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Publié le 24 juillet 2009 par Trinity

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Révélations compromettantes de la police sur Julien Dray

                                  

Par Julien Martin | Rue89 | 24/07/2009 | 13H02

Mediapart et Le Monde publient des extraits du rapport sur les mouvements de fonds suspects autour du député socialiste.

Après la publication en janvier dans L'Est républicain du rapport Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des Finances, qui révélait le faramineux train de vie de Julien Dray, entre hôtellerie de luxe, joaillerie haut de gamme et costumes sur mesure, Mediapart et Le Monde font état ce vendredi du rapport de synthèse des enquêteurs de la brigade financière. Un rapport accablant pour le député socialiste de l'Essonne.

Qui est visé par la brigade financière ?

Les policiers ont mis au jour d'importants mouvements d'argent entre l'élu, son entourage et des associations. Un trio de personnalités revient le plus souvent :

  • Julien Dray, député socialiste de l'Essonne et co-fondateur de la Fidl et de SOS Racisme, est soupçonné d'avoir perçu indûment des chèques provenant de plusieurs associations, notamment via deux de ses proches collaborateurs.
  • Nathalie Fortis, attachée de presse de Julien Dray et ancienne salariée de la Fidl et de SOS Racisme, est soupçonnée d'avoir perçu des chèques directement sur son compte personnel, avant de transférer tout ou partie de ces montants à Julien Dray.
  • Thomas Persuy, ancien trésorier de la Fidl et de SOS Racisme, est lui aussi soupçonné d'avoir perçu des chèques directement sur son compte personnel, avant de transférer tout ou partie du montant à Julien Dray.

D'autres personnalités sont également citées, comme Dominique Sopo, actuel président de Sos Racisme, ainsi que Pierre Bergé, principal créancier de Julien Dray (340 000 euros de prêts au total). Tous deux, par le biais de l'association des Parrains de SOS Racisme, dont le premier est présenté comme le président de fait et le second est le président officiel, sont soupçonnés également d'avoir fermé les yeux sinon joué un rôle dans ces transferts d'argent.

Les révélations de la brigade financière

Le rapport de synthèse fait apparaître que, sur les quatre dernières années, Julien Dray dépensait en moyenne 521 919 euros par an, alors qu'il percevait en moyenne chaque année 407 854 euros. La différence entre ses deux chiffres proviendrait, selon la brigade financière, de fonds prélevés sur les comptes des associations, via notamment ses deux proches collaborateurs. Mediapart relate un « cas de figure caricatural » :

« Le 13 février 2008, la Fidl émettait deux chèques (l'un de 5000 euros, l'autre de 1000 euros, soit 6000 euros au total) au profit de Thomas Persuy. Cinq jours plus tard, Julien Dray encaissait à son tour deux chèques, versés par M. Persuy, l'un de 2700 euros, l'autre de 3300 euros… soit exactement 6000 euros. Là encore, les deux hommes ont invoqué devant la PJ “un prêt”. “Rappelons que la Fidl venait de recevoir 10 000 euros de subventions”, ajoutent cruellement les policiers. »

De nombreux autres montages financiers suspects sont mentionnés tout au long dudit rapport de synthèse. Tel celui des chèques sans ordre faits par des clients de Georges Sebag. Ce commerçant, qui distribue la marque « Gérard Darel » dans les Alpes-Maritimes, en aurait transmis près d'une centaine, de mai à septembre 2008, à son « vieil ami » député de l'Essonne, qui en aurait encaissé certains et en aurait également fait bénéficier ses proches.

Autre illustration soulignée par Le Monde, celle du « vrai-faux rapport commandé en décembre 2008 par la Fidl à Geneviève de Kerautem, chargée de mission pour M. Dray au conseil régional d'Ile-de-France » :

« Celle-ci perçoit 6000 euros pour ce travail, somme reversée dans son intégralité à M. Dray parce que, a-t-elle relaté en garde à vue, ce dernier était “en galère financière”. Lors d'une perquisition au bureau de Mme de Kerautem, les policiers ont bien mis la main sur un pré-rapport, mais ne comportant que huit pages, rédigées en mars 2009, alors que l'auteure se savait convoquée par les enquêteurs. “Nous pouvons nous poser la question de la réalité de cette prestation…”, ironise la brigade financière. »

La défense de Julien Dray

« Je ne suis pas un irresponsable dépensier, je ne suis en rien un homme qui vit dans la luxure », a confié le député de l'Essonne aux policiers. Sur le fond, il n'hésite pas à plaider la naïveté, quitte à mettre ses proches dans l'embarras :

« Je ne suis pas chargé, surtout avec les gens que je connais et que je respecte, d'aller à chaque fois enquêter et vérifier l'origine de leurs fonds. »

Sur Le Post, Guy Birenbaum diffuse l'extrait d'une émission d'Arrêt sur images, tournée mardi mais qui sera diffusée dans son intégralité ce vendredi soir. Loin de désarmer, Julien Dray se montre offensif, attaquant la presse qui s'est fait « un film », soulignant « qu'il n'y a pas de corruption sur les marchés publics », et cherchant dans le rapport de synthèse les éléments susceptibles d'accréditer la thèse d'une enquête à charge. (Voir la vidéo)


Quelles suites dans cette affaire ?

