De retour après un été survolté, où il se sera battu face aux paparazzis, aura défendu ses opinions dans les plus hauts cercles politiques, aura milité pour la survie des pingouins en Centrafrique et se sera une énième fois engagé en faveur du dépistage systématique du rhume, Gustave Borjay reprend les commandes de son emblématique blog pour aider l'écrivain amateur à accoucher de son œuvre.
En effet, s'il manque définitivement à votre récit une touche profonde, une justification poétique et philosophique en même temps, c'est peut-être bien que vous avez encore tout à apprendre du maître Borjay. Ca tombe bien, cet article écrit par ses soins est sans aucun doute en passe de remédier - au moins partiellement - à votre problème.
Bref, pour résumer, vous avez créé une histoire terne, où un héros médiocre s'est inexplicablement détaché de la masse dans laquelle il a pourtant été élevé tel un poulet fermier dans sa ferme. Pour développer cette idée, vous avez réussi à brosser ce portrait réaliste d'un individu au passé minable devenant quelqu'un. (Si vous avez développé le portrait d'un individu minable restant minable, vous avez certes le mérite de la cohérence mais il faut souhaiter que le lecteur ne sera pas surpris par tant d'imprévu.) (Si votre individu a un passé déjà extraordinaire, il n'en reste pas moins qu'il faut faire accepter ce passé extraordinaire qui sort d'un monde ordinaire.)
Maintenant que vous avez atteint ce paragraphe, sortant victorieux de la lecture des précédents, toujours plus motivé par la découverte des conseils inappréciables de l'Ecrivain, c'est que votre héros n'a pas de fondement à sa supériorité. C'est alors à vous de choisir : hasard ou prédestination ? Dans le doute, suivez le naturel, observez autour de vous, et vous arriverez ainsi à la conclusion que suivre la nature, c'est opter pour la prédestination, pour l'élection surnaturelle.
Un exemple simple : prenons un homme dont la haute moralité est mise en doute à cause d'un livre imprudent que ce dernier a écrit, et en dépit de la chasse aux sorcières pédophiles il ne fait pas l'objet d'une poursuite du procureur, comment justifier cela ? Dîtes simplement que ce personnage est haut placé sur l'échiquier politique, ce qui lui confère ainsi une moralité à toute épreuve.
Ou encore, une variante pour ceux qui en redemandent : vous avez dépeint un jeune personnage, beau et insouciant, en licence universitaire, qui va se retrouver dans un très beau poste très en vue (qu'il va cependant décliner pour en accepter un tout aussi beau mais moins en vue). Ainsi, il commence une carrière politique qui s'avèrera, n'en doutons pas, prometteuse. Comment justifier une élection du sort aussi tarabiscotée ? N'hésitez pas, mettez le paquet en soutenant à haute voix que ce jeune homme est le dernier rejeton de la lignée dirigeante élue de droit divin ! On peut même faire varier cette histoire avec l'accession de la fille d'un politicien écologique à la tête du parti de son père - tout est possible après tout.
Dernier exemple, et non des moindres, vous avez sous vos yeux une menace relayée par les médias du monde entier, et pourtant elle semble ne pas se concrétiser ? Allez-y cash, jetez vos derniers atouts, soutenez vous aussi sa dangerosité, et si rien ne se passe c'est dangereux quand même, et vers la fin dévoilez en fait les gros intérêts économiques qui sont en jeu (et les lecteurs pris en traîtres diront « Ah mais oui, bien sûr, c'est évident, il y avait des gros sous derrière ! »). Ne voyez dans ce dernier paragraphe qu'une discrète réécriture du bug de l'an 2000.
Voilà, une fois de plus vous êtes redevable au grand Borjay de l'amélioration notable de votre production. Gardez la tête froide cependant, vous n'y avez aucun mérite. Et pour le cas de M Borjay lui-même, s'il est si successful, si génial, si généreux en même temps, il n'y a là aucune élection divine mais son seul mérite (on peut à la rigueur parler d'élection divine dans la mesure où il s'est lui-même choisi).
Gustave Borjay vous salue.
Sauver les pingouins en Centrafrique, c'est d'abord les aider
à regarder à gauche puis à droite avant de traverser.