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Sylduria chapitre V

Publié le 19 septembre 2009 par Lilianof

Chapitre V
Éva

Trois ans se sont écoulés. Eva, la princesse héritière a donc 22 ans, et sa petite sœur,… avez-vous suivi ?

Lynda a maintenant 18 ans. Elle a grandi en taille et en poids, mais pas en sagesse ! Son plus grand plaisir consiste à persécuter les courtisans, persiflant leurs manières et leurs propos insipides. Elle ne manque pas une occasion de les confondre et de les humilier dans leur hypocrisie. Quel bonheur ils trouveraient à lui donner quelques gifles pour lui remettre les idées en place de temps en temps ! Mais hélas, elle est premièrement fille du roi et deuxièmement ceinture marron. Les courtisans n’osent s’en plaindre au souverain qui la chérit malgré son mauvais caractère. Ils déglutissent sans riposter les ophidiens, depuis la couleuvre jusqu’à l’anaconda qu’elle leur fait constamment avaler.

Comble d’injure au protocole, elle vient de s’offrir, avec ses petites économies, une puissante « Harley-Davidson ». Toute bardée de cuir, de chaînes et de clous, elle chevauche son engin pétaradant à travers les rues d’Arklow, au grand mépris des limitations de vitesse.

« C’est une honte ! disaient les vieux citadins. Où va la Syldurie ! » Mais les jeunes garçons, au moindre bruit de moteur, se précipitaient aux balcons, espérant la voir passer, et rêvant en plein jour qu’elle leur offrirait un tour de circuit.

Lynda a beaucoup d’amoureux. Il faut dire qu’elle a des yeux magnifiques et d’épais sourcils qui donnent une profonde autorité à son regard. D’ailleurs, je n’ai pas l’intention d’écrire trois pages pour vous parler de la couleur de ses yeux, de la beauté de son visage ni de sa chevelure éblouissante. Si vous aimez les blondes aux yeux bleus, c’est une blonde aux yeux bleus, si vous préférez les rouquines, elle est rousse. Je ne suis pas un auteur contrariant.

Pour en revenir à sa vie sentimentale, elle a toujours dans son sac un calepin portant dans ses pages une longue liste de prénoms rayés. Il est vrai qu’elle usait envers ses soupirants d’une technique redoutable. Elle était passée virtuose dans l’art de chauffer son bonhomme à blanc et de vous le congeler en moins d’une minute (comme le lait pasteurisé !) Après un tel traitement, la pauvre victime courait se jeter dans la mer Égée avec une ancre autour du cou, mais il se trouvait toujours un marin pécheur pour lui sauver la vie. Ils avaient l’habitude.

La jeune princesse était consciente de sa beauté, de son pouvoir de séduction et surtout de sa cruauté. Cruelle envers les animaux, cruelle envers les humains, cruelle envers la cour, cruelle envers les domestiques, cruelle envers sa famille, cruelle envers Wladimir, impitoyable envers ceux qui osaient l’aimer. Pour elle, tous ses soupirants étaient des jouets. « Quand j’ai un jouet entre les mains, je le casse et j’en prends un autre. »

Il reste justement sur son carnet, en fin de liste, un prénom qui n’a pas encore été biffé : c’est Dimitri.

Dimitri est un lycéen qui aime bien sortir le soir. Lynda, qui se refuse à respecter le protocole royal, fait la tournée des boîtes de nuit d’Arklow à la recherche de nouvelles conquêtes, pardon, de nouveaux jouets à casser.  C’est ainsi qu’ils se sont rencontrés. Quand on passe la nuit avec des projecteurs dans la figure, on ne voit pas forcément le visage de la personne avec qui l'on danse. Ce n’est que le lendemain qu’il a compris qu’il s’était frotté contre la fille du roi, en personne.

Cet amour dure depuis déjà une semaine, un record. Se serait-elle assagie ?

Éva supportait de moins en moins sa petite sœur, ses extravagances, ses espiègleries. Elle avait honte aussi, parce que la presse à scandale, « Syldurie Dimanche » et « Ici Arklow » jetait ses écarts, dûment exagérés, en pâture à la population. La honte en retombait sur la famille royale. Elle ne comprenait pas pourquoi le roi, son père, montrait si peu de zèle à sévir, traitant la bonne fille et la mauvaise avec le même amour.

Waldemar avait pris l’habitude de lire la Bible le soir en famille. Soucieux d’approfondir sa connaissance des Écritures, il avait chargé Wladimir de lui enseigner le grec. De même il avait inclus la langue d’Homère dans le programme d’instruction de ses filles.

Éva prenait beaucoup de soin à cette étude et ses progrès réjouissaient son maître.

Lynda, au contraire, se révélait une cancre notoire. Elle n’aimait pas le grec, elle n’aimait pas Wladimir, alors imaginez : les leçons de grec de Wladimir ! Elle ne faisait aucun effort pour apprendre, multipliait les provocations qu’en philosophe, le maître supportait avec patience. Quelquefois, il lui lançait un regard sévère. Mal lui en prenait, car l’insolente le poignardait des yeux avec une telle férocité qu’il finissait toujours par capituler.

« Petite effrontée ! » murmurait-il.

Les rapports entre les deux sœurs sont toujours tendus. Mademoiselle l’héritière donne des leçons de morale que l’autre ne peut souffrir. On se dispute à tout sujet : au sujet du protocole, au sujet des sorties, de la moto, et surtout, au sujet de Wladimir, que l’une adule autant que l’autre le déteste.

Copyright 2009 Lilianof


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