Après le signalement de ces mouvements de fonds suspects, le 28 novembre dernier, par Tracfin au procureur de Paris, le parquet de Paris avait ordonné l'ouverture d'une enquête préliminaire, permettant aux policiers de la brigade financière d'enquêter à leur tour. La même brigade financière qui vient de finir ses investigations et a remis son rapport de synthèse le 13 juillet au parquet de Paris.

Entre les mains du procureur de Paris, Jean-Claude Marin, mais également et exceptionnellement de toutes les parties, sans qu'aucun juge d'instruction ne soit désigné, ce rapport pourrait engendrer une prochaine citation directe à comparaître des principaux protagonistes devant le tribunal correctionnel.

Réseaux, luxe et argent : les zones d'ombre de l'affaire Dray

                                  

Par Rue89 | 14/01/2009 | 22H23

Hôtels et horlogerie de luxe, haute couture… Le train de vie élevé du socialiste est révélé dans un rapport de Tracfin.

Julien Dray à l'université d'été du PS en 2007 (Audrey Cerdan/Rue89)

Julien Dray contre-attaque. Visé par une enquête préliminaire pour abus de confiance, le député de l'Essonne et vice-président du conseil régional d'Ile-de-France a réclamé mercredi « la constitution d'un jury d'honneur composé de personnalités indépendantes, d'un haut niveau de respectabilité, afin d'étudier son patrimoine et ses comptes », a indiqué à l'AFP Me Léon-Lef Forster.

Une action qui n'a pas de valeur juridique, mais à laquelle le socialiste est contraint, selon son avocat, car il « n'a toujours pas accès » au dossier judiciaire. Et une action qui lui permettra surtout de répondre aux informations divulguées dans les médias.

En plus de la plainte contre X déposée mardi pour violation du secret professionnel, il a engagé les services d'un autre conseil, Me Emmanuel Pierrat, afin de faire citer en justice des journaux et sites Internet accusés de « propager des propos diffamatoires », et ce jusque dans les commentaires des internautes.

La dernière révélation provient d'ailleurs d'un média. L'Est républicain a publié mercredi le rapport complet de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des Finances, à l'origine du déclenchement de l'enquête préliminaire. Un rapport qui détaille les zones d'ombres du dossier, liste ses dépenses et décrypte ses liens financiers avec les associations et le milieu des affaires.

Les réseaux associatifs

Le rapport de Tracfin met en lumière la dimension économique de liens politiques très anciens. Depuis la fondation de SOS Racisme, en 1984 sous l'égide de l'Elysée, Julien Dray est reconnu comme le « boss politique de ces orgas ». Celui qui impose le slogan « Jospin t'es foutu, les lycéens sont dans la rue » en 1990. Mais aussi celui qui adoube les dirigeants de SOS et de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl) : « Les présidents n'étaient pas élus sans son accord », précise un ancien militant.

Créée en 2000, l'association Les parrains de SOS Racisme est présidée par Pierre Bergé. Elle a pour objet principal de « soutenir » sa « nièce ». L'homme d'affaires est le principal bailleur de fonds du mouvement. Il arrose un ancien président de l'Unef-ID (Marc Rozenblat), ainsi que les principaux permanents des « orgas », en particulier trois proches du député de l'Essonne :

  • Nathalie Fortis : ex de la Fidl, chargée de la presse à SOS racisme, puis attachée parlementaire de Julien Dray
  • Thomas Persuy : lui aussi ancien de la Fidl et permanent de SOS
  • Dominique Bouissou : attachée parlementaire de Julien Dray pendant des années, aujourd'hui chargée des relations presse de Ségolène Royal

Pour Tracfin, ces proches ont servi de relais à Julien Dray, comme l'indique l'analyse des flux financiers :

« Le compte de Melle Fortis semble fonctionner à l'instar d'un “compte collecteur” par captation de fonds provenant d'associations (Fidl, Les parrains de SOS Racisme et autres…), ainsi que par des “dons” de personnes physiques proches de ces associations et/ou de M. Dray, la grande majorité de ces flux étant ensuite reversée à ce dernier. »

