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09 - Qui dit dogmes dit Contestation(s), et même Révolution(s) ! (3)

Publié le 22 juillet 2009 par Collectif Des 12 Singes

Qui dit dogmes dit Contestation(s), et même Révolution(s) !
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-444 / -365 : Antisthène était un philosophe grec né à Athènes. Fils d´esclave, il tente de développer les idées sociales de Socrate. Antisthène enseigne que la seule philosophie est éthique, et que la vertu suffit au bonheur du sage. En conséquence, il faut mener une vie aussi simple et morale que possible, et se détacher des conventions sociales. Ce groupe de philosophes, les cyniques, sont souvent présentés comme étant les ancêtres des Anarchistes, en tant que grands défenseurs de l'Autonomie Individuelle. Diogène (-413 / -323), l'un des plus fameux cyniques, mais aussi le plus extrême, était le fils d'un banquier de Sinope : il vécut dans la plus grande misère, ne subsistant guère que d'aumônes. Plusieurs anecdotes témoignent de son mépris des richesses et des conventions sociales. Selon la tradition, il vivait dans un tonneau (en fait, un píthos, un large vase, le tonneau n'ayant été introduit que bien après par les Gaulois dans la civilisation romaine), vêtu d'un manteau grossier, allant pieds nus et mendiant sa pitance. Il se rendit célèbre par son insolence : au puissant conquérant Alexandre le Grand, qui voulait lui offrir ce qui lui serait agréable, Diogène répondit sèchement « écarte-toi de mon soleil ! ». Il préconisait l´instauration d´un état idéal avec une communauté des biens. Il pensait que l´absence presque totale de besoins pouvait Libérer l'humain de ses servitudes sociales. Ainsi, il voulait ramener l´humain de l´état civilisé à l´état naturel.

-427 : La noblesse de Corfou / Corcyre est anéantie par le Peuple (avec l´aide des femmes, à noter dans la société grecque, profondément machiste)

La guerre en Grèce eut des conséquences à Corcyre même qui se trouva en proie à la guerre civile.
En -427/-426 avant l'ère commune, la guerre civile faisait rage à Corcyre entre les Démocrates et les aristocrates. Les prisonniers qui avaient été faits lors des batailles à propos d'Épidamne avaient été Libérés, soit en échange d'une énorme rançon, soit en échange de la promesse qu'ils feraient tout pour réconcilier leur cité et Corinthe. Ils essayèrent de tenir leur engagement, mais, à la suite d'un vote, il fut décidé que Corcyre resterait l'allié d'Athènes. Il semblerait que le parti aristocratique ait été favorable à Corinthe, alors que le parti populaire penchait pour Athènes. Les différents chefs des deux partis se citèrent d'abord en justice. Péithias, chef du parti populaire, fut acquitté des charges, politiques, qui pesaient contre lui. Il assigna alors ses adversaires en justice, cette fois-ci, sur une accusation de sacrilège. Les cinq membres du parti aristocratique furent condamnés à une très lourde amende. Péithias, personnage influent du Conseil, insista pour que celle-ci fût payée. Les aristocrates et leurs partisans s'en prirent alors physiquement aux Démocrates. Péithias fut attaqué et tué dans la salle même du Conseil, avec une soixantaine d'autres personnes présentes. Ses partisans se réfugièrent sur une trière (bateau de guerre) athénienne.
Les aristocrates réunirent alors l'Assemblée des Citoyens et lui firent voter la neutralité de la cité dans la guerre. Une trière corinthienne transportant des émissaires de Sparte aborda à Corcyre et peu de temps après, le parti aristocratique lança une nouvelle attaque contre le parti Démocrate. Ce dernier fut d'abord vaincu. Les survivants se réfugièrent sur l'Acropole, mais ils étaient encore maîtres du port Hyllaïque. Les Démocrates réussirent à se rallier les esclaves, en leur promettant la Liberté, tandis que les oligarques faisaient venir huit cents mercenaires. Le lendemain, un nouvel affrontement eut lieu. Les Démocrates le remportèrent. Les aristocrates, pour éviter la prise de l'arsenal mirent le feu aux bâtiments autour de l'agora.
Le lendemain, Nicostratos, un stratège athénien, arriva avec 12 navires et 500 hoplites messéniens. Il obligea les différents partis à accepter son arbitrage. Les aristocrates responsables de la rébellion, et en fuite, devaient être jugés pour leurs actes ; une amnistie serait déclarée pour tous les autres ; et une alliance serait conclue avec Athènes. Il fut aussi décidé d'échanger des vaisseaux de guerre entre les deux cités. Les Démocrates pensaient pouvoir se débarrasser de leurs adversaires politiques en les envoyant à Athènes. Plutôt que d'embarquer, les partisans des aristocrates, près de quatre cents, se réfugièrent dans les temples des Dioscures et d'Héra. Ils furent persuadés d'en sortir et exilés sur un îlot.

Une flotte péloponnésienne d'une soixantaine de navires tenta de profiter de la situation. Corcyre arma des trières dans l'urgence et les envoya au fur et à mesure qu'elles étaient prêtes. Elles arrivèrent donc face aux navires ennemis en ordre dispersé. De plus, la guerre civile faisait rage à bord même des vaisseaux corcyréens. Certains désertèrent. Sur d'autres, les marins se battaient entre eux. La flotte en général était en difficulté. Les trières athéniennes étaient en infériorité numérique et ne purent qu'empêcher la défaite totale des Corcyréens qui battirent en retraite après avoir perdu treize navires.

Les partisans des oligarques furent rapatriés de leur îlot afin de ne pas pouvoir être secourus par la flotte péloponnésienne. Démocrates et aristocrates négocièrent alors une réconciliation. Il s'agissait, pour tous, de défendre la cité avant tout. Les aristocrates acceptèrent de servir à bord des navires de guerre. Corcyre se prépara aussi à un siège, mais elle ne fut pas attaquée. Les Péloponnésiens se contentèrent de ravager le cap Leukimmè puis se replièrent. En fait, soixante trières athéniennes arrivaient en renfort. Alors, les Démocrates massacrèrent tous les oligarques qui étaient restés à terre. Ceux qui s'étaient réfugiés dans les temples furent convaincus d'en sortir, jugés et condamnés à mort. Certains préférèrent de se suicider. Les survivants, à peu près cinq cents, s'emparèrent des territoires continentaux de la cité, d'où ils menèrent des raids contre l'île. Ils causèrent suffisamment de dégâts pour créer une famine dans la cité. N'ayant pas réussi à convaincre Corinthe ou Sparte de les aider à revenir dans leur patrie, ils engagèrent des mercenaires et débarquèrent sur l'île. Là, ils brûlèrent leurs navires pour ne pouvoir reculer et s'installèrent sur le Mont Istônè d'où ils reprirent leurs raids. Ils s'emparèrent rapidement du contrôle des campagnes.

En -425, Athènes envoya une flotte pour aider ses partisans sur Corcyre. L'idée était de sécuriser la route vers la Sicile. Une sortie des Démocrates aidée des hoplites athéniens eut raison des oligarques qui se rendirent. Ils obtinrent d'être envoyés à Athènes pour y être jugés. Craignant que les tribunaux de leurs alliés ne condamnent pas à mort leurs ennemis, les Démocrates usèrent d'un stratagème pour les perdre. Ils les poussèrent à chercher à s'enfuir, ce qui rendait caduque l'accord avec Athènes. Par ailleurs, les stratèges athéniens, pressés de se rendre en Sicile, ne furent pas mécontents de pouvoir se décharger de leurs prisonniers sur les Corcyriens. Les Démocrates massacrèrent sauvagement leurs ennemis oligarques et vendirent les femmes comme esclaves.
La guerre civile prit ainsi fin, avec la disparition quasi complète d'un des deux partis.

-413 : Fuite des esclaves des Mines du Laurion en Grèce. À la fin de la guerre du Péloponnèse, 20.000 esclaves s'enfuient et mettent le pays à sac. C'est le début de la décadence.

L'exploitation des filons de plomb argentifère du Laurion, au sud de l'Attique, commence sur une grande échelle en -483/-482, après la découverte du filon.
L'Etat athénien afferme les mines. Il se constitue des associations de capitaux et l'exploitation donne lieu à toutes sortes de marchés. Certains capitalistes se spécialisent dans la location d'esclaves aux
entrepreneurs : Nicias, qui possède un millier d'esclaves, parvient à constituer une fortune considérable. « Il n'y a personne qui puisse approuver le travail que Nicias faisait faire dans ses mines, où l'on n'emploie ordinairement que des scélérats et des barbares, dont la plupart sont enchaînés et périssent tôt ou tard dans ces cavernes souterraines où l'air est toujours malsain ».

