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Le marquis de Kougnonbaf 10

Publié le 29 juin 2009 par Lilianof

Scène VI

KOUGNONBAF – BIFENBAF – LYNDA

LYNDA

Attendez-moi ici, les enfants !

BIFENBAF

Je ne suis pas tes enfants.

KOUGNONBAF

Mais je n’ai rien dit !

BIFENBAF

Où en étions-nous ?

KOUGNONBAF

À Lynda.

BIFENBAF (soupirant)

Ah !... Lynda.

KOUGNONBAF

Lynda la peste !

BIFENBAF

Lynda la chipie !

KOUGNONBAF

Lynda la garce !

BIFENBAF

Lynda la débauchée !

KOUGNONBAF

Lynda la perfide !

BIFENBAF

Lynda la sulfureuse !

KOUGNONBAF

Lynda la dépravée !

BIFENBAF

Lynda la droguée !

KOUGNONBAF

Lynda la dealeuse !

BIFENBAF

À mort Lynda !

KOUGNONBAF

Que le diable l’emporte !

BIFENBAF

Que le bigre l’étripe !

KOUGNONBAF

Que le diantre la cuise.

BIFENBAF

Que Bélial lui tire les doigts de pieds !

KOUGNONBAF

Que Belzébuth lui taille les oreilles en pointe !

BIFENBAF

Enfin elle et morte !

KOUGNONBAF

Bon débarras !

BIFENBAF (apercevant Lynda)

Mais regarde un peu qui voilà !

KOUGNONBAF

Une sauterelle !

BIFENBAF

Une souris !

KOUGNONBAF

Une greluche !

BIFENBAF

Une musaraigne !

KOUGNONBAF

Viens boire un coup avec nous. Il reste encore une petite goutte… Justine… Justine ‘tite goutte. À la santé de Justine.

BIFENBAF

Vive Justine !

KOUGNONBAF

Allez ! Ne fais pas ta bêcheuse, viens boire un verre avec nous.

LYNDA

En quel honneur !

BIFENBAF

Nous fêtons, à grand renfort de champagne, la mort et l’enterrement de Lynda.

KOUGNONBAF

De Lynda la pétasse.

LYNDA

La pétasse ?

KOUGNONBAF

Tu la connais ?

LYNDA

Un peu.

KOUGNONBAF

C’est une mocheté.

LYNDA

Une mocheté ?

KOUGNONBAF

Une vraie, une pure, un authentique.

BIFENBAF

Il ne faut pas exagérer, Ottobus… rail… Ottokar. Elle n’est pas si moche que ça.

KOUGNONBAF

Elle est moche. Ne fais pas attention à lui, Justine. Il est complètement bourré. Trois malheureux litres de champagne de la Marilyn… Maritza. Miroslav, il est tellement amoureux de cette Lynda qu’il est prêt à vendre son âme au diable pour pouvoir l’épouser.

LYNDA

C’est vrai ça, Miroslav ?

KOUGNONBAF

Et en plus il ne voit pas clair, Miroslav, complètement miro. Tellement miro, Miroslav, qu’il la trouve belle. Mais Lynda elle n’est pas belle, elle est moche, elle est très moche, encore plus moche que toi, ce n’est pas peu dire.

(Lynda lui donne une paire de gifles.)

Mais qu’est-ce que j’ai dit ?

BIFENBAF

Elle ne t’a pas loupé, Justine.

LYNDA

Ces belles choses étant dites, buvons à la santé de Lynda la moche.

KOUGNONBAF

À la mort de Lynda.

BIFENBAF

À l’enterrement de Lynda.

LYNDA

À la résurrection de Lynda.

BIFENBAF

C’est Lynda ! C’est elle, je te dis, c’est elle !

KOUGNONBAF

Lynda ? Où ça ?

BIFENBAF

En face de toi, imbécile. Tu ne la reconnais pas ?

KOUGNONBAF

Mais ce n’est pas possible ? Lynda est à Paris.

LYNDA

Je suis rentrée plus tôt que prévu. Et j’aurai quelques mots à vous dire, messieurs. Comment se fait-il que dans cette salle qui a vu les dernières minutes de mon père, vous organisiez une beuverie.

KOUGNONBAF

Je…

BIFENBAF

Nous…

LYNDA

Votre attitude indigne insulte sa mémoire. Je vous châtierai avec la plus grande sévérité. Je vous laisse seulement le temps de dégriser, ensuite je vous convoquerai chacun dans mon bureau. Je veux votre emploi du temps détaillé pendant toute mon absence. Vous pouvez disposer.

KOUGNONBAF

Oh ! là ! là ! là ! là !

BIFENBAF

Ça va chauffer pour nos oreilles.

KOUGNONBAF

En ce qui concerne les miennes, ça commence déjà.

BIFENBAF

Trouve quelque chose, Ottokar. Tire-nous de ce pastis !

KOUGNONBAF

Je ne me sens pas bien, j’ai mal au cœur.

LYNDA

J’ai dit : « Vous pouvez disposer ». Ça veut dire : Dehors !

(Sortent Kougnonbaf et Bifenbaf, Lynda invite ses nouveaux amis à entrer.)

Scène VII

LYNDA – Mohammed – Mamadou – Julien – Mansinque – Yakouba – Moussa – Valérie – FABIEN – FABIENNE

LYNDA

Soyez les bienvenus chez moi.