Dans quel but ? Pour quel usage ? En tout cas, sur une durée de dix-huit mois, les montants sont importants :

« Au total, sur les deux comptes analysés, Melle Fortis a encaissé 101 637 euros, issus majoritairement des deux associations précitées. Sur ces fonds M. Dray a bénéficié de 68 600 euros. »

Au total, sur les 137 505,93 euros provenant des deux associations (Fidl et les Parrains de SOS), Julien Dray voit arriver sur ces comptes bancaires 102 985 euros. Au sein même du Parti socialiste, certains n'hésitent plus aujourd'hui, sous couvert d'anonymat, à parler d'un véritable « Pasqua de gauche ».

Le train de vie

Julien Dray possède trois comptes bancaires, au Crédit du Nord, chez LCL et au Crédit coopératif. Si, selon Tracfin, une « absence de flux » est observée sur le dernier, les deux premiers présentent en revanche un « fonctionnement atypique ».

Carte Centurion : « L'accès à l'inaccessible »

L'une des deux cartes bancaires de Julien Dray est la Centurion. Prix de la cotisation annuelle : 2000 euros. Vice-président d'American Express France, Armand de Milleville donnait une interview à Luxe Magazine à l'occasion du lancement de Centurion début 2005. Extraits :

« Il faut savoir qu'il existe des clients pour un vrai luxe, fondé sur la rareté ou l'unique. Dans le monde entier, ces ultra riches sont estimés à 1% de la population totale et les très riches, à 16,7 millions de personnes. C'est dire qu'en France, cette frange de personnes ne représente qu'un pourcentage infime de la population. A peine quelques centaines de personnes, pour être plus précis.

“Cette clientèle restreinte, identifiée parmi nos membres titulaires de la Platinum est une clientèle exigeante, recherchant l'excellence en tout et partout. (…) Elle a un pouvoir d'achat sans limite, et convoite l'unique ou l'exceptionnel. (…) On ne demande pas la Centurion, c'est nous qui invitons à la prendre et à bénéficier de ses services.

‘Nous lui offrons l'accès à l'inaccessible. (…) Nous évoluons ici dans le domaine du rêve, de l'émotionnel, de la sensibilité et des aspirations. Sur un simple coup de fil, le titulaire Centurion se voit exaucé, sans avoir à se préoccuper des détails d'organisation.’

Sur son compte au Crédit du Nord, entre janvier 2006 et la fin septembre 2008, ‘des émissions de chèques et une utilisation régulière de ses cartes American Express’ font apparaître un débit de 519 663,15 euros (‘29 relevés mensuels sont compris entre 4 000 et 35 200 euros’). Sur son compte chez LCL, pour la même période, les débits sont de 55 328 euros ‘pour les flux les plus importants’.

Hôtellerie de luxe, habits haut de gamme, voyages quasi mensuels à Milan… Ses relevés de comptes publiés révèlent des pêchés aussi mignons que coûteux. Particulièrement la passion des montres de celui qui se définit comme un ‘acheteur compulsif’. Tracfin note :

‘Les seules dépenses liées avec certitude à des achats présumés de montres ou d'accessoires d'horlogerie sur le territoire français s'élèvent à plus de 130 000 euros.’

Un train de vie qui ne correspond pas à ses revenus. L'Est républicain, qui indique avoir contacté Julien Dray, écrit que le député de l'Essonne précise ‘que ses revenus, ajoutés à ceux de son épouse, sont de l'ordre de 15 000 euros, parfaitement compatibles, selon lui, avec son train de vie’.

Or, entre janvier 2006 et septembre 2008, rien que le montant de ses dépenses relevées par Tracfin (519 663,15 + 55 328 = 574 991,15 euros) dépasse celui des revenus allégués du couple (15 000 x 33 mois = 495 000 euros).

Les liens affairistes

Le rapport de Tracfin signale la trace de versements d'argent à Julien Dray par des ‘particuliers actifs dans la sphère économique’. Facteur qui accroît les soupçons des enquêteurs, les signataires de certains chèques ont ‘soit leur siège dans le département dont Julien Dray est l'élu (l'Essonne, ndlr), soit obtenu un chantier public dans sa circonscription (un promoteur, ndlr), soit enfin obtenu un marché public avec le Conseil régional d'Ile-de-France (Eric Basset, un producteur de musique, ndlr)’. Comme le remarquent pudiquement les auteurs du rapport, se pose dans certains cas la question de la ‘contrepartie’.

