Magazine Nouvelles

Petites coupures

Publié le 04 mai 2009 par Zoridae
Petites coupuresL'autre jour je pensais à l'amour que j'éprouve pour mon fils et au fait qu'un jour il faudrait le laisser s'envoler loin de moi. Cela parait normal mais ce n'en semble pas moins d'une violence intolérable, surtout lorsqu'il colle son visage contre le mien en disant "Maman, je t'aime plus vite que la fumée !". Ma mère m'avait appelée à mon retour de vacances et j'avais été émue par sa toute petite voix lorsqu'elle m'avait dit "tu ne m'as pas téléphoné de la semaine !". Je n'imaginais même pas qu'elle puisse l'avoir remarqué. Alors quand je t'ai aperçu, toi aussi, à mon retour, je me suis demandé si tout amour ne serait pas plus fort, voué à la séparation. J'ai imaginé un couple qui vivrait ensemble une vingtaine d'années et, à l'heure où les sentiments menacent de s'étioler, partirait vivre chacun de son côté.
Il faudrait décider cela au départ, la raison devra l'emporter sur la passion, ce qui n'est guère facile au début d'une relation et demandera, des deux côtés, beaucoup d'intelligence et d'abnégation : il en ira de l'avenir du couple. La séparation n'en sera pas moins douloureuse... Je me souviens des cris de ma mère lorsque je lui ai annoncé que je quitterai la maison après mon baccalauréat. N'empêche, en se donnant rendez-vous comme aux premiers temps, en redécouvrant le visage de l'autre, sa vie, son indépendance, ce couple ne connaîtra-t-il pas une véritable cure de jouvence ? Et plus que ça, la perspective de cette séparation pendant les premières années de la relation, n'en fera-t-il pas une alliance exceptionnelle ?
Tu me regardes et tu ne comprends pas ce dont je parle... Dans quelques minutes, tu vas bouder et les questions vont se succéder, en rafales : "Tu n'es pas bien avec moi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux qu'on se sépare, c'est ça ?" Si je devais te reprocher quelque chose, ce serait cela : tu as le chic pour me faire culpabiliser dès que je doute, dès que je prends de la distance avec toi. J'aimerais tellement que ce que je t'ai donné suffise à te combler. Sais-tu que certains, parfois, s'étonnaient de ce que je te nourrisse autant ? Ils me demandaient "Mais comment trouves-tu le temps de préparer tout cela ?" Il se trouve que je n'avais guère de vie en dehors de mon travail et de toi. Il m'a fallu du temps pour découvrir que nous étions les seuls à trouver ça normal.
C'est peut-être pour cela que je ne te supporte plus aujourd'hui, exactement comme il m'arrive de ne plus me supporter. J'ai l'impression d'avoir placé en toi bien plus qu'il n'est nécessaire ; j'ai l'impression de me voir en toi et ça peut paraître idiot, mais du coup, je ne sais plus bien qui je suis. Tu retiens certaines choses que je voudrais oublier, tu effleures d'autres choses qui me sont essentielles et cela suffit à donner aux gens une idée de moi qui n'est pas forcément la bonne. Je m'y perds. Tout a commencé avec l'idée de me mettre plus sérieusement à écrire. Comme tu t'es cabré à cette perspective ! "Mais que vais-je devenir ? Je ne te suffit plus ?" Du coup tu m'as coupé les vivres. Très vite, je me suis sentie sèche comme un rosier sans eau. Perplexe devant mon écran d'ordinateur, je cliquais un peu partout, parcourant par habitude de nombreux textes, sans rien ressentir, sans laisser de traces de mon passage. Sans toi, je me sentais invisible.
Un soir, j'ai loué un DVD et je ne t'ai même pas jeté un coup d'œil. Que c'était bon ! Dexter est un personnage fascinant tu sais, vraiment inspirant. Les Desperate Housewives aussi. Et les infiltrés ? Vraiment bien ! Il m'arrive de penser que ces personnages m'apportent plus que toi.
J'ai mon petit rituel maintenant. Après huit à dix heures de cours, je me dis "à quoi bon passer du temps avec lui (c'est de toi qu'il s'agit, oui !) ?" et je glisse un disque dans le lecteur. Je câle un ou deux oreillers dans mon dos et je soupire d'aise.
Le hic, mon cher blog, c'est que malgré tout, tu me manques... Il va falloir trouver une façon de s'entendre à nouveau...

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines