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Le coup de chaud / xvii
Publié le 04 mai 2009 par Lejournaldeneon(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-17-
Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.
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CHAPITRE 9
BLEU CHIOTTES
(où il doit être question de la couleur de l’uniforme, et du mal qu’on doit avoir à l’enfiler)
C’était le jour du départ d’Antoine (la conséquence de sa décision, péremptoire, d’essayer de gagner sa vie comme photographe de guerre au lieu de s’engager comme tout le monde dans le portrait de communiantes ou les défilés de mode...) Marie s’était débrouillée pour le rejoindre sur le quai de la gare en inventant à Tony n’importe qu’elle excuse bidon pour qu’il la laisse sortir de l’appartement sans faire d’histoire. Affalé devant le poste, son abruti de mari n’avait même pas tiqué une seconde. Un vrai con ! La jeune femme se souvenait avait couru aussi vite qu’elle avait pu. D’abord la cinquantaine de marches descendues quatre à quatre pour rejoindre le bas de l’immeuble, puis les deux kilomètres et demi d’un revêtement de sol mal commode sur les trottoirs qui la séparaient encore d’Antoine. Marie se souvenait de tout. Ses cheveux dans les yeux qui l’empêchaient d’y voir clair en courant comme une dératée, la température élevée sur son front, la braise sous ses pieds pendant qu’elle cavalait comme une folle à travers les rues étrangement vides de la ville ; l’air poisseux de cette fin du mois de juillet sur son corps ; sa robe (rose) toute collante... sa paire de talons aiguille les mieux aiguisés, une arme ostensible dans chaque main. Ensuite l’image était plus floue. Son amant qui l’embrasse, Antoine qui parle vite en même temps qu’il l’embrasse. L’écho de leurs salives mêlées au son strident du coup de sifflet annonçant l’entrée du train en gare, le roulement de montagnes dans son cœur lorsque l’immense verrière métallique s’était mise à trembler au-dessus d’eux. Lui... une dernière image de lui dans son costume de reporter flambant neuf sur fond d’un puissant moteur diesel qui tirait tout un train vers Paris. L’envie de gerber juste après. L’amour de sa vie en plan serré sur la ligne Paris-Bâle et une certaine idée des fondus enchaînés qui suivraient son départ. Marie se monte un film, un vrai polar... Marie et ses yeux plantés au fond de son verre de Krieck, son béguin qui fout le camp. Marie titube au-dessus de sa mousse en repensant à son amour perdu ; tout ce qui se termine sur le quai d’une gare, les voyages sensibles, les virées clandestines... tout ce qu’on préfère des chemins de traverses à l’usage des transports en commun. Marie qui finit par vomir sa bière à la cerise trop sucrée, son amour exécrable qui la quitte. Assise au comptoir du Citizen, la jeune femme aligne les bocks de Gueuze en récitant des vers opaques sur le thème des chemins de fer et leurs tarifs exorbitants pour une simple bonnetière, une jeune salariée du secteur textile et sa voie toute tracée (une belle grammaire enchaînée à son mode de transports programmé dés le départ). Antoine filait vers le Vietnam, la baie d’Along, le golf du Tonkin... Quant à elle, Marie pris ce soir-là sa décision de trouver n’importe quelle manière originale d’essayer de se foutre en l’air dés le lendemain.
Et remarquez comment à l’instant d’une épreuve tragique, d’une circonstance un peu raide... un petit rien vous frappe l’esprit, dont on ne sait trop pourquoi ce détail insignifiant vous reviendra plus tard en mémoire, par simple analogie avec certaines des causes qui l’auront subrepticement initiées. Un détail insignifiant comme le banal coup de sifflet d’un cheminot en gros plan, au lieu d’un cœur serré sous la lumière d’une immense verrière jaunâtre ; le signal strident d’un fonctionnaire de la compagnie nationale des transports ferroviaires... au lieu des lèvres pressées d’un amant prêt à partir, et qui la laisserait là, seule... elle et sa vie médiocre, elle et sa toute petite vie ; elle et tout ce qu’elle s’était imaginée changer de son destin tout tracé, par le biais d’une étoile qui filait maintenant vers la mer de Chine, le Mékong... Lui, le souvenir de son corps impatient sur le quai d’une gare de l’Est de la France et recouvert d’une quinzaine de fermes à treillis d’une taille considérable composant le grand hall terminé en 1895 pour protéger les voyageurs des intempéries de leur époque ; une date, ce jour par exemple... « Un lundi dans la soirée ». Après ça, elle ne s’était plus souvenue de rien. Juste l’idée d’un express sans destination précise qui lui était passé dessus, au lieu d’un voyage astral retransmis en direct qui aurait peut-être su la réconcilier avec les grandes affaires du ciel, la couleur endolorie des ténèbres, l’éclat des lanternes galactiques. Ce lundi dans la soirée... ce lundi 20 juillet un peu chaud de l’année 1969 entre vingt et une et vingt-deux heures (heure américaine).
(À SUIVRE)
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