Des particuliers ‘exerçant des fonctions de direction dans la sphère économique ou associative’ ont alimenté ses comptes à hauteur de 78 300 euros, notamment :

  • François Malisan, gérant d'un atelier d'architecture à Brétigny-sur-Orge, dans l'Essonne (10 000 euros).
  • Philippe Journo, promoteur immobilier, qui a eu ‘en charge une grande partie des travaux d'aménagement du centre commercial du Val-d'Orge, situé sur la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, circonscription électorale de Julien Dray’ (13 000 euros).
  • Robert Zarader, patron de pub et vice-président de TBWA Corporate (24 000 euros).

Autres liens avec le monde des affaires : Pierre Bergé, Gilbert Wahnich (qui contrôle un groupe de literie et d'ameublement) ont abondé, avec Arte, le compte des ‘parrains de SOS racisme’. Or des sommes ont été retirées de ce compte, pour être en grande partie reversées sur des comptes personnels de Julien Dray. Par ailleurs, les enquêteurs pointent des retraits d'espèces, en provenance de ce même compte, ‘qui ne semblent pas obéir à une logique économique’.

Pierre Bergé, financier historique de SOS Racisme, a été interrogé par le Journal du Dimanche, et a eu cette réponse directe :

‘Julien est un ami, je suis le parrain de sa fille, il est possible que je l'aie soutenu et je suis prêt à le faire de nouveau.’

Julien Dray a affirmé qu'il s'expliquerait sur l'ensemble de ces versements et sur ses liens avec les milieux d'affaires. Reste que la loi impose la transparence du financement de la vie politique et interdit depuis 1995 le financement des campagnes par des entreprises.

Julien Martin, Pascal Riché et David Servenay

Photo : Julien Dray à l'université d'été du PS en 2007 (Audrey Cerdan/Rue89)


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Les mauvais comptes de Julien Dray

       

      LE MONDE | 24.07.09 | 08h01  •  Mis à jour le 24.07.09 | 14h38

Les enquêteurs de la brigade financière ont mis fin, le 13 juillet, à leurs investigations concernant le train de vie du député socialiste de l'Essonne, Julien Dray. Des mouvements suspects sur ses comptes bancaires avaient été relevés en 2008 par l'organisme anti-blanchiment Tracfin, et une enquête préliminaire avait été ordonnée dans la foulée par le parquet de Paris. Dans un rapport de synthèse auquel Le Monde a eu accès – le site Mediapart en fait aussi état –, les policiers dressent un bilan de leur enquête. Avec ce constat de base : entre 2005 et 2008, M. Dray a perçu 1 631 417 euros, tous revenus confondus. Dans la même période, il a dépensé 2 087 678 euros. "Je ne suis pas un irresponsable dépensier, je ne suis en rien un homme qui vit dans la luxure", a certifié aux policiers M. Dray.

L'élu, lors de ses auditions, a longuement expliqué ses problèmes financiers : "A partir de janvier 2006, j'ai eu une charge supplémentaire de 2 000 euros [le remboursement d'un prêt accordé par Pierre Bergé]. A cela va s'ajouter quelques charges familiales supplémentaires…" D'où, selon lui, ce besoin de recourir à ses proches, en obtenant des prêts de leur part, et ce dans une période professionnelle très agitée. Depuis sa mise en cause, il a lancé un vaste processus de remboursement. Et devant les enquêteurs, il a protesté de son innocence : "Il n'y avait aucune suspicion possible (…), je ne me suis livré à aucun enrichissement et à aucune malversation." Les policiers ont pu établir que cinq associations, souvent en difficulté financière, ont contribué à alimenter les comptes de l'élu, huit particuliers lui ont consenti des prêts, sans pour autant rééquilibrer ses finances.

Outre des procédures incidentes (soupçons de fausses factures, fraudes au fisc…), le parquet va devoir déterminer si l'argent décaissé au profit de M. Dray, via des intermédiaires proches de l'élu et salariés par ces associations, est constitutif d'un abus de confiance. Le député pourrait alors faire l'objet d'une citation directe devant le tribunal correctionnel, de même qu'une demi-douzaine de personnes citées dans le dossier, dont Dominique Sopo, le président de SOS-Racisme. La piste d'un financement politique a en revanche été écartée.

DEUX INTERMÉDIAIRES PRINCIPAUX

Les policiers se sont intéressés aux associations suivantes, dont l'élu était très proche : la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), SOS-Racisme, Les Parrains de SOS-Racisme, Stop-Racisme Val d'Orge, et enfin l'Association de la 10e circonscription de l'Essonne. Toutes, à des degrés divers, ont décaissé des sommes importantes au profit de M. Dray. Deux personnes sont directement impliquées : Nathalie Fortis, chargée de mission au conseil régional d'Ile-de-France pour le compte de M. Dray, ex-salariée de la FIDL, comme Thomas Persuy, ancien permanent du syndicat lycéen.