Le coup d'état de -411 s'insère dans un contexte de crise de la Démocratie athénienne, qui commence en -415 avec l'affaire des Hermocopides et de la parodie des Mystères d'Éleusis. Les Athéniens y avaient vu un mauvais présage avant l'expédition de Sicile, et avaient craint un complot oligarchique, mené par les hétairies (clubs aristocratiques). Les Cinq-Cents avaient alors reçu les pleins pouvoirs pour retrouver et châtier les coupables, générant ainsi un fort climat de paranoïa. En outre, la gestion de l'affaire par le Conseil avait dégénéré : sans l'auto-dénonciation d'Andocide, des Citoyens auraient pu être torturés, voire mis à mort sans jugement. La violence s'était surtout exercée des Citoyens pauvres et des classes inférieures (métèques, esclaves), vers les plus riches et les Eupatrides, membres des grandes familles aristocratiques de la cité. En outre, il y avait une certaine lassitude de la guerre des classes sociales, les plus riches étant écrasés de charges financières pour entretenir l'effort de guerre, mais sans compensation des butins pris à cause de nombreuses défaites.
L'opération de Sicile a finalement débouché sur un désastre : en
-414, 40 000 Athéniens ont été massacrés devant Syracuse ou enfermés dans les Latomies puis vendus comme esclaves. Un an plus tard, les Spartiates ont pris la forteresse de Décélie, d'où ils menacent directement l'Attique. De surcroît, 20 000 esclaves se sont Révoltés, ceux des mines du Laurion, principale ressource financière d'Athènes, alors que la flotte athénienne a été en grande partie détruite en Sicile, empêchant ainsi la cité de ravitailler en blé.
Après cette suite de désastres, Athènes a pour priorité son approvisionnement. Elle multiplie donc les opérations dans la région de la mer Égée et du Pont-Euxin, d'autant plus que Sparte, alliée aux satrapes de la région, a réussi à pousser nombre de cités (Chios, Clazomènes, Téos et Orchomène) à la défection. Seule Samos reste fidèle, et accueille la flotte athénienne dans son port. Dans la cité, une commission de dix probouloi (dont le tragique Sophocle) a été mise en place à l'hiver -413 pour expédier les affaires courantes.

Dans ce contexte, les Athéniens sont profondément démoralisés. Remettant en cause leurs institutions, ils seraient prêts à en changer pourvu qu'ils puissent éviter la défaite face à Sparte. Alcibiade vient de se brouiller avec les Spartiates (il aurait séduit la femme du roi Agis II) et se réfugie auprès de Tissapherne. Il souhaite rentrer à Athènes et fait une proposition aux stratèges stationnés à Samos, hostiles au régime Démocratique : les Perses accorderont des subsides si la cité change sa politeia (constitution). Un envoyé, Pisandre, est dépêché pour porter la nouvelle à Athènes. Sceptiques, les Athéniens renvoient en ambassade auprès de Tissapherne. Il s'avère qu'Alcibiade s'est beaucoup avancé, et que Tissapherne a noué des contacts récents avec Sparte.
Cependant, la nouvelle a suffi à mettre en branle-bas de combat les hétairies. D'ores et déjà, on parle de supprimer les misthoi, ces indemnités allouées aux Citoyens les plus pauvres. Avant même le retour de Pisandre, les chefs Démocrates, comme Androclès, sont assassinés, sans que cela ne suscite d'enquête. Un climat oppressant s'installe. Il est alors d'autant plus facile d'agir dans une légalité formelle que les marins, traditionnellement Démocrates, sont cantonnés à Samos.
L'Ecclésia vote sous la terreur l'abolition des principales dispositions fondatrices de la Démocratie. Les dix probouloi sont élargis à vingt, et l'on décide la tenue de l'Assemblée non sur la Pnyx, mais à Colone. L'Assemblée décide alors de supprimer les outils de contrôle de constitutionalité : elle interdit les accusations d'illégalité (graphê paranomôn), les dénonciations (eisangelia) ou les citations en justice (prosklêsis). Les misthoi sont supprimés, le pouvoir politique est confié « aux Athéniens les plus capables de contribuer par leur personne et par leur argent [capables de s'armer comme hoplites], au nombre de cinq mille au minimum, et pour la durée de la guerre » (Constitution d'Athènes, XXIX, 5). Les Cinq Mille élisent ensuite en leur sein cent Citoyens, chargés de rédiger la nouvelle constitution. Celle-ci crée un conseil de quatre cents membres, soit quarante de chaque tribu, choisis parmi les Citoyens âgés de plus de trente ans. Ce conseil est chargé de remplacer la Boulè, tous les magistrats en exercice devant démissionner.
Choisis pour mener à bien la guerre, les Quatre Cents se retrouvent rapidement confrontés à des difficultés : leurs négociations avec les Perses s'enlisent, alors que celles avec le roi spartiate Agis II ne parviennent pas à former d'issue honorable. Parallèlement, les marins de Samos apprennent le coup d'état oligarchique qui s'est déroulé à Athènes. Ils destituent leurs stratèges, soupçonnés d'être oligarques, et en nomment de nouveaux, parmi lesquels Thrasybule et Thrasylos. Le premier convainc les soldats de ne pas retourner à Athènes, mais de rappeler Alcibiade et de poursuivre leurs opérations contre les Spartiates.

À Athènes, les Quatre Cents sont sujets aux dissensions : une faction modérée, menée par Théramène, souhaite revenir à une oligarchie mesurée en rendant le pouvoir aux Cinq Mille. Face à eux, les oligarques extrémistes sont prêts à trahir la cité pour rester au pouvoir. Finalement, après la perte de l'Eubée, les hoplites patriotes en poste à Samos, refusant ce régime, se Rebellent et chassent les Quatre Cents à la fin de l'été -411. Ces derniers ne seront restés au pouvoir que quatre mois.
Les Quatre Cents sont remplacés par les Cinq Mille. Leur action est mal connue, même si Thucydide juge que : « pour la première fois, de son temps du moins, Athènes eut, à ce qu'il paraît, un gouvernement tout à fait bon ; il s'était établi en effet un équilibre raisonnable entre les aristocrates et la masse ».
Toujours est-il que dès la fin de -411, le Conseil des Cinq Cents est rétabli. Phrynichos, meneur des extrémistes, est assassiné, et ses assassins sont portés aux nues. Plusieurs Citoyens sont arrêtés, exécutés sans jugement ou voient leurs biens confisqués.
L'année -409 marquera une réaction Démocratique, symbole du respect envers les valeurs ancestrales. Pour autant, en -405, une mesure d'amnistie en faveur des soldats qui s'étaient montrés loyaux aux Quatre Cents viendra clore le chapitre de la contre-révolution de -411.

-464 à -399 : La Contestation de Socrate, où la raison sereine accepte de payer de la vie le prix de l'Indépendance et de la Liberté d'esprit.
Citoyen d'Athènes, il Lutta contre les démagogies et refusa les faveurs des puissants.
Plusieurs aristocrates affirmèrent voir en lui un esprit pervertissant les valeurs morales traditionnelles et donc un danger pour l'ordre social. En -399, il se vit accusé par Anytos (et Melitos), un membre éminent du parti Démocratique, de « corruption de la jeunesse » : il refuse de solliciter leur indulgence.
A travers son existence, à travers sa mort, à travers ses enseignements que nous a transmis l'œuvre de Platon, Socrate s'est toujours dressé contre l'ennemi suprême : la tyrannie.
A Thrasymaque qui défend dans la « République » le droit de la force, il oppose le gouvernement qui ne profite qu'aux gouvernés, qui n'est pas une exploitation, mais un service. On trouve ainsi en cette
« République » la préfiguration des régimes communautaires des Utopies : dans sa construction à l'architecture rigoureuse, la logique l'emporte sur le sens de la vie.
Si les sociétés n'ont pas toujours été divisée en classes (celles-ci apparaissant avec l'existence d'un surproduit social), leur apparition a immédiatement suscité des mouvements contestant leur existence. Cette Contestation primitive s'est développée généralement au nom d'une certaine nostalgie des sociétés antérieures : c'est le mythe de l' « âge d'or ». Celui-ci était clairement identifié à une période où la propriété privée n'existait pas. Dès l'antiquité, des penseurs comme Platon ont déploré les divisions sociales : « Même la ville la plus petite est divisée en deux parties, une ville des pauvres et une ville des riches qui s'opposent comme en état de guerre ».

-335 à -264 : Zénon de Kition fonde l'école philosophique du stoïcisme. C'est une philosophie rationaliste qui se rattache notamment à Héraclite (idée d'un logos – parole et raison – universel), au cynisme (Zénon de Kition fut élève d'un philosophe cynique), et qui reprend certains aspects de la pensée d'Aristote. On peut résumer cette doctrine à l'idée qu'il faut vivre en accord avec la raison pour atteindre la sagesse et le bonheur. Cela passe, de nouveau, par la recherche de l'Autonomie Individuelle, mais aussi par le choix d'une vie conforme à la nature, en opposition aux lois de la cité.

-281 : Grève d´ouvriers en Égypte pour l´amélioration de leur niveau de vie.
Les ouvriers affectés aux chantiers des temples étaient relativement favorisés : ils étaient vêtus et nourris dans des magasins d'état et, grâce à leur nombre et à leur cohésion, ils pouvaient recourir à la Grève quand leurs revendications n'étaient pas satisfaites.
« Nous sommes sans vêtements, nous sommes sans breuvage ; nous sommes sans poissons ... Ayant député vers le Pharaon notre seigneur, pour tout cela, nous nous adresserons au gouverneur notre supérieur. Qu'on nous donne les moyens de vivre! ». Le service des approvisionnements souffrait de la paresse et de l'incurie des scribes ; aussi les plaintes des ouvriers étaient-elles fréquentes : ils veulent en appeler au gouverneur; les scribes inquiets leur fournissent un jour de vivres.
Voyant leurs demandes rester sans résultat, les ouvriers forcent les enceintes de leur quartier et cherchent à pénétrer dans la ville.
Le gouverneur se déclare absolument étranger aux abus qui ont été commis ; il autorise les ouvriers à chercher dans les greniers et à y prendre ce qu'ils y trouveront. Un scribe réduit l'allocation à la moitié des vivres. La distribution du mois a été insuffisante. Un chef ouvrier incite ses camarades à aller chercher les grains au port de débarquement, et il prend ses responsabilités en faisant avertir le gouverneur.

