Magazine Humeur

Le faiseur d’amour (Mersoul Alhob)

Publié le 28 octobre 2009 par Docteurho

De tous les gars de son quartier, il n’était le seul à parler français assez bien, à l’écrire aussi, mais il était le meilleur. Il écrivait des textes à faire tourner la tête aux filles, et ses paroles ont fait le bonheur de plusieurs amants en manque d’inspiration, lorsqu’il fallait toucher un mot à la belle du coin. Alors chaque été, spécialement, il était assaillit par les jeunes hommes, les ados et même quelques quadragénaires pour leur rédiger des lettres qu’ils allaient remettre à leurs amours de zmigriyate. C’était un exercice classique pour lui, car il aimait bien écrire, il aimait aussi la romance mais il aimait plus la monnaie sonnante qui lui permettait d’aider sa mère et de se payer quelques bricoles, voire les affaires scolaire de la prochaine rentrée.

Il était fier de son petit commerce, juteux, mais aussi très valorisant, parce qu’il lui a valu une réputation. C’est plus par égard aux éloges qu’il recevait qu’il s’appliquait tant à écrire de très belles lettres, des poèmes pour les plus riches. Il aimait voir la gratitude dans le regard de ses clients, surtout ceux à qui la chose avait réussit. Et il en avait expédié, des clients, là bas, de l’autre côté de la méditerranée, plus que la providence, lui était un faiseur d’amour ! Merssoul alhob comme on l’avait surnommé dans sa petite communauté !

Durant l’été 1994, alors qu’il venait à peine de fêter ses 17 ans, sanctionnés par un bac avec une bonne mention, il vint à découvrir un truc auquel il n’avait jamais pensé avant. Durant  tout le temps qu’il avait passé à rendre service aux autres, il n’a jamais pensé à en écrire une pour une fille particulière. Une qui soit sa lettre à lui, écrite sa bien aimée à lui. Il n’avait pas de bien aimée, mais un soir, il s’est mis à son bureau, et à commencé à rédiger cette lettre. Des heures passèrent avant qu’il eût encore terminé son texte, pourtant, ce dernier ne dépassait pas une page. Une page qui contenait plus se sentiments que jamais une de ses lettres n’a porté. Une page qui était ses propres offrandes à celle qui allait lui déchirer le cœur par le glaive de la passion ardente, pensait-il toujours avec ses manies à assimiler le bonheur à la souffrance, car selon lui, on ne se souvenait guère que des douleurs. La joie, elle, n’est qu’un euphémisme éphémère  des sensations réelles ; celles qui fendent le cœur mille fois, avant de le faire danser, ou l’inverse.

Le lendemain matin, et en glandant à la « Sorbonne », un coin de son quartier qu’il se plaisait à appeler ainsi avec ses amis, et même leurs parents respectifs, puisque de là se sont dégagés des talents indéniable, en « hitisme », en « logho » et autres sciences de la jeunesse marocaine moderne, son meilleur ami, Ahmed, vint le voir avec un teint bizarre. Ahmed le tombeur, avait l’air de ne pas avoir dormi de la nuit, et c’était signe d’amour. A cette époque là, la leur d’adolescence, rares étaient les boutonneux parmi eux, qui n’étaient pas encore frappés par les flèches de cupidon. Ahmed, lui, connu pour ses multiples aventures, à 18 ans à peine, devait son succès à ses larges pectoraux et la Mercédès 190 de son père, qui conduisait fièrement devant les portes des collèges et lycées de la ville…

-   Sauve moi, Salah, j’ai besoin de toi, sinon je suis foutu…

Là ça ne faisait plus de doutes pour lui, Ahmed était bel et bien amoureux, et rien qu’à le voir haleter ainsi, « Merssoul alhob », lui, n’essayait même pas d’imaginer l’objet de tous les désirs. Elle devait être une sacrée bombe…Salah passa son bras autour des épaules de son ami, et avec l’assurance d’un chirurgien plasticien, il lui lança sur un ton compatissant, quoiqu’un tantinet moqueur :

-   Viens ! On va t’arranger ça…


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine