Magazine Journal intime

Ne vous résignez jamais !

Publié le 14 septembre 2009 par Papote

9782259209410FSSans être féministe militante, j'avoue que certains combats féminins m'interpellent et me touchent...
Madame Mère ayant lu certains de mes réflexions sur la condition féminine ici même et étant elle-même attachée à la défense de la condition des femmes (je préfère ça à "féministe" qui, dans mon imagerie d'Epinal à moi, a une connotation hystérico-soixante-huitarde...), m'a donc recommandé de lire "Ne vous résignez jamais" de Gisèle Halimi.

L'auteur (je vous choque en le mettant au masculin ? Tant pis ! J'ai beau être une femme, j'estime qu'il n'y a rien de honteux ni de réducteur à parler de Madame le Ministre et pas de Madame la Ministresse, d'un auteur et non d'une auteure, d'un écrivain et non d'une écrivaine...) est une célèbre avocate du barreau de Paris, licenciée en philosophie, qui a largement contribué au combat pour la légalisation de l'avortement, notamment en signant "Le manifeste des 343", en défendant une jeune-fille et sa mère poursuivies en justice pour un avortement consécutif à un viol au début des années 70, en travaillant à des projets de lois relatifs au congé parental, au quota électoral ou au remboursement de l’IVG, etc.

Ceci étant, il ne faut pas non plus négliger ses autres combats, notamment pour l'indépendance de la Tunisie et de l'Algérie, sa mission d'ambassadrice de l'UNESCO et ses actions sur le plan européen.

Pour en revenir au livre en lui-même, l'auteur raconte sa vie, ses combats et, au-delà, l'évolution de la condition féminine en général.
Une auto-biographie ? Pas vraiment !
Une étude sociologique ? Non plus !
Les deux sont liés : elle a lutté contre le contexte social dans lequel elle vivait, le contexte social a changé grâce à sa contribution...

C'est marrant, j'ai pris beaucoup de notes en lisant ce livre et, ce, dès le départ. Des notes en pensant à ce que je vous en dirai, puis des notes pour mettre de l'ordre dans toutes les réflexions, les réactions qu'il m'inspirait. Comme Gisèle Halimi qui avoue écrire pour permettre d'y voir plus clair, de mettre les choses en perspective, d'analyser, d'affiner, de contre-analyser, je me suis vite rendu compte que j'avais besoin de faire la même chose.

Ma réaction première fut le rejet d'un féminisme sectaire et extrémiste dans lequel je ne peux, ni ne souhaite me reconnaître. Un féminisme acharné, absolutiste.
Mais, au fur et à mesure de ma lecture, de mes réflexions, de mes notes, j'ai retravaillé mon jugement, je l'ai quelque peu nuancé.

Certes, il y a des choses qui me choquent.
Certes, il y a des choses auxquelles je ne souscrirai pas.

Pour moi, une loi sur la parité en politique revient encore plus à creuser l'inégalité hommes-femmes. La véritable égalité ne s'obtient que lorsqu'une femme est élue sur ses compétences, ses propositions, ses idées face à un homme et non parce qu'il faudra boucher les trous et remplir le quota.
Une femme sera l'égale d'un homme lorsqu'elle ne sera pas réduite à un "faute de mieux".
L'auteur dénonce les manoeuvres machistes qui ont permis à des femmes comme Ségolène Royal ou Hillary Clinton de prétendre à la présidence de leur pays. Si, si, elle prétend que les hommes qui les ont choisies, l'ont fait sur la base de leurs écueils, de leurs fautes, de leur passé peu reluisant sur certains dossiers pour discréditer la cause féminine (ceci dit, je précise que je relate ce que l'auteur dit pas ce que je pense, moi, de ces femmes là), pour prouver qu'elles ne valaient rien mais une loi sur la parité a comme conséquence de mettre en avant sur le terrain  des femmes parce qu'elles sont, avant tout, des femmes et non pas, avant tout, pour leurs qualités.
Madame Halimi en arrive même en arrive même à regretter, dans son absolutisme forcené, que la loi sur la parité n'ait pas inclu une dose de proportionnalité dans les scrutins car, malgré ses efforts, les femmes sont encore trop perdantes face aux hommes dans le système majoritaire.
Il faut arrêter de croire que chaque défaite féminine n'est que la conséquence d'un complot machiste ou alors il faut une autre loi pour qu'à chaque ballotage  intégrant une femme, celle-ci soit automatiquement élue sans même qu'il y ait besoin d'un deuxième tour. Alors, oui, dans ce cas là, les femmes seront représentées équitablement mais il ne faudra pas s'étonner alors qu'il y ait nombre de canards boiteux qui ne seront élus que pour leur "qualité biologique de femme" et non pour leur intelligence et leurs aptitudes.
C'est encore plus méprisant pour celles qui ont les vraies qualités, les vraies idées !
A titre personnel, j'ai vécu cela car on m'a proposé d'entrer sur une liste pour "faire le bon compte", sauf que la personne qui me l'a proposé ne devait pas être bien au courant de mes idées et ne s'est pas non plus informée de mes motivations, de mes ambitions, de ma volonté d'implication.
Alors, oui, je maintiens, pour moi, cette loi sur la parité, loin de servir la cause des femmes, n'est qu'une ghettoïsation déguisée. 