-264 : Premiers combats de gladiateurs à Rome où s´entretuaient des prisonniers et des esclaves.
-258 : Échec d´un soulèvement de 7 000 esclaves et alliés contre Rome. L´esclave Bion écrit un traité sur la servitude.
-198 : Dans plusieurs régions d´Italie (Latium et Etrurie), les esclaves s´unissent dans des combats désespérés pour la Liberté.

-167 à -142 : Insurrection dite des Maccabées contre l'hellénisation d'Israël et de la religion judaïque. Mattathias manifesta publiquement son refus de cette acculturation en égorgeant sur l'autel des sacrifices un Juif renégat et l'officier séleucide chargé de faire appliquer les édits royaux. Selon l'ordre des victimes, c'est une Insurrection religieuse avant d'être nationaliste. A la suite de son père, Judas Maccabée est un héros de l´indépendance juive (comme la succession de ses frères, prenant le relais à la mort du prédécesseur : Jonathan après Judas en -152, Simon en -142). Il entraîne la population rurale juive opprimée dans un combat victorieux contre la bourgeoisie de Jérusalem et les maîtres syriens pour créer un état théocratique juif indépendant, basé plus ou moins sur le modèle nomade patriarcal.

-139 à -132 : Première guerre servile, nom donné au Soulèvement d'esclaves, mené par l'esclave Eunus (ou Eunos : magicien syrien), qui se déroula en Sicile, au départ de la ville d'Enna. Ce n'est qu'après sept années de massacres et de ravages, après plusieurs défaites des troupes romaines que des armées consulaires mirent fin à la Révolte.

Les guerres de conquêtes, les brigandages, la piraterie qui alimente les marchés d'esclaves, sont les principales sources d'approvisionnement avec l'esclavage pour dette et la reproduction.
Les esclaves représentaient quasiment la moitié des habitants, avec une espérance de vie à la naissance moitié moindre que les locaux Libres.
Les esclaves étaient sous une forme de dépendance maximale, or, selon la loi et le droit grec en Sicile, le maître devait entretenir (gîte, couvert et habit) son esclave autant que le protéger, même si il avait le droit de vie ou de mort sur celui-ci.
Ce qui change avec les conquêtes, c'est la présence d'armada d'esclaves dans les latifundia. Le maître en a peur, d'où l'importance de l'intendant qui doit maintenir l'obéissance : c'est cette nouvelle dureté des maîtres qui va entraîner les Révoltes. Notamment en Sicile, les maîtres tiennent l'esclavage comme définitif, les esclaves étant comme du bétail, le tout accompagné d'une dureté renouvelée : les chaînes, la lourdeur des tâches, la recherche du profit qui néglige l'entretien des esclaves, les châtiments corporels parfois non-justifiés. Il n'y a donc plus l'espoir de l'affranchissement.

La première guerre servile prend place dans une période de troubles en Sicile, province romaine depuis la fin de la première guerre punique, causée par le nombre croissant d'esclaves introduits dans l'île. Elle est due à la condition misérable des esclaves livrés à eux-mêmes sur des terres accaparées par un petit nombre de grands propriétaires et à la dureté, voire la cruauté, de certains d'entre eux.
A cette époque, la Sicile est une terre fertile, grenier à blé de Rome, qui compte de vastes latifundia où travaillent de nombreux esclaves cantonnés en ergastules. Elle compte également d'importantes régions de pâtures où un grand nombre d'esclaves, souvent originaires de l'Orient hellénistique (récemment réduits en esclavage par les guerres ou le brigandage), sont bergers : il existe entre eux une certaine communauté de pensée philosophique (d'origine stoïcienne) et religieuse. Ces bergers, rejoints par des fugitifs, de par leur état, mènent une vie Indépendante et jouissent d'une grande Liberté de mouvement. Pour subvenir à leur besoins, ceux-ci vivent de rapines et de brigandage au détriment des petits propriétaires, particulièrement au centre de l'île, dans la région d'Enna et à l'ouest, dans celle de Ségeste et Lilybée. Il règne dans le pays une insécurité générale dont le pouvoir ne se soucie guère dans la mesure où elle n'altère pas la vie fastueuse des puissants et des riches.

Il suffira d'un déclic, le mauvais traitement infligé par un maître particulièrement cruel, Damophile, à des esclaves venus se plaindre auprès de lui de l'extrême dénuement dans lequel il les laissait. Le Soulèvement débute en -139 à Enna. Le monde servile est hiérarchisé du fait même de l'organisation que lui ont donnée les maîtres, ce qui favorisera l'apparition de chefs capables. Les esclaves se trouvèrent un chef en la personne d'Eunus, berger originaire d'Apamée en Syrie, sectateur de la déesse syrienne Atagartis (déesse de l'Abondance et de la Fortune), magicien et prophète. Aux yeux de l'historien Diodore, il passe pour un imposteur, mais, ce qui est important, c'est qu'il donne à la Révolte qu'il déclenche en tuant son maître, Antigène, un riche propriétaire d'Enna, une dimension religieuse.
Sous la conduite d'Eunus, une troupe de 400 esclaves entre dans les maisons d'Enna et massacrent les habitants.
La Révolte ayant fait tache d'huile, les rangs de cette troupe grossissent rapidement pour bientôt compter plusieurs milliers de Révoltés qui Libèrent les esclaves des ergastules et ravagent les fortins, villages et villes, s'emparant d'Enna, Taormina, Heraclea et Morgantina. Une autre troupe, menée par un certain Cléon de Cilicie, forte d'environ de 5 000 hommes, se forme dans le sud de l'île et dévaste la région d'Agrigente.
Les meneurs disposent d'un certain ascendant sur leurs compagnons de servitude, qu'il soit religieux, moral ou physique. La notabilité d'un certain nombre des dirigeants de Révoltes est réelle, s'accordant avec la place qui leur est accordé par leur maître dans l'exploitation agricole.
Cléon était à la tête d'un élevage de chevaux ; Eunus était emmené par son maître dans les diners, il avait pour « épouse » une esclave syrienne, ce qui montre sa notabilité.
Les deux groupes d'esclaves s'unissent. Eunus et sa femme sont portés à la tête de la Révolte par les esclaves d'encadrement. Eunus se fait élire roi, substituant, avec une reine, un pouvoir royal à l'ancien ordre des choses.
Il prend le nom d'Antiochos, Cléon se met sous ses ordres. Eunus et ses conseillers vont créer un royaume d'esclaves, avec des assemblées, une capitale qui sera Enna, où l'on battra monnaie au nom d'Antiochos.
Ce Soulèvement est très riche par ses composantes et son esprit. Ce n'était pas un mouvement dirigé contre l'esclavage (les artisans des villes prises furent tournés en servitude), mais il a menacé l'équilibre de l'île. Il rallie les ouvriers agricoles Libres et les prolétaires des villes. Ce qui est étrange est l'arrivée au sein des Révoltés de petits et moyens propriétaires (sûrement contre la mainmise de Rome, mais aussi pour éviter la mort de par leur statut social).

Entre -138 et -135 plusieurs préteurs romains envoyés en Sicile sont battus par les esclaves dont l'armée atteint le chiffre de 60 000 à 200 000 hommes. Ainsi des esclaves, qui auraient dû être ramenés par des hommes lancés à leur poursuite, poursuivaient eux-mêmes des généraux prétoriens qu'ils avaient vaincus et mis en fuite.
Rome envoie alors le consul C. Fulvius puis, en -133, le consul Calpurnius Pison qui défait pour la première fois l'armée servile à Messana et reconquiert la région de Morgantina.
En -132, le consul Publius Rupilius conquiert les villes de Taormina et d'Enna, en réduisant les esclaves assiégés à la famine. Cléon est tué des mains même de Rupilius lors du siège d'Enna et Eunus, capturé, meurt dans une prison de Morgantina. Rupilius promulgue alors une lex Rupilia pour l'administration de la Sicile. La même année, une dernière campagne du général Marcus Perperna achèvera la déroute des esclaves qui seront mis en croix. Perperna, leur vainqueur, se contenta d'une ovation, afin de ne pas souiller la dignité du triomphe par l'inscription d'une victoire remportée sur des esclaves.
Il y eut des répliques limitées du mouvement jusqu'à Délos, Athènes et en Italie du Sud.

