Pour lire le début de "Pierres et Natasha"
Epilogue
Le petit jour filtrait à travers les persiennes de bois, un petit jour gris et sale, signe de mauvaise journée, de temps pluvieux, de ciels poussiéreux, de pigeons ternes.
Natasha s’éveillait doucement, la tête voilée d’une migraine légère, symptôme de l’âge, peut-être, des vieilles fatigues, des lassitudes passées. Le drap et la couverture tiraient du côté de Pierre, dans son dos, et une fissure d’air, vers ses genoux, lui donnait une sensation de fraîcheur désagréable. Mais il dormait encore, lui semblait-il, et il lui répugnait de risquer de le réveiller en retirant l’ensemble vers elle. Il grognerait, se lèverait de mauvais poil, et traînerait des pieds, tout le reste du dimanche. Il valait mieux se rendormir, jusqu’à la sarabande des cloches de l’église, annonçant la messe et dix heures.
Pourtant, quelque chose d’autre la dérangeait.
La clarté ?
Elle rouvrait les yeux. De sa position, elle apercevait une partie du plafond de la chambre. Des ellipses jaunes, de place en place, trouaient l’ombre. Comme un matin de soleil.
D’ailleurs, elle entendait les merles chanter dans le cerisier. Le ciel serait-il limpide, clair, aérien ? Percé de soleil et d’espoirs lumineux ?
Elle refermait ses paupières, bercée par les litanies joyeuses des oiseaux du jardin. Elle pensait aux cerises, aussi, qu’il serait temps de cueillir. Profiter du dimanche pour en remplir le vieux panier d’osier. Sortir les casseroles de cuivre. La mousse frémissante et chaude, au dessus des fruits odorants. Les pots retournés sur le torchon blanc.
Pourtant, il y avait bien quelque chose qui la dérangeait.
Les ellipses ensoleillées rampaient lentement sur le plafond, et descendaient sur les premières ramures du papier peint fleuri. Elle s’amusait à les compter. Une pénombre inhabituelle, peut-être ? Un clair-obscur, un mélange curieux de soleil pâle et de grisé pluvieux. Comme des larmes dans un rire. Imperceptible.
Un mur.