Réflexion trente-six (19 avril 2009)
Qu'est-ce que le terrorisme ?
L'affaire dite du groupe de Tarnac, ces jeunes gens du plateau de Millevaches, et notamment l'accusation d'organisation d'actes terroristes à l'encontre de Julien Coupat et d'Yldune Lévy, continue de poser le problème de la qualification du terrorisme. Plusieurs journaux interrogent désormais la qualification de terroristes retenue à l'encontre de ces jeunes gauchistes, au grand déplaisir de la ministre de l'intérieur, qui récuse à la presse le droit de juger cette affaire («ce ne sont pas les journaux qui rendent la justice»), oubliant notamment que l'action de la presse ne la gênait pas lorsqu'elle émettait les mêmes jugements qu'elle, et oubliant aussi le fameux «J’accuse !» de l’écrivain-journaliste Emile Zola, publié dans le journal L'Aurore le 13 janvier 1898 dans l'affaire d'état (déjà) Dreyfus.
http://www.crdp-nice.net/editions/supplements/2-86629-399-1/F2_Zola.pdf
Juridiquement, qu’est-ce que le terrorisme ?
Il n'y a pas de définition juridique unique, claire et précise du terrorisme ! Il existe de nombreuses règles internationales ... La Convention de Strasbourg de 1977 vise «tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l’intégrité corporelle ou la liberté des personnes et tout acte grave contre les biens lorsqu’il a créé un danger collectif pour les personnes».
En France, l’article 421-1 du Code pénal reprend certains des mots de cette convention, mais l’expression « acte grave » est remplacée par l’énumération des infractions concernées (les atteintes à la vie, les armes, les explosifs, les vols, les extorsions de fonds, les destructions, les dégradations et détériorations, l’informatique, le recel, le blanchiment d’argent, le délit d’initié, etc...)
Le législateur n’a pas voulu créer d’infractions spécifiques. Il appartient aux autorités judiciaires de déterminer au cas par cas si tel acte délictueux est considéré comme un acte terroriste. Ce qui change à la fois les conditions de l’enquête (garde à vue, surveillances, juridictions…) mais aussi les peines encourues. Si les faits incriminés sont inscrits dans le tableau des infractions ciblées, le juge n’a qu’une question à se poser : l’auteur de l’acte revendique-t-il un caractère politique ? On a donc fait du terrorisme un acte criminel de droit commun, en se dotant d’un arsenal juridique hors du commun.
Dans la Revue de science criminelle, David Cumin, Maître de conférences à l’université Jean-Moulin, Lyon-III, estime qu’il est impossible de parvenir à une définition objective du terrorisme, mais il en donne l’approche criminologique suivante : «Relève du terrorisme l’acte isolé et sporadique de violence armée commis dans un but politique en temps de paix contre des personnes ou biens protégés. Est terroriste l’auteur d’un tel acte, quelles que soient la composition du groupe auquel il appartient et l’idéologie qui l’anime».
Toujours dans la Revue de science criminelle, Philippe Mary, professeur ordinaire à l’École des sciences criminologiques de l’Université Libre de Bruxelles, se pose la question de la différence entre le terrorisme et la délinquance urbaine. Pour lui, le terrorisme se caractérise par son aspect «grande criminalité». Mais ce qui rapproche ces deux types de criminalité, c’est que dans les deux cas, il s’agit de phénomènes indéfinis. Traités le plus souvent dans l’urgence, ils génèrent une politique de gestion des risques, dans laquelle la sécurité apparaît comme une fin en soi. «Une telle évolution de la notion de sécurité est le signe de passage d’un État social à un État sécuritaire», affirme-t-il.
Ces définitions s’appliquent-elles à Coupat et à ses acolytes (... des malveillances contre la SNCF ?...) ? On peut en douter. N’est-on pas en train de «banaliser» le terrorisme ? Supposons que ces bandes de banlieues qui font si peur à Monsieur Sarkozy deviennent plus virulentes, plus dangereuses pour la société, ne pourrait-on pas dénicher derrière leur action une volonté politique qui en ferait des terroristes ?
Dans un récent rapport au Sénat, Robert Badinter déclaraite : «Nous n’avons pas été, à ce jour, capables d’avoir une définition internationale du terrorisme. Ceci pour des raisons éminemment politiques. Si on regarde les textes existants, on trouve des définitions faites par raccroc ... Quand on regarde de très près les textes et notamment le texte fondateur de la Cour pénale internationale, on trouve une définition du terrorisme qui paraît acceptable : on considère comme crime contre l’humanité les actions décidées par un groupement organisé, pas nécessairement un État, ayant pour finalité de semer la terreur, dans des populations civiles, pour des motifs idéologiques. Les attentats du 11 septembre 2001 constituent une de ces actions...»
Dans une résolution du 14 janvier 2009, le Parlement européen «se préoccupe du fait que la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme a souvent abouti à une baisse du niveau de protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, notamment du droit fondamental au respect de la vie privée, à la protection des données à caractère personnel et à la non-discrimination...».
En France, une loi du 13 février 2008 autorise la ratification d’une convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. Elle oblige les États à incriminer certains actes perçus comme pouvant conduire à la commission d’infractions terroristes, même si l’acte terroriste n’est pas commis. Il en va ainsi du recrutement et de l’entraînement de futurs terroristes, ou encore de la provocation à commettre des infractions terroristes.
Ne sommes-nous pas allé trop loin dans la qualification des actes terroristes en France, si on en arrive à poursuivre une bande de jeunes anarchistes gauchisants qui auraient eu l’intention de tenter de détruire des caténaires de la SNCF ?
Saucratès
Parties précédentes :
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/12/23/morale-et-politique.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/03/22/morale-et-politique-deux.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/04/30/morale-et-politique-trois.html
4. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/11/26/morale-et-politique-quatre.html