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Parallèle

Publié le 07 mai 2009 par Zoridae

Parallèle"Elle, elle aime les lettres, parce qu'on y parle sans être vue. On se blottit dans des bras qui ne risquent pas de vous lâcher. On fait l'intéressante sans craindre de voir l'ennui crisper les traits du visage qui vous fait face.

Mais elle n'est pas dupe. Nous ne connaissons jamais l'autre, ne cesse-t-elle de répéter, si ce n'est à travers l'image que nous nous en faisons et qui n'est qu'une émanation de nous-même. Pauvres vaisseaux scellés. Et que fait-on quand on écrit une lettre, sinon tenir compte de l'image qu'on vous renvoie ? " Quand j'écris à Lytton ou à Léonard, confie-t-elle à Gérald Brenan, je ne ressemble en rien à ce que je suis quand je vous écris. Voici que ma buche qui a une forme de patte d'éléphant vient de tomber par terre, conclut-elle. Bonsoir. "
Jeu et sincérité, sincérité joueuse, et jeux sincères, être toujours sincère et toujours autre. Virginia ne cesse d'interroger ce moi insaisissable, le sien. Et cela au moins est constant. " Quand je vous écris, je prends invariablement un ton enjoué, parce que c'est un masque commode, mais les masques, précisément parce que je suis écrivain, me pèsent. Maintenant que je suis vieille, je ne veux plus m'encombrer de superflu, je veux former mes mots à la crête des vagues, redoutable entreprise ", écrit-elle à un autre de ses correspondants privilégiés, Jacques Raverat.
On comprend mieux les lettres sont à la fois le jeu social par excellence et le lieu de la sincérité par excellence. C'est pourquoi, régulièrement, Virginia Woolf décide d'arrêter. Plus de lettres. D'abord cela prend du temps, le temps qu'il faudrait consacrer à l'œuvre, et puis on s'élance vers les autres, et on se casse la figure, on y ment et c'est pire quand on dit la vérité."


Geneviève Brisac, Agnès Desarthe - La double vie de Virginia Woolf -P75 et 76


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