance sociale, l'action industrieuse et créatrice, le partage juste des biens et des valeurs civilisatrices.

Dieu des relations pacifiques et des rapports sociaux entre les humains, il est dieu des éphèbes, préside aux luttes et aux concours gymniques. Dieu personnifiant le double crépuscule du soir et du matin, il disparaît chaque soir à l'occident pour reparaître le matin à l'orient. Il devance l'aurore, annonce Zeus. Il devance la nuit, précurseur des divinités nocturnes. Hermès est le signe de la nuit, de la ruse, du vol nocturne.

Médiateur habile, astucieux, ingénieux, dans les situations ambiguës, dangereuses, Hermès met fin au combat entre les dieux : je ne veux pas, Léto, combattre contre toi : il est trop dangereux de s'en prendre aux épouses de Zeus, l'assembleur des nuées. Va vite chez les dieux, si tel est ton désir, te vanter de m'avoir vaincu de vive force. Aphrodite, épouse d'Héphaïstos le boiteux, tombe amoureuse d'Arès. Héphaïstos, informé par le soleil, les pièges dans leurs ébats en installant des réseaux de chaînes invisibles, placés au pied du lit et au plafond. L’ingénieux réseau immobilise les deux amants surpris : Apollon prend Hermès à partie : Hermès, le fils de Zeus, le porteur de messages, le semeur de richesses, je crois que tu te laisserais prendre sous de pesantes chaînes, réseaux invisibles, pour dormir en ce lit de l'Aphrodite d'Or.

Hermès, le message rayonnant : Ah, plût au ciel seigneur à la longue portée. Qu'on me charge Apollon, et trois fois plus encore de chaînes infinies et venez tous mes voir, vous dieux/déesses, mais que je dorme aux bras de l'Aphrodite d'Or. Le rire éclata chez les dieux.

Hermès aura un enfant avec Aphrodite, Hermaphrodite. Hermès est le premier Adam, homme primordial, Adam-lumière, pneumatique ; le deuxième Adam est l'Adam psychique, Isis, Ève, Hermaphrodite ; le troisième est l'Adam terrestre.

les transaction d'Hermès sont les formes ambiguës de communication marquées par le transfert d’un bien matériel ou moral entre deux personnes ou plus, qui surgit au travers de circuits arborescents (transgénérationnels ou d'échanges); sous la forme d'un changement brusque et imprévu d'un système de valeurs; où l'intelligibilité du processus de la transaction reste équivoque. Ce transfert correspond à une transmission symbolique, il s'accompagne d'une transformation mythique ou idéologique. Ceci est un mythe !

La transaction d'Hermès se produit lors d'un changement d'éclairage : ce qui était lumineux devient obscur, ce qui était obscur devient visible. Elle correspond à un point critique d'un système où les parties, les unités sont isomorphes à la totalité, et où la totalité est isomorphe à chaque unité. Ceci est fugace, passager, correspondant à la synchronisation de temporalités asynchrones (tout change en deux, trois générations). Elle surgit par exemple lorsque chaque partenaire d'une famille a une représentation du système familial, où le groupe familial a une représentation de chaque partenaire, et où ces représentations sont identiques (propriété d'holomorphie du système). Ce phénomène intervient, de manière plus ou moins réussie, lors du passage de l'enfance à la vie adulte, au travers de l'adolescence. L'adulte ne devient autonome que s'il intègre ses systèmes d'appartenance, et que ceux-ci arrivent à l'intégrer comme tel.

ce type de transactions, qui peut advenir de manière spontanée, accidentelle, contingente, intervient habituellement lors des rites de passage : il existe alors une modification dans la forme ou le contenu des messages, dans l'état de conscience (sommeil/hypnose/veille), une transmission d'information, qui se fait d'un niveau hiérarchique à un autre, a des incidences matérielles et énergétiques, qui se manifestent par un remodelage du sacré (qu'il soit ou non institué par un rituel religieux). Il peut s'agir d'une modification apportée au déclenchement d'une conduite amoureuse, l'apparition de la capacité à travailler, c'est-à-dire à l'avènement d'un comportement autonome. Ces changements correspondent aux périodes transitoires des cycles de la vie familiale, qui peuvent eux-mêmes entrer en interférence avec l'évolution des conditions économiques et politiques de la société. L'évolution de ce phénomène échappe au contrôle des protagonistes de l'interaction. C’est ainsi que le changement s'opère lors de moments critiques, où l'état de conscience passe de la clarté à l'obscurité et vice-versa : les idées organisées deviennent confuses, les idées confuses deviennent claires (on sait ce qu'on ne veut/peut plus, mais pas ce qu'on peut/veut). Cela interfère avec le système de valeurs des personnes en interaction.

La modernité est fondée sur la reconnaissance du caractère linéaire et irréversible de l'Histoire. Le mythe de l'éternel retour, fondé sur la répétition des archétypes.

La transaction d'Hermès est le lieu des paradoxes, des liens qui libèrent, des servitudes "volontaires" qui mettent en position méta : elle assure le passage entre immanence et transcendance, entre nature et culture. D'imaginaire et subjectif, l'intellect devient objectif et réel.

Hermès gère les silences éloquents, la synchronisation des cycles asynchrones, l'apaisement des situations violentes, les transgressions symboliques sources de nouvelles légitimités.

Tout échange relationnel repose sur la capacité de co-mémoriser l'expérience de l'échange, à partir d'un système de règles qui permet de différencier ce qui est commun entre les partenaires et ce qui les distingue. La crise apparaît quand la métarègle qui définit la nature de l'échange n'est l'objet d'aucun accord, implicite ou explicite. La résolution de ce temps critique passe par la modélisation d'un nouveau contexte qui permet de recadrer le désaccord qui porte sur la métarègle. Bien souvent, les désaccords concernant les règles et les métarègles proviennent de distorsions dans la transmission des symboles d'une génération à l'autre : grands-parents/parents/enfants mais aussi enfants/parents/grands-parents. Il existe alors des conflits de rites et de mythes au sein du groupe familial. C'est souvent le couple parental qui polarise ces conflits, par l'affrontement de métacommunications inconciliables (tu es mon enfant, transmet, tu es mon parent, changeons/évoluons), issues des familles d'origine.

Le végétal a un rôle de jonction énergétique (transformation photo-organique), l'animal un rôle de jonction spatiale (ses comportements permettent de relier plusieurs points distants les uns des autres), l'humain un rôle de jonction temporelle (son esprit l'autorise à penser la même chose que ses ancêtres, à anticiper des pensées non encore explicitées, à mettre en contact instantané des pensées appartenant à des époques différentes, notamment en réinterrogeant les œuvres des Anciens.

La famille est le relais obligé de cette capacité unique que possède l'humain de faire non seulement des apprentissages sociaux (comme tout mammifère), mais également des modifications dans ces apprentissages (apprentissages d'apprentissages). Le propre de l'humain est non seulement d'accumuler les expériences historiques, mais également de concevoir un lien possible entre origine et fin du monde. Ce lien lui permet, dans l'écoulement irréversible du temps, de symboliser des temps imaginaires réversibles, où on pourra revivre comme au bon vieux temps d'avant, sans tous ces problèmes modernes.


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