Elle a failli s’étrangler quand il lui a dit :
- Maintenant que tu as tellement maigri, les hommes vont te regarder de nouveau ! »
Voilà donc pourquoi il lui susurrait des bêtises du genre : « tu es confortable » avant qu’elle ne se décide pour de bon à se débarrasser de ses stocks graisseux périmés datant du dernier épisode grossesse-allaitement. Ses kilos à elle, c’était son assurance-fidélité à lui. Logique. Comprendre : aucun effort à faire pour la séduire chaque jour de nouveau vu que de toute manière elle n’intéressait personne à part lui.
Malgré tout l’amour qu’elle lui porte, en elle monte comme une envie de vengeance, en souvenir du temps où engoncée dans ses kilos comme dans une panoplie de bonhomme Michelin, la poitrine douloureuse de la tétée qui approchait, elle contemplait, impuissante, les petites secrétaires vénusiennes venir jusque sous son nez à elle, le draguer, lui, toujours svelte malgré les paternités répétées. Alors pour lui rendre la monnaie de sa pièce et le faire enrager, juste un peu, pour lui donner raison en quelque sorte, un de ces jours, dans quelques temps, elle lâchera dans la conversation :
- J’aime bien ton expression … Dans une autre vie peut-être…Tu sais ? Quand tu disais que de temps à autre, la vie faisait qu’on rencontrait quelqu’un avec qui on aurait envie de faire un bout de chemin, et qu’alors tu pensais : dans une autre vie peut-être…
Même si elle n’a aucune envie d’aller voir ailleurs. Car elle se le répète souvent quand elle le regarde de loin bavarder et rire, et que soudain il se tourne et vient vers elle, avec les mêmes yeux qu’il y a 25 ans et juste un peu moins de cheveux. Si ce n’était déjà fait, celui que elle, elle draguerait ce soir, sans aucun doute, ce serait lui.