La durée de cette Insurrection s'explique par le fait que les chefs des armées romaines -on n'avait pas de troupes permanentes pour assurer la police- ne disposaient pas de forces aguerries, les légions étant retenues en Espagne. Ces chefs étaient incompétents et le pouvoir manquait d'esprit de suite, tardant souvent à intervenir. Cinq préteurs furent successivement défaits et il fallut enfin envoyer des armées consulaires pour rétablir l'ordre.
Rome a reconquis l'île et la réorganisée. En -122, le gouverneur romain de la Sicile devient propréteur installé à Syracuse, investi du commandement en chef et jugeant sans appel. Contre l'arbitraire du préteur, les Siciliens n'ont aucun recours pendant qu'il est en fonction (généralement pour un an) mais peuvent le poursuivre devant les tribunaux de Rome après sa sortie de charge. Le préteur est assisté de deux questeurs installés respectivement à Syracuse et Lilybée et chargés du recouvrement des impôts.

Ces événements influèrent sur la vie politique à Rome, et la question de la loi agraire : les Gracques tirèrent argument de cette Révolte pour critiquer le risque induit par les vastes latifundia esclavagistes, et prôner le retour à la petite propriété en distribuant des terres aux Citoyens démunis.

-133 et -123 : Tiberius Sempronius Gracchus et son frère Caïus Sempronius Gracchus, surnommés les Gracques, issus de la nobilitas plébéienne (fils du consul Tiberius Sempronius, petit-fils de Scipion l'Africain), tentèrent infructueusement de réformer le système social romain.

Rome domine désormais les péninsules italienne et ibérique, l'Afrique (l'actuelle Tunisie), la mer Égée et la mer Adriatique. Mais en dépit de sa puissance, la république continue d'être gouvernée comme aux premiers temps de son existence, quand elle n'était qu'une petite cité parmi d'autres.
À la noblesse issue des anciennes familles patriciennes de Rome, qui accapare le pouvoir, s'oppose désormais la masse misérable des Plébéiens issus de paysans chassés de leur terre ou d'esclaves affranchis. Entre les deux figurent les chevaliers (leur nom, en latin equites, vient de ce qu'à l'origine ils étaient assez riches pour s'offrir un cheval). Ce sont des hommes d'affaires enrichis dans le gouvernement des provinces ou l'affermage des impôts. Ils veulent être mieux considérés sans pour autant accéder aux fonctions sénatoriales (car celles-ci interdisent la pratique du commerce et de toute activité qui ne serait pas liée à la terre).
Les 600 sénateurs qui siègent à la Curie, sur le Forum, se montrent incapables de gérer un ensemble territorial qui domine désormais la Méditerranée.

Plusieurs hommes d'exception vont tenter de réformer les institutions romaines : les Gracques, Marius, Sylla, Pompée et pour finir César.
La question agraire est un problème fondamental qui a perturbé la république romaine pendant toute sa durée. Les lois agraires avaient pour objet un meilleur partage de terres à destination des Citoyens pauvres. C'est un trait essentiel qu'il faut comprendre car elle est une des causes du déclin de la république romaine. Cicéron disait que « ceux qui veulent s'attirer les faveurs populaires et qui, pour cette raison, soulèvent les problèmes agraires (...) ruinent les fondements de l'état ».
Il y eut 7 lois agraires proposées, mais seulement deux réformes aboutiront : Tiberius Gracchus et Jules César sont les seuls qui aient réussi à faire adopter des lois agraires (-133 et -59).

On ne peut évoquer le terme de crise car une crise ne dure pas aussi longtemps. Or, on peut faire remonter ce problème dès le début du -Vè siècle, soit au début de la république, et on peut l'étendre jusqu'à la réforme des Gracques durant le dernier siècle de la république.
Toutes les séditions ont eu pour origine et pour cause la puissance des tribuns. Sous prétexte de protéger la Plèbe qu'ils étaient chargés de défendre, ils ne cherchaient qu'à acquérir pour eux-mêmes le pouvoir absolu et tâchaient de gagner l'affection et la faveur du Peuple par des lois sur le partage des terres, sur les distributions de blé et sur l'administration de la justice. Ces lois avaient toutes une apparence d'Equité. Quoi de plus juste, en effet, que de faire rendre à la Plèbe les biens que lui avaient pris les patriciens et d'empêcher ainsi le Peuple vainqueur des nations et maître de l'univers, de vivre en banni loin de ses champs et de ses foyers ? Quoi de plus Equitable que de nourrir aux frais du trésor un Peuple tombé dans la pauvreté ? Quoi de plus efficace pour maintenir l'indépendance entre les deux ordres que de confier au sénat le gouvernement des provinces et de donner à l'ordre équestre le droit de juger sans appel ? Mais ces réformes entraînaient de funestes conséquences, et la malheureuse république était le prix de sa propre ruine. Car en transférant du sénat aux chevaliers le pouvoir de juger, on supprimait les impôts, c'est-à-dire le patrimoine de l'empire, et les achats de blé épuisaient le trésor, le nerf même de l'état. Comment pouvait-on remettre la Plèbe en possession de ses champs, sans ruiner les propriétaires actuels, qui faisaient, eux aussi, partie du Peuple ? Ils tenaient ces domaines de leurs ancêtres, et le temps donnait à cette possession une sorte de caractère légitime.

Cette question n'est pas un problème lié à l'agriculture, à la production ou à la commercialisation mais à l'appropriation de la terre. C'est donc bien le problème de la propriété privée qui est posé, avec au final le fonctionnement de l'état, s'appuyant sur une société hiérarchisée en classes de possédants et de possédés !
Tiberius Gracchus disait : « Les bêtes sauvages, qui sont répandues en Italie, ont leurs tanières et leurs repaires, où elles peuvent se retirer, et ceux qui combattent, qui versent leur sang pour la défense de l'Italie, n'y ont d'autre propriété que la lumière et l'air qu'ils respirent ; sans maison, sans établissement fixe, ils errent de tous côtés avec leurs femmes et leurs enfants. Les généraux les trompent quand ils les exhortent à combattre pour leurs tombeaux et pour leurs temples ; dans un si grand nombre de Romains, en est-il un seul qui ait un autel domestique et un tombeau où reposent ses ancêtres ? Ils ne combattent et ne meurent que pour entretenir le luxe et l'opulence d'autrui ; on les appelle les maîtres de l'univers et ils n'ont pas en propriété une seule motte de terre ».
Les Romains avaient coutume de vendre une partie des terres qu'ils avaient conquises sur les peuples voisins, d'annexer les autres au domaine et de les affermer aux Citoyens qui ne possédaient rien, moyennant une légère redevance au trésor public. Les riches avaient enchéri et évincé les pauvres de leurs possessions.
Sous la république romaine, il y a plusieurs modes d'exploitation : le faire-valoir direct où le propriétaire exploite lui-même sa propre terre, le métayage (ou le fermage) où l'exploitant loue la terre contre une redevance, un vectigal, ou encore le grand domaine géré par un vilicus et exploité par des hordes d'esclaves.
De même, il y a juridiquement plusieurs formes de propriété :
* il y a la propriété pleine et entière, la proprietas : le propriétaire possède la terre et le fruit de celle-ci,
* il y a la possesio : le propriétaire ne possède pas la terre qui appartient à l'état mais possède la jouissance de son exploitation.

Les campagnes militaires (notamment celle des guerres puniques) ont considérablement modifié le paysage social de Rome. Les Citoyens mobilisés effectuaient plusieurs campagnes les unes après les autres sans rentrer chez eux. Au terme donc d'un service militaire long où il a appris à acquérir des richesses très rapidement grâce au butin, le Citoyen-soldat retrouve sa terre souvent en friche, même si on sait que les femmes n'avaient pas peur de manier l'araire; il peut même se retrouver endetté à cause de mauvaises récoltes. De grands propriétaires possédant des terres voisines ont donc proposé de racheter leur terre contre une somme d'argent qui intéressa bon nombre de petits propriétaires.
Ces grands propriétaires se sont peu à peu approprié de vastes domaines. Ces terres provenaient de petites exploitations qui à cause des guerres, de la pression économique ou de la pression morale de la part d'exploitants influents vendaient leurs terres et partaient pour la ville. Elles pouvaient provenir également de terres non cadastrées côtoyant les terres du convoitant qui étaient en friche ou qui servaient de pâtures communales. Ces grands domaines dépassaient la limite autorisée par la loi et les occupants de ces terres se sont peu à peu considérés comme propriétaires de plein droit alors qu'ils possédaient des terres d'ager publicus. Ils ont peu à peu cessé de payer la redevance.

Quantité de Citoyens se sont donc retrouvés dépossédés et ruinés et ils ont émigré vers les villes comme Rome où ils sont venus accroître le nombre de proletarii. Cela représente de nombreux problèmes. Sur le plan social, c'est l'accroissement des Citoyens pauvres que Rome n'arrive pas à assimiler et l'image qu'ils véhiculent dans une Rome où transite tant de richesse. Sur le plan économique, c'est le double mouvement : d'un côté des paysans sans terre et de l'autre des terres sans paysans. Sur le plan militaire, c'est la réduction des effectifs militaires car le Citoyen pauvre n'est pas mobilisable. En -136, le recensement met en évidence une perte de 10 000 Citoyens par rapport à -141. Cela montre que le problème est réel mais tous ceux qui ont tenté de remédier à ce problème s'y sont cassé les dents.