La FIDL connaît de graves problèmes financiers, au point d'avoir été expulsée de ses locaux en 2006. En l'absence de toute comptabilité, les policiers ont suivi la trace des chèques. Entre 2006 et 2008, Mme Fortis perçoit 22 783 euros. Bon nombre de chèques encaissés par cette permanente sur son compte font immédiatement l'objet d'un versement du même montant sur les comptes de M. Dray. En guise d'explication, Mme Fortis a fait valoir qu'elle avait acquis auprès du député une montre de valeur, une Rolex James Bond, et qu'il s'agissait de le rembourser. "J'ai investi dans une montre comme certains investissent dans l'immobilier", a-t-elle indiqué aux policiers. M. Dray a confirmé l'achat de cette montre. Elle a également perçu 33 053 euros de l'association Les Parrains de SOS-Racisme, une structure proche de SOS-Racisme. De nombreux chèques, là aussi, ont été décaissés simultanément au profit de M. Dray. Les policiers s'interrogent sur la réalité des prestations fournies par Mme Fortis pour l'association Les Parrains de SOS-Racisme. "Cela correspond sans doute à des prestations réalisées pour SOS", a-t-elle indiqué.

M. Persuy, lui, a obtenu de la FIDL 78 599 euros sur trois ans, qu'il a en partie reversés à M. Dray. Des prêts, a-t-il expliqué, destinés à soutenir l'élu dans sa campagne pour prendre la tête du Parti socialiste. Même principe pour Les Parrains de SOS-Racisme, dont il a obtenu 12 750 euros en 2008, somme intégralement redistribuée à Julien Dray. M. Persuy, pour justifier ces chèques adressés à M. Dray, a également expliqué qu'il avait acheté des stylos Mont-Blanc appartenant au député, ce que ce dernier a confirmé.

Au total, Mme Fortis a versé 38 300 euros à M. Dray. M. Persuy, lui, a déboursé 35 750 euros. M. Dray s'est défendu, devant les policiers : "Je n'ai pas à connaître l'origine des fonds", dit-il, au sujet des versements d'argent sur ses comptes. Et il précise : "J'étais surchargé de travail (...). Je me suis donc beaucoup appuyé dans la gestion quotidienne sur l'ensemble de mes assistants." Il rappelle qu'en 2007, il a beaucoup œuvré pour la candidate socialiste Ségolène Royal, ce qui, lâche-t-il, "n'est peut-être pas la chose la plus intelligente que j'ai faite...".

DES CIRCUITS DE FINANCEMENT PARFOIS PLUS COMPLEXES

Cindy Fischer, autre permanente de de la FIDL pendant deux ans, a reçu du syndicat 6 500 euros, pour s'être occupée du mouvement lycéen en 2005 contre la réforme Fillon. Elle avait alors reversé 6 400 euros à Mme Fortis, qui, quatre jours plus tard, signait un chèque de 6 000 euros à Julien Dray. Commentaire de M. Fischer, l'époux de Cindy Fischer, lors de son audition : "Il y a un truc bizarre, c'est clair. Nathalie Fortis semble avoir collecté des fonds à cette époque pour les reverser à M. Dray."

Les enquêteurs ont aussi retrouvé la trace d'un vrai-faux rapport commandé en décembre 2008 par la FIDL à Geneviève de Kerautem, chargée de mission pour M. Dray au conseil régional d'Ile-de-France. Celle-ci perçoit 6 000 euros pour ce travail, somme reversée dans son intégralité à M. Dray parce que, a-t-elle relaté en garde à vue, ce dernier était "en galère financière". Lors d'une perquisition au bureau de Mme de Kerautem, les policiers ont bien mis la main sur un pré-rapport, mais ne comportant que huit pages, rédigées en mars 2009, alors que l'auteure se savait convoquée par les enquêteurs. "Nous pouvons nous poser la question sur la réalité de cette prestation…", ironise la brigade financière.


 

Autre cas suspect, la mission commandée à Odile Gaston, la belle-sœur de Julien Dray, par Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Mme Gaston perçoit, le 13 août 2008, 5 000 euros provenant des Parrains de SOS-Racisme. Elle reverse six jours plus tard 2 040 euros à Julien Dray. Sa mission, la mise en place de chantiers de solidarité au Mali, n'a jamais été réalisée. Concernant la somme versée à M. Dray, elle a expliqué avoir remboursé ainsi sa participation aux vacances organisées dans la maison du député, à Vallauris (Alpes-Maritimes).