Quand l'auteur dit que sa "souffrance de fille l'asphyxiait", quand quand elle dit avoir subi sa maternité, l'avoir menée et vécue comme une expérience scientifique et qu'il faut arrêter de croire que les femmes peuvent intrinsèquement vouloir devenir mères, alors qu'à 13 ans je m'inquiétais de ne pas voir arriver  les signes de ma puberté, que j'avais peur de ne jamais devenir "femme" et mère !
Je n'ai pas l'impression qu'on m'ait fait un lavage de cerveau pour en avoir envie...
Je ne pense pas n'avoir aucun libre-arbitre parce que j'aime ma féminité et mes privilèges de femme. Je revendique d'avoir à porter et à donner la vie en toute liberté, en toute conscience.
Mais je reconnais que, contrairement, aux femmes de la génération précédente et de toutes les autres avant et grâce aux combats de ces féministes, aujourd'hui, je peux vivre pleinement ma féminité sans parler de "trahison de mon corps" si je tombe enceinte. Mon corps m'appartient à moi et à personne d'autre, je l'assume, j'en jouis, je vis avec lui et, non, contre lui. Les termes employés me choquent mais c'est, sans doute, parce que j'ai toujours eu le choix de ma féminité, de ma sexualité, que je n'ai jamais eu à subir la roulette russe d'une vie et d'une société où la contraception et l'avortement étaient illégaux.

Madame Halimi est une ultra, une extrémiste de la cause féministe qui me rappelle, par certains aspects, l'article du journal Marianne sur les assassinats politiques et l'échec relatif de leur finalité.
Je m'explique avant de me faire lyncher par la vindicte populaire : le journaliste explique que, souvent, malgré la réussite du geste, l'effet attendu, les conséquences ne sont pas à la hauteur des espérances du tueur (exemple : Jacques Clément qui assassina Henri II pour le punir de son attitude de tolérance relative vis à vis de la religion réformée, sauf qu'avant d'expirer, le roi demanda à ses Grands de faire en sorte qu'Henri de Navarre (Henri IV) soit nommé roi, ce qui fut fait...)
Donc, dans ce sens là, je pense que le féminisme n'est pas enterré et que nombre de réformes sont à mener afin d'assurer une égalité de traitement, une égalité de salaires et de droits et je me battrai toujours dans ce sens là et, si cela n'avait été déjà obtenu, je me battrai aussi pour la légalisation de la contraception et de l'avortement.

Cependant, je pense qu'il y a aussi d'autres moyens que l'extrémisme pour y arriver.
Madame Halimi regrette la "nécessité" d'avoir recours, en France, à une réforme constitutionnelle afin d'affirmer le principe de la parité alors que les féministes des pays nordiques ont réussi à faire évoluer leur société et faire évoluer leur cause par d'autres moyens mais si tel est le cas il faut peut-être arrêter de vouloir utiliser "nos" méthodes et voir de leur côté comment elles s'y sont prises.
Je reste persuadée qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre et que ce n'est pas en disant, notamment, que "la femme perd, dans l'acte sexuel, son libre arbitre", que, "quelque soit le degré d'autonomie (économique) des femmes, elles redeviennent dans l'amour, objet passif du désir de l'homme" (toutes ces paroles ont été dites après les lois Veil et Neuwirth), qu'on mène un combat vers l'égalité.
Au contraire, pour moi, Madame Halimi montre, au contraire, qu'elle a les mêmes défauts que ceux qu'elle dénonce. Elle est aussi sectaire et ségrégationniste que les machos de bas étage qu'elle vomit à longueur de pages.

Les luttes décrites dans le livre sont justes et légitimes et j'y adhère pour un certain nombre. Je reste extrêmement vigilante à ce que ces droits fondamentaux, si âprement acquis, ne soient pas foulés aux pieds, ni mis au rebuts de notre mémoire. Mais les discours, les modi operandi me débectent profondément.
Certaines féministes sont fustigées par l'auteur et même qualifiées de traîtres à la "cause" car moins extrémistes ou, du moins,  car elles ont préféré d'autres moyens d'action mais, même si c'est un chemin plus long, plus difficile, je le choisis sans hésiter. Certaines y sont arrivées par la persuasion, dans leur pays, et, moi, je m'inscris sans faille dans leur lignée !

Mais je reconnais que si le discours de Gisèle Halimi me choque par sa virulence et si, aujourd'hui, je peux être choquée, c'est parce que je suis née en 1974, l'année de la loi Veil, que j'ai été élevée et que je suis devenue une femme à une époque où j'ai pu découvrir la sexualité, la féminité et le plaisir sans avoir à craindre une grossesse indésirée, sans avoir à trembler chaque mois. C'est parce que des hommes et des femmes se sont battus pour m'obtenir cette liberté et ces droits !

A bientôt !

La Papote


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