Tiberius (-162/-133) apprit la rhétorique auprès de Diophane de Mytilène et Blossius de Cumes, un stoïcien, fut son maître de philosophie. Il a donc été initié très tôt aux débats philosophiques autour des notions d'Egalités et de Citoyenneté.
Il fut d'abord questeur en 137 av. J.-C. et fut envoyé en Espagne avec le consul Caïus Hostilius Mancinus. Il sauva l'armée romaine de l'incompétence du consul alors qu'elle se trouvait encerclée et à la merci de l'ennemi. Il négocia une paix avec les Numantins (Espagne) car son père avait instauré de bons rapports entre sa famille et les Numantins et s'était constitué une clientèle solide. Mais cette paix, rejetée par le sénat, mit un terme à sa carrière militaire, et perturba les rapports que Tibérius entretenait avec le sénat.

Selon Tite-Live, sa décision d'agir naquit alors qu'il traversait l'Étrurie en direction de Numance. Il fut frappé par ces immenses domaines exploités par des hordes d'esclaves et aussi par ces immenses terrains vides d'humains. Mais ce fut, en fait, le Peuple lui-même qui le détermina à cette entreprise, en couvrant les portiques, les murailles et les tombeaux d'affiches par lesquelles on l'excitait à faire rendre aux pauvres les terres du domaine.
Il tente alors de soulager le sort des Citoyens sans ressources en leur allouant une partie du domaine public, l'ager publicus, constitué de terres enlevées aux peuples vaincus, voire aux alliés italiens ! Une dotation en capital puisée dans le trésor de Pergame est destinée à faciliter l'établissement de ces nouveaux paysans (selon un processus constant à Rome, les conquêtes sont mises à profit pour améliorer le sort des Citoyens ; comme toutes les cités antiques, Rome ignore l'impôt sur les personnes physiques).
En -133, il est tribun de la Plèbe et soumet sa proposition de loi agraire connue sous le nom de Rogatio Sempronia dont le contenu était le suivant :
* limitation au droit de possession individuel de l'ager publicus: 500 jugères, 250 jugères supplémentaires par enfant et maximum de 1 000 jugères par famille (1 jugère = 2 500 m2) ;
* institution d'un triumvirat chargé d'appliquer cette loi. Il s'y fait élire avec son frère Caïus et son beau-père Appius Claudius Pulcher pour l'année -133 ;
* redistribution des terres récupérées aux Citoyens pauvres à raison de 30 jugères par personne.

C'était une loi agraire très modérée, ordonnant aux riches de rendre les terres sur lesquelles ils avaient mis la main abusivement, tout en les déchargeant de toute redevance pour les 500 arpents qui leur restaient. Si limitée que fût cette réforme, le Peuple s'en contenta et consentit à oublier le passé, pourvu qu'on ne lui fît plus d'injustice à l'avenir ; mais les riches et les grands propriétaires, révoltés par avarice contre la loi et contre le législateur, par dépit et par entêtement, voulurent détourner le Peuple de la ratifier ; ils lui peignirent Tibérius comme un séditieux, qui ne proposait un nouveau partage des terres que pour troubler le gouvernement et mettre la confusion dans toutes les affaires.
Le jour où il proposa sa loi, entouré d'une foule immense, il monta à la tribune. Toute la noblesse s'était présentée en foule à cette assemblée, et elle avait des tribuns dans son parti. Lors de la présentation de son projet, il fit l'éloge du Citoyen évoquant son utilité pour Rome dans le domaine militaire et la considération que l'on doit lui apporter en conséquence. Il fit également la critique de l'esclave jurant de son inutilité militaire et sa perpétuelle infidélité, évoquant les guerres serviles qui secouaient encore Rome une année auparavant.
Les sénateurs s'opposèrent à cette loi. En effet, celle-ci contrecarrait le jeu du clientélisme qui leur assurait de nombreux soutiens et des victoires électorales faciles. En effet, la distribution des terres était désormais assurée par la seule famille Sempronia et ses alliées, ce qui faisait automatiquement des bénéficiaires les clients des Gracques.
De plus, cette loi représentait une perte de pouvoir du sénat et des sénateurs. En effet, le sénat n'a plus le contrôle exclusif de l'ager publicus et le remembrement des terres entraîne une réduction de la puissance des grands propriétaires parmi lesquels beaucoup sont des sénateurs, car la terre apporte la richesse et la dignitas.

Ils achetèrent un tribun de la plèbe, Octavius, pour que celui-ci fasse usage de son intercessio (droit de veto sur les mesures qui lui semblent contraires aux intérêts de la population qu'il représente).
Les nantis, qui tirent d'énormes profits de l'exploitation de l'ager publicus par des esclaves, s'opposent à la loi agraire de Tiberius cependant que les Romains pauvres se soucient assez peu de reprendre le chemin des champs. Tiberius passe outre et promulgue sa loi au prix d'une entorse à la légalité. Tiberius, après avoir demandé à deux reprises à Octavius de retirer son veto en appela au Peuple pour qu'il destitue Octavius : c'est la première fois que le Peuple s'arroge le droit de destituer un tribun de la Plèbe. Cette mesure va à l'encontre des institutions de Rome, à l'encontre des lois car seul le sénat avait le droit de renvoyer un magistrat. La loi fut alors votée, et il fut nommé triumvir pour la répartition des terres. Tite-Live disait : « ainsi fut promulguée la première loi agraire : plus jamais jusqu'à nos jours, la question agraire ne fut soulevée sans entraîner de graves troubles ».

Pour achever la réalisation de son projet, le jour des comices il voulut faire proroger ses pouvoirs. C'est alors que Tiberius se représenta à un second tribunat, lors de l'été -133, pour l'année -132, afin d'avoir un contrôle absolu sur les triumvirs mais également sur le sénat car être tribun de la Plèbe en même temps que triumvir lui aurait permis d'avoir une ascendance sur les autres membres du collège et donc d'avoir un contrôle sur les sénateurs. On passe donc d'une simple réforme de la question agraire à la volonté d'établir un pouvoir personnel. Le tribunat lui fut refusé. Il décida de faire pression sur l'assemblée avec quelques partisans pour les forcer à accéder à sa requête. Les romains et les latins furent les seuls bénéficiaires de la lex Sempronia agraria de -133. L'effondrement de la position des Gracques dans l'été -133 fut causé par le délai exigé pour la lex agraria, les distances qu'avaient les électeurs à parcourir pour voter, et la fréquence de ces voyages que leur imposait un calendrier législatif trop chargé.
Les nobles se portent à la rencontre de Tiberius, accompagnés de ceux qu'il avait dépossédés de leurs champs, et on commence à se massacrer sur le forum. Tiberius se réfugie au Capitole, et porte la main à sa tête pour exhorter le Peuple à défendre sa vie. Mais ce geste laisse croire qu'il réclame la royauté et le diadème.
Le Grand Pontife Scipion Nasica conduit alors le Peuple armé et le fait mettre à mort devant la porte du Capitole, à côté de la statue des rois. 300 de ses partisans furent massacrés lors de l'émeute et le cadavre de Tiberius fut jeté dans le Tibre.

La loi agraire contint quelque temps la cupidité des riches et vint au secours des pauvres, qui par ce moyen conservèrent chacun la portion qui leur était échue dès l'origine des partages. Dans la suite, les voisins riches se firent adjuger ces fermes sous des noms empruntés, et enfin, ils les prirent ouvertement à leur nom. Alors, les pauvres, dépouillés de leur possession, ne montrèrent plus d'empressement pour faire le service militaire, et ne désirèrent plus élever d'enfants. Ainsi l'Italie allait être bientôt dépeuplée d'habitants Libres, et remplie d'esclaves barbares, que les riches employaient à la culture des terres, pour remplacer les Citoyens qu'ils en avaient chassés.
Caïus Gracchus entreprend aussitôt de venger la mort et les lois de son frère, et ne montre pas moins d'ardeur ni de violence. Caius, né en
-154, est d'abord questeur en Sardaigne en -126 avant de devenir tribun de la Plèbe en -124.
Comme Tiberius, il a recours au désordre et à la terreur ; il engage la Plèbe à reprendre les terres de ses ancêtres et promet au Peuple, pour assurer sa subsistance, la succession récente d'Attale au trône de Pergame.
Avec plus d'habileté que son frère, Caïus tente à son tour, six ans plus tard, de relancer la réforme agraire. Il s'appuie sur les riches plébéiens et le parti populaire. Les popolares sont des patriciens qui croient à la nécessité d'une réforme pour préserver la Paix sociale. Ils s'opposent aux optimates (ou conservateurs) qui voient le salut de Rome dans le renforcement du pouvoir du sénat et le retour aux institutions anciennes.