M. Dray s'est défendu d'avoir donné des instructions aux associations concernées, mettant en exergue leur indépendance : "Je ne donne aucune instruction, ou alors cela veut dire encore une fois que c'est moi qui dirige ces associations et que les gens sont des pantins." Autre cas particulier, celui de Georges Sebag, un ami de M. Dray, distributeur de vêtements dégriffés Gérard Darel dans le sud de la France. Vingt-six chèques signés par les clients de M. Sebag ont été versés sur les comptes de M. Dray, pour un montant de 11 840 euros. Il s'agissait, selon M. Sebag, de prêter de l'argent à son ami pour sa campagne interne au PS. Il assurait avoir remis au total une quarantaine de chèques, dont il ne renseignait pas l'ordre, en laissant le soin à l'élu. Mme Fortis, comme M. Persuy, ont aussi reçu ces chèques.

UNE COMPTABILITÉ INEXISTANTE DANS LES ASSOCIATIONS

Le travail d'enquête n'a pas été facilité par les pratiques en vigueur dans les associations. A la FIDL, il n'y avait donc aucune comptabilité. Et les enquêteurs ont découvert, dans la galaxie SOS-Racisme, de curieux comportements. L'argent affluant sur les comptes de l'association Les Parrains de SOS-Racisme était utilisé en toute opacité : "Pour ces actions pour lesquelles nous ne pouvons avoir de justificatifs, nous utilisons les fonds privés des Parrains de SOS-Racisme", a reconnu Martine Guillaume, la directrice financière de SOS-Racisme. "Ces actions sont le ménage au black, les petites dépenses comme les billets de train et petits achats divers, des pots à des militants, des bombes de peinture." A la suite des investigations policières, elle a eu ce commentaire : "Nous allons faire en sorte de rentrer dans la légalité." Sur 280 849 euros collectés entre 2005 et 2008 par Les Parrains de SOS-Racisme, avec des donateurs tels que Pierre Bergé ou Arte, seuls 10 000 euros ont été officiellement versés sur les comptes de SOS-Racisme. L'ordre des chèques adressés à l'association principale était souvent retouché, et l'argent était ainsi versé sur le compte-support des Parrains. Une technique jugée "regrettable" par Pierre Bergé.

Par ailleurs, les enquêteurs trouveront d'autres irrégularités. Comme ces sept fausses factures imputées à la société CDiscount, sans qu'il y ait jamais eu la moindre prestation en faveur de SOS-Racisme. Plusieurs factures vierges à l'en-ête de différentes sociétés ont même été découvertes dans le bureau de Mme Guillaume. Enfin, il y a le cas Assane Fall, compagnon de Nathalie Fortis. Licencié par SOS-Racisme, il touche 5 800 euros d'indemnités le 12 septembre 2008. Trois jours plus tard, Mme Fortis signe un chèque de 5 300 euros en faveur de Julien Dray.

TABLEAUX, MONTRES ET TEE-SHIRTS

Les policiers ont découvert d'autres étrangetés dans ce dossier. Comme l'affaire des tableaux. Le 16 septembre 2008, l'Association de la 10e circonscription de l'Essonne, créée pour faire connaître l'action politique de M. Dray, vend des tableaux à SOS-Racisme, pour une somme de 9 000 euros. 7 000 euros sont ensuite reversés à M. Dray. Celui-ci a indiqué qu'il avait besoin d'argent, et donc décidé de vendre ces tableaux, initialement destinés à égayer sa permanence. Une vente très éloignée de l'objet social de l'association, assurent les policiers, qui s'interrogent : pourquoi M. Dray n'a-t-il pas vendu directement ces œuvres d'art, en son nom ? "Il n'y avait pas de volonté de cacher quoi que ce soit, a déclaré M. Dray, mais pour Sopo  et pour moi-même, c'était mieux comme ça." L'Association de la 10e circonscription connaissait de sérieuses difficultés financières, au point de contraindre Pierre Bergé, proche de M. Dray et président des Parrains de SOS-Racisme, à effectuer en 2008 un don de 100 000 euros. Une situation délicate qui n'a pas empêché M. Dray de débiter 7 000 euros des comptes de cette association pour acheter une montre Rolex en or à sa suppléante, Fatima Ogbi, récompensée pour ses bons services électoraux. Le député a indiqué aux policiers qu'il avait reversé de l'argent à cette association pour compenser cette dépense.