MOHAMMED

C’est chez toi ici ?

MOUSSA

C’est plus grand que chez nous.

LYNDA

Maintenant c’est aussi chez toi, Moussa.

MOUSSA

Chouette !

JULIEN

C’est Versailles ici.

LYNDA

Tout de même pas, mais la Syldurie est plutôt fière de son palais, de sa galerie d’art et sa bibliothèque royale, maintenant ouverte à tous.

VALÉRIE

C’est vraiment gentil de nous accueillir ici, Lynda, mais loin de Youssouf, le plus merveilleux palais sera pour moi comme une prison.

LYNDA

Ne sois pas triste, Valérie. Youssouf te sera bientôt rendu, je te le promets.

VALÉRIE

Merci.

MANSIQUE

Traverser ton pays en avion valait le coup d’œil. La Beauce vue du ciel n’est pas aussi jolie.

LYNDA

Mon pays est le plus beau pays du monde.

YAKOUBA

Yssouvrez ne viendra pas nous chercher ici, c’est sûr.

MAMADOU

Nous allons nous plaire dans cette maison.

LYNDA

Malheureusement pour vous deux, Mohammed et toi n’y resterez qu’une nuit. Dès demain, je vous livrerai à la police royale qui vous conduira au centre de détention. Rassurez-vous, les conditions de vie y sont très humaines. Et cela fait partie de notre contrat.

MAMADOU

Nous ne l’avons pas oublié, Lynda, et nous ne voulons pas trahir ta confiance.

LYNDA

Je veillerai à ce que vous soyez jugés dans les jours qui viennent. Et comme je vous l’ai dit, je témoignerai en votre faveur de votre repentir et de votre désir de commencer une nouvelle vie. Je saurais convaincre le juge, et toi, ne t’avises pas de te présenter devant lui avec ta casquette à l’envers.

MOHAMMED

Ton avis pèsera lourd.

FABIEN (remarquant les trois bouteilles vides)

Mais dis-moi, on n’engendre pas la mélancolie chez toi.

LYNDA

Ces lamentables marquis ont profité de mon absence pour mettre la maison en désordre. Je les punirai sans aucune indulgence.

FABIENNE

S’il y a quelques baffes à donner, je suis toujours partante.

LYNDA

Mais vous avez besoin de repos, notre servante Antonia va vous diriger vers vos chambres. Quant à moi, je vous rejoindra plus tard.

Scène VIII

LYNDA – ÉVa

( Lynda se retrouve seule. Elle trouve les journaux laissés sur place par les marquis, qu’elle lit attentivement.)

LYNDA

Alors là, mon petit père, tu vas me le payer !

(Entre Éva.)

ÉVA

Lynda ?

LYNDA

Tu es surprise de me voir ? J’aurais dû te prévenir. Excuse-moi ! J’ai finalement écourté mon séjour.

ÉVA

J’ai bien lieu d’être étonnée ! Oh ! Ma sœur ! Quelle joie ! Je te croyais morte.

LYNDA

Morte ? Moi ? En voilà une idée !

ÉVA

Tes aventures parisiennes se sont donc bien terminées. J’en avais reçu d’autres échos.

LYNDA

Je te raconterai tout cela en détail.

ÉVA

Oh ! Oui ! J’ai eu si peur. Je croyais ne plus te revoir.

LYNDA

Eh ! bien ! Tu m’as revue. La vie va reprendre son cours et nos péripéties, je l’espère, s’achèvent ici. Reposons-nous un peu avant de nous remettre au travail.

ÉVA

Ma pauvre ! Si je t’avais perdue ! Mon deuil aurait assombri la bonne nouvelle.

LYNDA

Mais enfin, de quoi parles-tu ? Quel deuil ? Quelle bonne nouvelle ?

ÉVA

Je vais me marier ?

LYNDA

Tu vas te marier ? Toi ? En effet, si j’étais morte, je n’aurais pas pu venir à ta noce. Ç’aurait été dommage. Et qui est donc l’élu de ton cœur ?

ÉVA

Otto.

LYNDA

Otto ?

ÉVA

Ottokar.

LYNDA

Qui ça ? Ottokar ?

ÉVA

Ottokar de Kougnonbaf.

LYNDA

Quoi ?

ÉVA

Ottokar m’a demandé ma main.

LYNDA

Madame Éva de Kougnonbaf ! Je m’attendais à mieux.

ÉVA

Tu n’aimes donc pas mon fiancé ?

LYNDA

Ne t’avais-je pas mise en garde avant mon départ : « Méfie-toi des Marquis et de leur hypocrisie. » Et le mieux que tu trouves à faire, c’est de les épouser.

ÉVA

Enfin, Lynda, tu es trop suspicieuse. Ottokar est un homme charmant, et plein d’attentions pour moi.

LYNDA (lui tendant les journaux)

Regarde donc ce qui sort des rotatives de ton cher Otto.

ÉVA

Je sais, je sais. Il m’a promis de régler ce problème.

LYNDA

Il a intérêt. Nous avons besoin de faire une petite mise au point, tous les deux. Quand je lui aurai réglé son compte, tu passeras me voir dans mon bureau.

ÉVA

Celle-là, c’est la meilleure !


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