Pour lire le début de "Pierres et Natasha"
A la place de Pierre se dressait un mur. Au milieu du lit. Un mur de pierres plates, ocres, mal scellées, qui dissimulait à Natasha une partie de la fenêtre.
Elle s’était retournée à demi, la tête légèrement levée, tournée au dessus de son épaule, tirant sur sa nuque, le regard à mi-hauteur.
Il y avait ce mur. Comme un rêve embué, un cauchemar dont elle chercherait à s’enfuir. Mais le mur gisait, inerte, lourd. Dans sa gorge, les cris de sortaient pas, une boule de feu raclait sa trachée, sa langue restait coincée, prisonnière d’une angoisse soudaine.
Il y avait un mur.
Natasha se mit sur son séant. Se releva. Sortit du lit. Elle était debout, frissonnante dans sa chemise de nuit, sans regarder le lit, les yeux rivés vers la porte, pour s’échapper. Elle courait dans le couloir, déjà, elle appelait Pierre. Elle était dans la cuisine vide. Elle jaillissait dans le jardin baigné de lueur matinale.
« Pierre ! Pierre ! ».
Seuls les merles du cerisier pouvaient lui répondre, l’œil tout rond, imperturbable. Elle tournait autour de la pelouse, autour des plates-bandes de fleurs rouges, autour de l’arbre. Elle tomba, prise de vertige. Elle tomba, face contre terre, le nez dans l’herbe, à plat ventre, sur le sol gorgé de rosée fraîche. Elle resta ainsi, comme une morte, inerte, laissant ses pensées s’enfuir de sa tête douloureuse.
Mais le froid finit par manger son ventre. Malgré les caresses douces du matin de soleil. Il lui fallait bien se relever, affronter le rêve de nouveau, retourner voir, corrompre la vision à la lumière de sa raison.
Elle grelottait. Jusqu’au cœur de la maison.
« Pierre ! Pierre ? ».
Dans la salle de bain, elle enfila son vieux peignoir usé, par-dessus la chemise de nuit imbibée des pleurs de la nuit. Elle fit un pas, puis deux, vers la chambre. Trouant de sa respiration rauque l’horrible silence.
La persienne versait des flots de soleil. Mais d’un seul côté. Le mur était bien là, bien réel, dur, rêche, sous ses mains effarées. A la place de Pierre.