Caius a apparemment un vrai programme politique : diminuer les pouvoirs du sénat romain et accroitre ceux des comices (assemblées du Peuple) afin de relever la république. Afin de faire accepter son projet de loi agraire, il commence par s'allouer les faveurs des principaux opposants au sénat : la Plèbe et l'ordre équestre (chevaliers) par diverses mesures :
* la Lex Sempronia frumentaria : elle prévoit de distribuer un boisseau de blé par mois à prix réduit à tous les Citoyens pauvres. Même si elle semble nécessaire car la pauvreté des Citoyens est un problème réel à Rome, cette loi est une mesure démagogique dans le sens qu'elle permet de s'attirer les faveurs populaires,
* la Lex Calpurnia : elle introduit la parité entre les chevaliers et les sénateurs devant les tribunaux. Les quaestiones perpetuae ou questions perpétuelles sont ouvertes aux chevaliers. Caius augmente le nombre de jurés de 300 à 600 membres et introduit 300 chevaliers. De ce fait, l'avantage que détenaient les sénateurs au niveau judiciaire sur les chevaliers n'existe plus,
* la Lex theatralis sépare les chevaliers des sénateurs dans les théâtres,
* une autre loi leur confère la collecte de l'impôt de la riche province d'Asie,
* la Lex sempronia de comitii modifie les modalités d'élection des comices centuriates. L'ordre de succession des centuries dans le déroulement du vote est dorénavant établi par tirage au sort.

Toutes ces mesures tendent à réduire le pouvoir des sénateurs au profit des chevaliers et du sénat par rapport aux comices. Il tente dans un second temps de faire passer sa réforme agraire qui s'appuyait sur celle de son frère :
* la juridiction des triumviirs supprimée en -129 est rétablie,
* les assignations de terre passent de 30 à 200 jugères pour permettre aux Citoyens pauvres d'améliorer leurs conditions sociales,
* la création de colonies afin de soutenir son projet : deux en Italie et une à Carthage.

Pour faire accepter sa proposition par le sénat, il permet aux patres d'acquérir des terres qu'ils convoitaient dans le Latium et autour de Tarente et de Capoue. Cela lui procure une grande popularité et lui permet de se faire réélire tribun de la Plèbe en -123. En effet, depuis le vote d'une loi de Gaius Papirius Carbo en -125, les tribuns de la Plèbe pouvaient être reconduits dans leur fonction sans attendre le délai traditionnel.
Pour lutter contre lui, le sénat décide de réduire son influence. Il dresse contre lui le tribun Marcus Livius Drusus. Drusus propose alors la création de 12 colonies de 3 000 humains choisis parmi les capite censi, les Citoyens pauvres. Cette surenchère détourne l'attention du Peuple de Caius au profit de Drusus. Grâce à cela, il peut faire voter une loi supprimant les vectigales, (redevances de l'ager publicus), exonérant les grands propriétaires et donc beaucoup de sénateurs. La rogatio Livia agraria dont l'objectif immédiat était de mettre un terme à la popularité de Caïus Gracchus en lui retirant la faveur de la Plèbe, eut des conséquences plus funestes pour la législation des Gracques que son auteur et le sénat ne l'attendaient. En supprimant le vectigal, il rendait aliénables les lots qui en étaient jusque-là frappés. Les pauvres furent amenés à céder leurs terres aux riches et la législation agraire des Gracques perdit ainsi tout son effet (elle devait disparaître totalement, au terme d'un processus commencé par la rogatio Livia).
Caius réplique en proposant la création d'une colonie de 6 000 humains sur le site de Carthage et l'octroi de la Citoyenneté romaine complète aux Latins et partielle (sine suffragio) aux Italiens afin de s'attirer leurs faveurs. Mais les propositions de Caius sont trop avancées pour la Rome de l'époque et, en voulant brûler les étapes, Caius se brûle les ailes. La création d'une colonie sur le site maudit de Carthage est un sacrilège. L'accord de la Citoyenneté aux Latins et aux Italiens mord sur un privilège du Peuple romain. Ainsi, Caius perd l'appui d'une partie du Peuple qui l'avait soutenu jusqu'alors et aussi celui du consul.

Lorsque Caius part superviser la construction de la colonie à Carthage, ses adversaires en profitent pour le discréditer. Lors de l'élection des tribuns pour l'année -122, il n'est pas réélu.
Aussitôt une loi ordonne le démantèlement de la colonie de Carthage : Caius fait appel de la décision mais échoue. Il tente alors de faire sécession avec ses partisans comme la Plèbe jadis avait fait sécession contre les patriciens au Mont Sacré. Le tribun Minucius ayant osé s'opposer à ses lois, Caïus, soutenu par une troupe de partisans, s'empare du Capitole, fatal à sa famille. Il en est chassé par le massacre de ses compagnons et se retire sur l'Aventin. Le sénat réplique en promulguant un senatus consultum ultimum qui autorise l'élimination de Caius par n'importe quel moyen. Caius fut tué par son esclave à sa demande, lors d'un affrontement sur l'Aventin avec 3 000 partisans contre le consul L. Opimius en -121.
C'est la première fois et non la dernière, qu'un senatus-consultum ultimum est prononcé et qu'une telle vague de violence envahit Rome à cause de divergences politiques.

-104 à -101 : Deuxième grande guerre servile, qui voit des Sicules Insurgés se joindre aux esclaves commandés par Tryphon, puis Athenion. On retrouve des similitudes avec la première guerre servile. Il faut cinq ans au consul Aquilius pour en venir à bout.
Au départ, un chevalier romain du nom de Titus Vettius tombe amoureux fou d'une esclave, tellement qu'il décide d'armer ses esclaves et appelle les autres esclaves à le rejoindre. Ces désordres gagnent la Sicile à nouveau. A l'est, un certain Salvius (qui avait eu des fonctions religieuses avant de tomber en esclavage, comme Eunus) prend le titre de Tryphon. A l'ouest, Athenion (un intendant) prend aussi le titre de roi, lève 10 000 hommes pour se constituer une armée. Mais il refuse d'enrôler des esclaves, les renvoyant aux champs ! Pour les Romains, il faudra plusieurs campagnes pour venir à bout des Révoltés, en -101.

La deuxième guerre servile survient après des crises qui ont ébranlé la république romaine (entreprises des Gracques entre -139 et -109) et à une époque de crise morale.
Un fait nouveau cependant intervient en Sicile. Le sénat avait été amené à ordonner qu'on rendît la Liberté à des hommes récemment réduits en esclavage : les publicains en effet étaient associés de fait aux pirates qui capturaient des hommes Libres dans des pays alliés de Rome, surtout dans la partie orientale du bassin méditerranéen et en Asie Mineure. Ce sont eux qui écoulaient cette marchandise. Cette mesure, appliquée d'abord strictement, fut combattue par les chevaliers, alliés des grands propriétaires, dont elle risquait de compromettre les activités. Le gouvernement recula et les esclaves perdirent l'espoir qui les avait Soulevés.

Une première Révolte, qui ne rassembla pas plus de deux cents esclaves, fut rapidement et impitoyablement réprimée. Le gouverneur ne trouva pas la parade face à une nouvelle Rébellion de quelque deux mille esclaves. Ceux-ci s'enhardirent et anéantirent un détachement envoyé contre eux. La Révolte s'étendit dès lors comme dans les années -134/-130. Les esclaves se choisirent un roi, un dénommé Salvius, inspiré lui aussi par des idées religieuses, qui profita de l'inertie du gouverneur pour organiser ses troupes. Celui-ci, qui, il est vrai, ne disposait pas de forces suffisantes en effectifs et en qualité, resta longtemps enfermé dans Héraclée. Il ne se réveilla que lorsque Salvius assiégea Morgantia dont il voulut faire sa capitale. Les Insurgés l'emportèrent aisément sur les dix mille hommes du gouverneur, dont beaucoup d'ailleurs se rendirent.
Dans la région de Ségeste et de Lilybée, un certain Athenion (un Cilicien) fomenta à son tour une Révolte qui se développa rapidement. C'était un homme habitué au commandement chez ses maîtres, très bon organisateur et inspiré par des idées religieuses. Il souleva plusieurs dizaines de milliers d'esclaves, dont dix mille combattants plutôt d'origine Libre. Il ne réussit pas à prendre Lilybée, bien fortifiée et secourue par des troupes venues par mer d'Afrique, qui n'osèrent pas le poursuivre dans sa retraite.

Salvius, qui prit le nom de Tryphon, emporta des succès très importants dans l'Est (prise de Morgantia, conquête des terres fertiles de Leontini) mais il ne put gagner du terrain plus loin vers l'Est où les propriétés de dimensions plus modestes avaient un cheptel servile moins nombreux et sans doute mieux traité.
Tryphon et Athenion unirent leurs efforts et conquirent la plus grande partie de la Sicile. Les légions romaines étant retenues par la guerre contre les Cimbres, ils bénéficiaient de circonstances favorables. Tryphon choisit Triocala comme capitale, la fortifia et organisa son pouvoir en calquant certaines institutions romaines.

Rome dépend de la Sicile pour son ravitaillement en blé, aussi le sénat y envoya-t-il une armée de dix sept mille hommes, commandée par le préteur Lucius Licinius Lucullus, qu'affrontèrent quarante mille esclaves commandés par Athenion. Cette armée, après avoir frôlé le désastre, finit par remporter la victoire et les esclaves se débandèrent. Lucullus ne put prendre Triocala et Rome envoya un autre préteur, Caius Servius, qui ne réussit pas davantage à vaincre les esclaves commandés par Athenion, après le décès de Tryphon de mort naturelle.
La fin de la guerre contre les Cimbres permit l'envoi de bonnes troupes qui, sous le commandement du consul Marius Aquilinus, vainquirent les troupes d'Athenion, tué au combat, dont les survivants, par un suicide collectif, se donnèrent mutuellement la mort plutôt que d'offrir aux Romains le plaisir de les voir affronter les bêtes féroces dans un spectacle du cirque.
Ainsi finit la deuxième guerre servile de Sicile. La province, dorénavant, demeura calme, le pouvoir ayant pris des dispositions pour juguler toute nouvelle tentative.

