L’enfant-roi mange pour son petit-déjeuner de la pâte à tartiner au chocolat sur des tranches de pain blanc américain extra-moelleux dont son papa ôte malgré tout méticuleusement les croûtes.
La maman de l’enfant-roi refuse qu’il aille séjourner chez son oncle car cet être sans cœur oblige ses propres enfants à manger leurs croûtes de pain. Quel traumatisme pour l’enfant-roi !
L’enfant-roi a un transit intestinal difficile. Sa maman achète des kiwis toutes les semaines en proclamant :
- C’est pour la constipation de mon enfant-roi ! »
L’enfant-roi – qui a largement dépassé l’âge de raison – a le droit de faire du roller au supermarché au milieu des clients et des caddies.
- Ce n’est qu’un enfant ! Ce n’est pas de sa faute s’il y a la queue à la caisse ! dit encore sa maman.
L’enfant-roi ne peut prendre le train seul sous la responsabilité d’une accompagnatrice de la SNCF pour aller rendre visite à sa grand-mère à l’autre bout de la France. Son papa préfère perdre 4 journées de RTT et le prix des billets correspondants pour faire lui-même les deux allers-retours en compagnie de la prunelle de ses yeux.
D’ailleurs l’enfant-roi ne peut jouer au foot avec ses copains dans l’impasse tranquille devant chez lui.
- Trop dangereux ! Et si un pédophile passait par là ? Les parents de tes copains ne sont que des inconscients !
L’enfant-roi, qui n’en a pas encore l’âge, veut faire une activité extrascolaire pour les plus de 13 ans. Son père lui dit :
- Ne t’en fais pas, mon enfant-roi, je vais arranger ça, c’est moi le chef !
Lorsque les parents de l’enfant-roi sont invités à dîner, ils emmènent toujours l’enfant-roi avec eux, ou alors ils refusent l’invitation. Le papa de l’enfant-roi quitte la table après l’entrée pour aller s’asseoir avec lui sur la moquette et jouer sur la super-console au dernier jeu de guerre, dont les sons de mitraillette interdisent toute conversation dans la même pièce.
Pourtant l’enfant-roi ne sera jamais heureux. Car un jour ses parents ne seront plus là pour réorganiser le monde autour de lui.
Et ce jour-là à qui en voudra-t-il ?
A ses parents de ne lui avoir montré le monde qu’à travers le prisme déformant de leur amour étouffant ?
Ou au reste du monde qui par effet miroir lui renverra à longueur de journée l’image de l’être inadapté, égocentrique, gaspilleur, malpoli, et incapable de se plier à la moindre règle qu’il est devenu malgré lui ?