Enfin, la brigade financière s'est penchée sur une étrange coïncidence. M. Sebag, l'ami de M. Dray, distributeur de Gérard Darel, avait reçu de SOS-Racisme la commande de 5 000 tee-shirts, pour une somme de 15 548 euros, via un chèque émis, selon la police, en mai 2008. Cette période correspond très exactement à la vague des premiers chèques "clients" adressés par M. Sebag à M. Dray, pour une somme de 15 000 euros. Il ne faut y voir aucun lien de cause à effet, a assuré le député.

DES AMIS FORTUNÉS ET GÉNÉREUX

Pas moins de huit particuliers, proches de l'élu socialiste, lui ont prêté de grosses sommes d'argent, en particulier en 2008. Les remboursements sont aujourd'hui en cours, et M. Dray envisage de vendre sa maison de Vallauris pour les honorer. Pierre Bergé est le plus gros contributeur, avec près de 340 000 euros. Les policiers ont aussi enquêté sur les prêts accordés par François Malisan, architecte dans l'Essonne, ou ceux consentis par Robert Zarader, publicitaire. Selon les policiers, ils n'ont obtenu aucune contrepartie, telle que l'éventuel octroi de marchés publics dans le département. Pour rembourser ses amis, M. Dray leur donnait, parfois, des montres, lampes, ou même une sculpture chinoise. Lors de ses auditions, Julien Dray a souhaité qu'il n'y ait pas d'"extrapolation" de la part des policiers, expliquant ceci : "Si j'avais besoin d'argent, j'aurais pu solliciter directement mes amis, et je n'ai pas besoin de passer par Les Parrains de SOS-Racisme ou autre montage."


Gérard Davet

Medipart


L'enquête de la brigade financière accable Julien Dray

                             

                24 Juillet 2009                Par

Dray... Money MoneyFabrice LhommeJournaliste" target="_top" href="http://www.mediapart.fr/club/blog/fabrice-lhomme">Fabrice Lhomme              

Dray... Money Money

L'enquête préliminaire visant les mouvements financiers suspects détectés sur les comptes de Julien Dray a permis la mise au jour d'un véritable "système" d'évaporation de fonds au profit du député de l'Essonne, principalement au préjudice de SOS Racisme et de la FIDL. Point d'orgue des investigations –désormais terminées–, le rapport de synthèse que la brigade financière a remis le 13 juillet au parquet de Paris se révèle accablant pour l'élu socialiste, accusé d'avoir indûment perçu des centaines de chèques, via plusieurs intermédiaires, afin de financer son fastueux train de vie -les policiers ont notamment établi qu'il dépensait en moyenne plus de 500.000 euros par an. Outre M. Dray lui-même, plusieurs de ses proches -dont Dominique Sopo, président de SOS Racisme- sont directement mis en cause dans la procédure, dont Mediapart a pu prendre connaissance. A la rentrée, après que les avocats des personnes impliquées auront fait part au parquet de leurs observations, le procureur devrait citer devant le tribunal une demi-douzaine de personnes, susceptibles d'être renvoyées en correctionnelle pour «abus de confiance», «faux et usage de faux» ou encore «blanchiment de fraude fiscale». Révélations.

Le_post

Julien Dray ou l'énergie du désespoir...                

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                               Par birenbaum                      

                             le 24/07/2009 à 10:28,

                              

J'ai croisé Julien Dray deux fois en un peu plus de 48 heures...

D'abord, mardi, dans la coulisse du tournage d'@rrêts sur images. Lorsque cette émission sera mise en ligne, en fin de journée, vous découvrirez - si vous êtes abonnés, ce que vous auriez dû faire depuis longtemps... - la pugnacité du député socialiste...

L'émission, animée par Laurence Lacour (avec Daniel Schneidermann et Éric Decouty, responsable du service "Enquêtes" du Parisien) est entièrement consacrée à l'enquête de la brigade financière qui le vise et au rapport de l'organisme anti-blanchiment Tracfin ; des éléments qui ont largement fuité dans lémédias©...

Dray... Money Money

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Et puis, hier, j'ai passé beaucoup plus de temps avec Dray, chez Vendredi, où des blogueurs l'ont passé à la question ; beaucoup moins sur son affaire qu'à propos de l'avenir plus qu'incertain du Parti socialiste (Vogelsong, Dagrouik d'intox2007, Juan de Sarkofrance, Fabrice Epelboin (ici et là), Blogiboulga, Hypos, Slovar, et Jacques Rosselin, patron de Vendredi).

Nous avons tous pu constater, de visu, que Julien Dray, après sept mois d'abstinence médiatique et politique, a décidé de ne pas se laisser faire et même de prendre l'initiative, en évoquant de lui-même ce qu'il nomme, dans une étonnante mise à distance, "l'affaire Dray".