-91 à -89 : guerre sociale entre Rome et ses alliés italiens Rebellés, souhaitant l'Egalité des Droits devant leurs devoirs.
A Rome (Urbs) les Citoyens bénéficiaient du droit romain, et étaient appelés « Citoyens complets » (civis optimo jure) car ils possédaient l'ensemble des droits civils et politiques. Les droits civils étaient les suivants : jus connubii, (mariage devant la loi), jus commercii, (droit de faire des actes juridiques ; d'acquérir des biens).
Il y avait aussi des droits politiques : jus suffragii (droit de vote), jus honorum (droit d'être élu et de voter à une magistrature) ; les Citoyens romains étaient exemptés d'impôts.
En compensation, le droit de Citoyen entraînait l'obligation du service militaire et du tribute (inscription dans une tribu).
Dans les autres villes d'Italie, les habitants n'avaient pas les mêmes droits car Rome traita différemment chaque cité de la péninsule. Elle donna, en particulier aux cités du Latium le droit latin qui comportait les mêmes avantages que le droit romain à l'exception du jus honorum ; les Citoyens étaient alors appelés civis minuto jure (citoyens incomplets). Tandis qu'avec les autres cités Rome n'appliqua qu'une simple alliance. Ces cités étaient en fait plutôt soumises à Rome que réellement alliées, elles n'avaient pas de droits politiques et étaient sous le contrôle du Sénat où elles n'avaient aucune représentation.
Après deux siècles d'union avec Rome, les villes alliées étaient présurées d'impôts et devaient fournir des soldats (Rome fournissait 273.000 hommes et les alliés 294.000). De plus, en cas de victoire, la distribution de terres et de butins étaient inférieurs pour les alliés italiens que pour les troupes romaines. En -126, le sénat avait même interdit aux Italiens d'émigrer à Rome (ils y venaient pour le blé gratuit ou à bas prix), et en -95 le sénat avait expulsé les Italiens qui habitaient à Rome.

Finalement, les alliés de Rome obtiennent satisfaction, et l'Italie est unifiée sous un seul régime juridique. Rome a également vaincu tous ses alliés successivement, en s'appuyant sur ceux qui n'étaient pas Révoltés encore, puis en s'appuyant sur les premiers Révoltés revenus sous son autorité pour vaincre les seconds.
Sur la scène politique romaine, Sylla a acquis un prestige considérable, par ses victoires et par son habilité dans le commandement de ses soldats. A l'inverse, Marius a vu diminuer son prestige : originaire du Latium et certainement plus compréhensif vis-à-vis des Révoltés, il a plus cherché la réconciliation entre ses troupes et celles des Révoltés que l'affrontement brutal.

-74 à -71 : Soulèvement d´esclaves et d´ouvriers Libres en Italie sous le commandement de Spartacus. Elle se déroule du Sud au Nord de l'Italie, à un moment même, elle menace Rome. Cette Troisième Guerre servile fut la seule à menacer directement le cœur romain de l'Italie et fut doublement préoccupante pour le Peuple romain en raison des succès répétés contre l'armée romaine d'une bande d'esclaves Rebelles qui augmentait rapidement. Les effectifs sont considérables : autour du noyau de gladiateurs se concentrent 150 000 soldats !
Manquant d´unité et de plan, ils sont écrasés par Crassus, un riche patricien romain.

Durant la république romaine du -Ier siècle, les jeux de gladiateurs étaient l'une des formes de divertissement les plus populaires. Pour fournir les combattants pour les épreuves, diverses écoles d'entraînement, ou ludi, étaient établies à travers l'Italie. Dans ces écoles, les prisonniers de guerre et les criminels condamnés (qui étaient considérés comme des esclaves) apprenaient les techniques nécessaires pour combattre à mort dans les jeux de gladiateurs. Il arrivait que, malgré les précautions prises par le lanista (trafiquant d'esclaves possesseur d'une école de gladiateurs), des Révoltes se produisaient, mais elles étaient en général rapidement réprimées par les forces de police locales et tout rentrait dans l'ordre. En -74, un groupe de 200 gladiateurs dans l'école de Capoue préparèrent une évasion. Lorsque leur complot fut trahi, un groupe de 70 hommes se saisirent d'instruments de cuisine (broches et hachoirs) et parvinrent à s'échapper de l'école en combattant, emportant avec eux plusieurs chariots remplis d'armes et d'armures de gladiateurs.
Une fois Libres, les gladiateurs échappés choisirent leur chef, Spartacus (il était une vedette en tant que gladiateur principal, et était soit un auxiliaire thrace des légions romaines condamné à l'esclavage, soit un captif pris par les légions).
Le noyau de gladiateurs est rejoint par des bandes d'esclaves gaulois dirigés par Crixus, et des esclaves cimbres dirigés par Hoenomanus.

Ce groupe d'esclaves fut capable de battre une petite troupe envoyée à leur poursuite depuis Capoue, et ils s'équipèrent avec les équipements militaires pris en complément de leurs armes de gladiateurs. Cette bande de gladiateurs fugitifs pilla la région autour de Capoue, et recruta dans ses rangs de nombreux autres esclaves, pour finalement se retirer à une position plus facile à défendre sur le Mont Vésuve.

Comme la Révolte et les pillages se déroulaient en Campanie, qui était une région de villégiature pour les riches et les personnes influentes à Rome, qui y possédaient leurs villas, la Rébellion capta rapidement l'attention des autorités romaines. Pour autant, il fallut du temps à Rome pour réaliser l'ampleur du problème, car la Révolte des esclaves était plus vue comme une grande vague criminelle que comme une Rébellion armée.
Cependant, Rome dépêcha en -73 une force militaire sous autorité prétorienne pour mettre fin à la Rébellion. Un préteur romain, Gaius Claudius Glaber, regroupa une force de 3 000 hommes en une milice. Ces hommes furent choisis à la hâte et au hasard, puisque les Romains ne considéraient pas cela comme une guerre, mais un raid, une sorte de vague de pillage. Les forces de Glaber assiégèrent les esclaves au Mont Vésuve, bloquant le seul accès connu à la montagne. Les esclaves étant contenus, Glaber se contenta d'attendre jusqu'à ce que la faim les oblige à se rendre.
Bien que les esclaves manquaient d'entraînement militaire, les forces de Spartacus déployèrent leur ingéniosité à tirer profit des matériaux disponibles sur le terrain, et utilisèrent des tactiques intelligentes et peu orthodoxes pour affronter les armées romaines. En réponse au siège de Glaber, les hommes de Spartacus fabriquèrent des cordes et des échelles avec les vignes et les arbres qui poussaient sur les pentes du Vésuve et les utilisèrent pour descendre les roches abruptes du côté de la montagne opposé aux forces romaines. Ils contournèrent la base du Vésuve, prirent l'armée romaine à revers, et annihilèrent les hommes de Glaber.

Une deuxième expédition, sous les ordres du préteur Publius Varinus, fut ensuite dépêchée contre Spartacus. Apparemment, Varinus semble avoir séparé ses forces sous le commandement de ses subordonnés Furius et Cossinius. Ces forces furent également battues par l'armée des esclaves : Cossinius fut tué, Varinius presque capturé, et les équipements des armées furent saisis par les esclaves. Avec ce succès, de plus en plus d'esclaves rejoignirent les forces de Spartacus, de même que de nombreux pasteurs et paysans de la région, portant ses rangs à 70 000 hommes. Les esclaves Rebelles passèrent l'hiver -73 à armer et à équiper leurs nouvelles recrues, et étendirent leur territoire de pillages pour atteindre les villes de Nola, Nuceria, Thurii et Metapontum, pour assurer la subsistance des hommes et pour s'emparer des armes nécessaires pour combattre les troupes que ne manquerait pas d'envoyer Rome. Ils s'emparèrent en même temps d'un butin qui allait servir ultérieurement de monnaie d'échange pour satisfaire les besoins d'une véritable armée. De fait les préteurs envoyés pour mettre fin à cette Rébellion qui menaçait les riches propriétés des grands propriétaires terriens (des sénateurs) furent successivement tous battus. Ce n'était plus une simple Révolte à laquelle Rome devait faire face mais une guerre qu'il fallait soutenir.
Les esclaves se divisent en deux bandes, l'une dirigée par Crixus, l'autre par Spartacus : Crixus était d'avis de saigner le pays, Spartacus voulait ramener les esclaves chez eux.

