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Dans la ville au bout de la ville

Publié le 03 juillet 2009 par Jlk

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Par Miroslav Fišmeister
A Zuza
Dans la ville au bout de la ville
où un colonel anglais ne fait rien, jette seulement une ombre,
là moi, bien qu’ayant quitté l’Avignonie,
comme un arbre géant tombé dans un précipice,
comme un cartographe descendant des joueurs de sous le panier,
j’ai appris que le pourcentage des palmipèdes
paraît baisser avant l’heure.
Partager au moins un fragment de tes doigts !
De jour, la fenêtre sent la tempête,
des chaussures coulent rouges derrière la maison ;
la nuit, la machine à écrire, de ses lèvres habillées, cogne à
la vitre,
mais je ne réponds point,
car je ne saurais voir, en si peu de nuances, ce qui ne
pourrit pas en moi,
car la louve de glace doucement doucement pleure
dans les confitures articulées
- trop tard l’osseux sauvage
lui appporte une vieille poussière,
un délire amer ravage ma face,
frappe mes galaxies.
JE NE SAIS PAS !
***
A minuit, la lumière que tu fais pleurer :
parce que je n’ai pas osé toucher le soutien-gorge ?
Parce que les pithécanthropes se soûlaient ?
***
Sans doute parles-tu toujours en cristaux,
mais pour Giotto dans un millier d’années,
quand les fleurs retrouveront leurs couleurs naturelles.
***
Comme j’aimerais savoir
ce que pensent les oiseaux
de nos visions de dinosauroïdes !,
surtout quand, la nuit, se réveille sur le mur
l’oiseau de métal avec qui
avant de se jeter sous un train, s’entretenait
mon oncle, muni de lunettes proches
de celles que portait Peter Sellers.
***
Para Lydia Tennant

La barque à trois pommes derrière les colonnes d’Héraclite,
pas aussi majestueuse peut-être que la lettre G
mais plus tendre, et sans doute plus bleue
te dit justement par son soleil :
« Même la pluie est une voie. »
(Extrait du recueil inédit : And that, piglet, is an habit from the ceiling.)

Définition de la tristesse

Un cortège nuptial s’appuie sur la route.
La grenouille, moins affamée que le lit,
raconte à l’hémorroïde horizontal – ce clown –
quel bonheur réside
dans les griffures du chat.
Et le sourire de la mariée le confirme.
***
Dans le trolleybus
petits cubes jaune foncé de la mort,
petits cubes bleus de la mort.
La baguette d’une terrasse de café.
Deux tournants jusqu’à ta maison :
entre eux, l’infini.
***
Des joueuses en maillot bleu.
Chacune a un Visage, des aliments et des vêtements, des
doutes.
Je vieillis : la tristesse ne m’étonne plus.
***
Un bateau s’approche sur l’eau,
un autre, en italique.
Devine lequel je vais choisir.
Herbe sèche de faux.
Direction dans laquelle sans tes pas la rivière s’assombrit.
***
La vitre est notre amie, sait la chancelante.
Au ciel bleu, des papillons dont la barbe rajeunit.
Une interminable grenouille verte et un seau pour passer la
nuit.
Les axolotls retournent leur oreiller
parce que l’autre côté est plus froid
- c’est la définition du vert.
Les mouches retournent leur oreiller
parce que son envers est couvert de salive
- c’est la définition du bleu.
La soupe faite
de la prospection des poches du saïmiri
et du plumage des gros perroquets,
parce que je ne comprends pas les bêtes dans mes rêves
- c’est la définition de la tristesse.
***
Un stylo bille après l’autre s’asseyent dans l’herbe rouge.
La différence des sensations ne change pas une couleur du
ciel multicolore.
Oeil – bientôt au pluriel – et cheveux longs :
souriant l’un à l’autre, pleins d’amour, par-dessus la table.
***
La vieille descend l’escalier
Elle rajeunit à chaque pas
jusqu’à se fondre dans le sol à carreaux
***
Choses chues çà et là.
Le vide est toujours plein de quelque chose.
***
Un matin.
Douze matins.
Douze matins glacés.
Becs. Becs. Becs.
Un jaune non asservi porte des oeufs dans un panier,
poireaux, salade, ciboulette, choux frisé,
porcelet, grives (j’ignore ce que c’est), lièvre.
Sous le plafond se balancent des couronnes de sonnets.
Le gué enlace de jeunes filles.
Tu entreras maintes fois dans douze matins glacés.
***
Le son d’un mur en brique
est un blaireau.
Le son du blaireau
est un brossage de dents.
Combien me manquent mes trois zèbres...
***
A Burundi, les horloges marchent chacune vers un autre but.
L’heure-homme s’est trouvé une jeune fille banane,
l’heure-femme, un vannier batiké en rouge.
Oui,
ces mots décrivent aussi
douze statues en béton de Caracciola dans une rue pleine ou
vide.
Quand tu prendras un marteau pour faire une promenade en bus,
à Burundi un instant s’arrêteront les guépards.
Et les horloges –
***
Un nuage nommé Porc suédois.
Une goutte de la première pluie du printemps
dans mon oreille gauche.
(Extrait du recueil inédit Ongles boliviens. Le titre et les sous-titres sont de la rédaction)
(Traductions de Petr Král)

Ces extraits de poèmes inédits ont paru dans la dernière livraison du Passe-Muraille, No 78, juillet 2009

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Petr Král, né le 4 septembre 1941 à Prague où il vit de nouveau, après avoir passé de longues années à Paris (1968 - 2006). Ecrit en tchèque et en français, e. a. auteur – choix ; commentaire et traduction - d’une Anthologie de la poésie tchèque contemporaine (Gallimard, coll. Poésie, 2007). Ses derniers livres en français : Pour l’ange (poèmes), Obsidiane, 2007, Vocabulaire (proses), Flammarion, 2008.  

Miroslav Fišmeister est né le 23 avril 1976 à Brno ; il vit dans la même ville. Naturaliste amateur.Il a publié quatre recueils en langue tchèque:  Cette table est basse ! (2005), Cette fenêtre est petite ! (2006), Au moins le lit est confortable... (2006), Bac à sable (2007). Les poèmes publiés ici sont extraits de manuscrits encore inédits.


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