Se définissant à deux reprises lui-même, dans un lapsus amusant, comme un "hyper-activiste" (il voulait dire "hyperactif"), frustré de n'avoir rien pu dire, ni faire, depuis ces longs mois, ou le rapport Tracfin et l'enquête de la Brigade financière sont devenus publics, Dray brûle d'en découdre.

Son envie de faire imploser le Parti socialiste semble - quoique bien tardive - désormais sincère.

Puisqu'il n'en a "plus rien à foutre", qu'il prétend ne guigner aucun poste (interne ou extérieur) et voit sa carrière politique comme largement "derrière lui",  Dray dit donc vouloir se consacrer à "pousser" le plus fort possible, pour évincer la génération qui "étouffe" le Parti (la sienne...).

Il est notamment extrêmement virulent à l'égard de Claude Bartolone et de Jean-Christophe Cambadélis qu'il semble prêt à affronter sur tous les terrains. Dray est également très critique sur Martine Aubry (pas assez présente au quotidien au  PS) et Ségolène Royal (qui n'aurait pas tiré les leçons de son échec).

Dray pense donc que si les militants "poussent" (c'est vraiment son leitmotiv qu'il répète sans cesse) les éléphants - tous les éléphants - une nouvelle génération peut prendre le Parti (il avait longuement dîné, la veille au soir, avec Manuel Valls).

Mais il refuse, prudemment, de désigner le moindre meneur.

Alors, que faire (comme disait l'Autre) ?

Dray veut tenter d'obtenir rapidement la tenue d'un congrès extraordinaire d'où sortirait une direction provisoire rénovée, chargée de poser les questions qui fâchent :

Une véritable alliance "arc-enc-ciel" (Parti communiste, extrême gauche, écologistes...) ; la possibilité de faire du chemin aussi avec François Bayrou (Dray y est totalement prêt) ; et, enfin, la remise en cause des institutions de la Vème République, en débattant, enfin, sans tabou, devant le pays, de  la suppression de l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Lucide sur le sarkozysme, apparemment vacciné à propos de l'ouverture - il semble complètement revenu (bien que flatté) des propositions de ministère qui lui ont été faites par Nicolas Sarkozy... - Dray semble prêt au combat contre des "étouffeurs", dont les solidarités coupables, jamais prises en défaut, et l'inertie viennent de leur exercice du pouvoir dans les mêmes équipes ministérielles. C'est ainsi, en tous cas, que Dray décode la mansuétude des éléphants à l'égard des 'sorties' personnelles et des écarts, répétés, d'un Jack Lang ou d'un Michel Rocard.

Reste à savoir si les possibles prochains développements d'une "affaire Dray" l'autoriseront vraiment à jouer ce "premier rôle" d'aiguillon, faussement désintéressé à titre personnel (je n'ai jamais rencontré de politique désintéressé, cette partie de son 'numéro' ne me convainc évidemment pas...)

Lorsque je lui ai demandé franchement s'il ne craignait pas que ces gentils petits "camarades" exploitent largement ses difficultés personnelles, son retentissant "Qu'ils essaient !", adressé directement, et en les citant nommément, à deux d'entre-eux, Claude Bartolone et Jean-Christophe Cambadélis, me laisse penser que tout cela pourrait se règler et rapidement, bien en dessous de la ceinture... Mais après tout, comme Dray nous le rappela lors de cette rencontre, en bon "marxiste" qu'il dit être resté, ça ne volait pas toujours très haut entre Marx et Bakounine...

Le Dray à terre, sonné, blessé, groggy, compose donc un animal politique touchant, forcément touchant, et plutôt intéressant.

Mais...

Il est juste regrettable - et malheureusement terriblement classique... - que nos politiques ne sortent publiquement de la langue de bois et n'acceptent d'envisager  les révolutions nécessaires qu'au moment - trop tard ? - ou une véritable épreuve leur a brisé les ailes et cassé les pattes...

Dray... Money Money

© gb

Pour être complet, ce matin, Mediapart sort (déjà !) un papier, à charge, de Fabrice Lhomme, d'après lequel "L'enquête de la Brigade financière accable Julien Dray".

À suivre...


Je rappelle aux rapides du commentaire assassin, diffamatoire, et aux excités du jugement confortablement anonyme que Julien Dray n'est pas mis en examen et qu'il est donc "doublement" présumé innocent  ; sans compter que la "procédure" suivie jusqu'ici est plutôt inédite.

                    

   
   (Source:             Arrêts sur images)



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