Il se peut que Spartacus ait pensé reconduire ses hommes dans leurs pays puis qu'il renonça à ce projet pour engager une action beaucoup plus hardie et dangereuse pour Rome : Lutter, en tant que combattant pour la Liberté, pour changer une société romaine corrompue et mettre fin à l'esclavage institutionnel, en Soulevant partout sur son passage les masses serviles et ranimer les sentiments d'hostilité des peuples d'Italie encore sous le coup de la guerre sociale, appelée aussi guerre des alliés (socii en latin), qui avait duré deux ans de -91 à -89. Dans ce cas les deux chefs se seraient partagé la tâche. Le sénat, alarmé, chargea les consuls Gellius et Lentulus de la guerre avec deux légions chacun. Gellius, au Sud, vainquit Crixus et anéantit les deux tiers de son armée, Lentulus devait arrêter Spartacus dans sa progression. Après la défaite de Crixus, Spartacus vainquit d'abord Lentulus puis il se retourna contre Gellius, dont il dispersa l'armée. Puis il honora les mânes de Crixus par des jeux funèbres au cours desquels, suprême humiliation pour Rome, il contraignit trois cents soldats romains prisonniers à se battre et à se tuer entre eux. Il paracheva ses succès en mettant en déroute le gouverneur de la Gaule cisalpine Caius Cassius. Rome pouvait tout craindre, comme au temps d'Hannibal. Mais Spartacus, dont les forces, pourtant, avaient grossi (il aurait disposé de cent vingt mille hommes) renonça. Ce qui est sûr, c'est que malgré les apparences, sa situation n'était pas aussi favorable qu'on pourrait le penser. Le soutien de l'armée de Crixus lui faisait désormais défaut, les peuples italiens ne bougèrent pas, ayant obtenu ce qu'ils désiraient, le droit de cité, et méprisant les esclaves, le long de l'Adriatique il traversait des régions où les lois agraires des Gracques avaient permis le développement de propriétés de dimensions modestes où travaillaient des esclaves mieux intégrés, non pas des masses serviles comme en Campanie ou en Sicile, promptes à la sédition. Nulle part Spartacus ne put trouver un lieu où s'installer de façon durable, jamais il ne put réunir des forces comparables à ses prédécesseurs siciliens. Pour marcher sur Rome avec une chance de victoire décisive, il lui eût fallu disposer de troupes mieux armées et mieux entraînées. Il renonça ou remit à plus tard. Dans sa marche vers le Sud, il triompha encore une fois des deux armées réunies des consuls dans le Picenum, ce qui mit fin à la campagne de -72, et il rassembla ses forces dans le Bruttium, en instituant la ville de Thurii sa capitale. La carte dit assez qu'il s'était enfermé comme dans une sorte de nasse.

Rome respirait : elle n'était plus sous la menace d'une attaque prochaine. Spartacus, lui, préparait l'avenir en échangeant avec le monde grec les objets du butin contre les matériaux destinés à la fabrication des armes. Pour conduire la guerre, le sénat fit appel au préteur Marcus Licinius Crassus, un choix surprenant puisqu'il succédait à deux consuls et qu'il n'avait jamais eu l'occasion de se distinguer dans une campagne militaire. Mais peut-être personne ne s'était mis en avant pour mener une guerre dont on ne pouvait tirer une grande gloire si on la gagnait et qui déshonorerait celui qui la perdrait. Crassus accepta parce qu'il était ambitieux et que cette guerre le concernait personnellement dans une certaine mesure : il était immensément riche (il recevra le surnom personnel de dives, le riche) et sa richesse reposait en partie sur le très grand nombre des esclaves qu'il possédait et dont il tirait un revenu régulier en les louant. Sa famille était honorablement connue mais il devait sa fortune au rôle qu'il avait joué auprès du dictateur Sylla (il aurait multiplié ses biens par vingt grâce aux proscriptions) et à une spéculation immobilière qui en faisait un des plus grands propriétaires de maisons et d'appartements à louer à Rome. Sénateur, il était lié aux milieux d'affaires. Sans scrupules et opportuniste, il entretenait une rivalité aiguë avec Pompée. Or celui-ci, ayant vaincu Sertorius, s'apprêtait à revenir dans la ville une fois qu'il aurait rétabli l'ordre romain en Espagne. Crassus devait faire vite pour conquérir une place de premier plan dans le monde politique. Rome vit en lui un sauveur et elle lui confia dix légions.

Fait inhabituel, Crassus engage les opérations en octobre et il les finance sur ses deniers. Il ne cherche pas à engager le combat avec l'armée de Spartacus, dont il se contente de contrecarrer les raids qu'il lance pour se ravitailler. Son légat, désobéissant à ses ordres, attaque une partie des troupes de Spartacus, avec deux légions, mais subit un désastre. Pour faire un exemple et impressionner les esprits, Crassus n'hésita pas à remettre en usage un châtiment qui n'était plus pratiqué, celui de la décimation : cinquante soldats sur cinq cents considérés comme responsables de la défaite furent mis à mort. Crassus remporta un succès sur une troupe de dix mille esclaves, en en tuant six mille, puis il livra bataille à Spartacus lui-même. Elle fut indécise, Spartacus rompit le contact et se réfugia dans le Sud du Bruttium. Spartacus conçut le projet de passer en Sicile en faisant appel aux pirates ciliciens, excellents marins, mais ceux-ci se dérobèrent. Il construisit des radeaux qui ne résistèrent pas à la mauvaise mer de la saison. Il était donc bloqué dans l'extrême Sud de la péninsule, d'autant plus étroitement que Crassus lui barra le passage en creusant, sur cinquante cinq kilomètres de long un fossé de quatre mètres cinquante de profondeur, d'une largeur égale, et un remblai garni d'une palissade. Dispositif infranchissable qui incita Spartacus à engager des négociations qui échouèrent. Cependant par une nuit de neige, il réussit à combler partiellement le fossé et à le faire franchir par un tiers de ses troupes. Crassus dut lever le siège de peur d'être pris à revers et demanda au sénat de hâter le retour de Pompée : il fallait qu'il fût découragé pour entreprendre une telle démarche. La situation de Spartacus n'était pas enviable pour autant : il devait faire face au mécontentement de certains dans ses propres rangs, tous ses mouvements étaient constamment épiés et contrôlés par Crassus, il savait que le gouverneur de la Macédoine, Lucullus, avait débarqué à Brindes avec son armée. Des succès partiels, comme celui qu'il remporta sur le légat de Crassus, Quinctius, ne pouvaient que retarder l'échéance. Il se résolut à livrer bataille, en Lucanie. Cette bataille serait décisive, il le savait. De part et d'autre on se battit avec acharnement et soixante mille esclaves restèrent sur le terrain et, parmi eux, Spartacus dont on ne retrouva pas le corps dans cet amoncellement de cadavres. La guerre était finie. Pompée extermina cinq mille esclaves qu'il rencontra sur sa route en Étrurie. Crassus fit crucifier six mille prisonniers sur les cent quatre-vingt quinze kilomètres de la via Appia qui conduisent de Capoue à Rome.
Désormais, à chaque velléité Insurrectionnelle, les Romains répondront par la répression : jamais plus les esclaves ne seront une menace.

Pompée eut les honneurs du triomphe pour les campagnes qu'il avait menées. Comme il ne s'agissait pas d'une guerre déclarée, Crassus se vit refuser le triomphe, il se contenta de l'ovation qui lui fut accordée pour sa victoire dans cette guerre.
Pompée et Crassus récoltèrent les bénéfices politiques d'avoir mis un terme à la Rébellion. Ils retournèrent tous deux à Rome avec leurs légions et refusèrent de les renvoyer. A la place, ils les firent camper en dehors de Rome. Les deux hommes se présentèrent au consulat pour -70, alors que Pompée était inéligible en raison de son âge et qu'il n'avait jamais servi comme préteur ou questeur. Cependant, les deux hommes furent élus consuls pour -70 en partie en raison de la menace implicite de leurs légions qui campaient hors de la ville.
Ils inaugurèrent leur amitié nouvelle en redonnant aux hommes d'affaires les privilèges politiques dont ils avaient été dépouillés par Sylla. Quelques années plus tard, ils s'uniraient à César pour former le premier triumvirat.

La Révolte a eu un impact sur le Peuple romain, qui après une telle frayeur semblait commencer à traiter les esclaves moins sévèrement qu'auparavant. Les riches propriétaires terriens commencèrent à réduire l'usage d'esclaves agricoles, et optèrent pour employer les larges groupes d'hommes Libres sans possessions. A la fin de la Guerre des Gaules menée par Jules César en -52, les conquêtes majeures des romains cessèrent jusqu'au règne de l'empereur Trajan (98 à 117), et par conséquent l'approvisionnement en esclaves bon marché cessa également, ce qui amena à employer les hommes Libres pour cultiver les terres agricoles.
Le statut légal et les Droits des esclaves romains commencèrent également à changer. Au temps de l'empereur Claude (41-54), une constitution fut rédigée, convertissant en meurtre le fait de tuer un esclave vieux ou infirme, et décrétant que si les esclaves en question étaient abandonnés par leurs propriétaires, ils devenaient Libres. Sous Antonin le Pieux (138-161), les Droits légaux des esclaves furent augmentés, faisant des propriétaires les responsables des meurtres des esclaves, obligeant à la vente des esclaves lorsqu'il était possible de démontrer qu'ils avaient été maltraités, et fournissant une tierce partie (théoriquement) neutre à laquelle n'importe quel esclave pouvait faire appel. Comme ses changements législatifs se produisirent beaucoup trop longtemps après pour être des résultats directs des guerres serviles, ils représentent plutôt la codification légale du changement progressif d'attitude des Romains envers l'esclavage durant des décennies.


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