Magazine Talents

Martha ? C'est vous ?

Publié le 11 mai 2009 par Dagobert
Alors qu'il s'apprêtait à éteindre sa lampe de chevet, Fr... Alors qu'il s'apprêtait à éteindre sa lampe de chevet, François crut entendre une voix venant du couloir.
Martha ? Martha ? C'est vous ? hasarda t-il dans un souffle. Dans cette chambre inconnue, tout
lui semblait hostile, chaque coin d'ombre abritait un mystère.
Son appel provoqua une brève mais sonore cavalcade derrière la porte. Il se pétrifia, les draps remontés en protection dérisoire contre sa poitrine.
Un silence aigu s'installa avec pesanteur.
Une chambre qui n'est pas la mienne dans la maison d'un oncle qui vient de mourir, c'est normal que je monte des films, se raisonna t-il, les sens aux aguets. Il n'empêcha qu'il n'avait pas bougé d'un pouce, les draps serrés contre le ventre.
En quittant le lit, François tenta de se souvenir de la configuration de la maison.
Martha, la « gouvernante » de feu son grand-oncle, lui avait fait une visite de la maison, au pas de charge. Et, en se limitant au minimum à savoir une chambre de moine, la cuisine et la salle d'eau. Elle lui fit savoir, sans ménagement, que sa présence était une charge et elle lui spécifia qu'une fois le testament de son oncle Hannibal, dépouillé, il faudra partir.
A moins que cette bicoque ne soit à moi demain, dès qu'on aura quitté l'avoué, vieille bique, se réjouit François, en son for intérieur.
Il a mis sur le compte de la jalousie, l'acidité à peine voilée de cette femme revêche. Après tout, c'est certainement elle qui aurait dû hérité de cet homme a qui elle s'était dévouée depuis tant d'années ! Elle avait dû bouffer son tablier quand elle a appris l'existence de ce petit neveu qui allait hériter de tout, puisque son dernier parent survivant.
François n'a pas connu ce grand-oncle Hannibal. Ses parents en parlaient peu et en des termes pas très reluisants. Ce fut un homme fantasque, bohème, ayant beaucoup voyagé mais égoïste, vicieux et cupide.
Devant la porte de sa chambre, François hésita.
Plus aucun bruit. La maison semblait avoir retrouvé sa quiétude.
Mais alors qu'il se décidait à retrouver son lit, des hoquets entre pleurs et rires surgirent de derrière la porte, accompagnés de grattements rapides. Il manqua de pousser un cri, la main sur la bouche.
- Y'aurait-il un chien dans cette maison ? Des rats, peut-être ? Dans cette vieille bicoque, va savoir! Allons, je ne suis plus un petit enfant qui a peur parce qu'il est tout seul, dans le noir, se sermonna t-il, en franchissant la distance qui le séparait de la porte.
Décidé, il l'ouvrit, certain de ne rien y découvrir. En effet, le palier était vide. Par contre, il n'était pas silencieux. Une longue et sourde plainte traversait les murs.
Si j'hérite de la baraque, pensa François, je refais toute la tuyauterie. Non, mieux, je la rase, de
toutes façons, je la trouve sinistre... Pour rien au monde, je n'habiterais...
Dans la cuisine, un bruit de plat métallique qui tombe, fracassa le silence. François sursauta.
Martha ? C'est vous ?, articula t-il, exsangue en traversant le hall.
D'une main tremblante, il poussa la porte de la cuisine, certain d'y trouver la gouvernante accroupie, en train de ramasser ce qui serait tombé d'un plateau qui lui aurait échappé.
Mais la cuisine était éteinte, silencieuse. Il y régnait un ordre maniaque. Mal à l'aise, honteux de sa peur, François se servit un verre d'eau dans un silence de mausolée. Le robinet geignit et trembla sous sa main quand il l'éteignit.
- Vraiment pourrie, cette tuyauterie, pensa François.
Il but avec bruit, rien ne lui reviendra d'aussi précis.
La carcasse de ce qui fut François est pendue dans le grenier. Dans une haute bassine évasée en métal, en dessous de lui, ses viscères surnagent dans un oeil de sang. A peine indisposée par l'odeur, Martha finit de préparer la dépouille. Avec une grosse cuillère en argent, elle fait... PLOP.... jaillir un oeil se son orbite et PLOP, l'autre. Au bout de leurs nerfs optiques, ils viennent pendre au dessus de la bassine, comme curieux d'y voir l'ignominie qui s'y trouve.
Martha ne se hâte pas. Elle tourne autour du corps, un couteau à la main. Ses gestes sont habitués et précis. Elle commence à trancher les muscles, et de la pointe de son couteau en écarter le gras pour lever des filets. Elle chantonne en accumulant les morceaux sanglants sur les grands plats en inox, posés sur une table au milieu de tranchoirs et de couteaux ensanglantés.
Celui-là, en plus d'être stupide, n'aimait pas trop le sport, pense t-elle, en faisant grincer le métal de sa feuille de boucher contre le cartilage de son épaule pour arracher un bras flasque.
Mais,se réjouie t-elle, par chance, il n'était pas fumeur.
Elle servira ses poumons à Maître Hannibal, dés ce soir.
Avec des fèves au beurre.

FIN

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine