L'avantage, que P'tite Louloute soit chez son père, est que j'arrive à prendre du temps pour moi et à rattraper mon retard en matière de cinéma plus facilement !
Ainsi, l'autre soir, j'ai décidé d'affronter la pluie et le vent et d'aller jusqu'au cinéma voir Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé.
Je ne sais pas trop par quoi commencer...
J'avais des craintes et, en même temps, la bande annonce et ce que j'en avais lu m'avaient mis l'eau à la bouche...
Je craignais d'abord, bêtement, qu'on ait voulu nous faire le coup Delon/Schneider (dans "La Piscine") en faisant jouer ensemble Lindon et Kiberlain...
Le côté extrêmement silencieux et réservé de la bande-annonce, d'un côté, m'avait séduite et, de l'autre me faisait craindre un peu un minimaliste un peu trop forcé et esthétique que l'on retrouve parfois dans un certain cinéma dit "d'auteur"...
Je ne m'étais pas trompé ou peu...
C'est un film tout en retenue, en silence, en non-dits. C'est esthétique et lisse. C'est au spectateur d'aller chercher les ressentis, les émotions...
C'est un parti-pris que je peux apprécier mais qui devient gênant quand, tout à coup, le réalisateur enfile ses gros sabots plein de paille...
Je m'explique : j'ai aimé les silences, les regards à peine effleurés entre les deux protagonistes...
Tout est sous-entendu, en transparence, en filigrane et puis, tout à coup on nous impose la grosse machinerie sentimentale ou émotionnelle : la larme excessivement esthétique en contre-jour sur la joue, le moment d'incertitude et de souffrance de Mademoiselle Chambon à l'anniversaire de Jean-Marc Thibault, la scène d'amour dans le lit...
Soit le réalisateur avait peur qu'on ne comprenne pas (mais, dans ce cas là, il fallait décider de faire un film expansif), soit il s'est trop regardé filmer, il a trop voulu faire de la belle image de papier glacé (mais, attention, le risque de vouloir faire du trop beau, trop parfait est de tuer dans l'oeuf, d'étouffer le fil de l'émotion)...
Mais il n'avait pas besoin de nous marteler l'émotion des personnages à grands renforts de clichés sentimentalo-émotionnels pour qu'on comprenne et, en plus, du coup, quand on revient à la retenue, on ne sait plus vraiment qu'en faire et on en arrive à se demander si c'est de la retenue ou de l'inconsistance...
C'est comme coller du Carmina Burana au milieu de La Petite Musique de Nuit...
Ce mélange des genres est indigeste et il est très très dommage que Stéphane Brizé n'ait pas assumé jusqu'au bout le parti-pris du minimalisme initial...
Je suis sortie frustrée d'un film dans lequel j'avais commencé à me glisser avec plaisir et intimité, comme si je regardais par le trou d'une serrure et que, tout à coup, on m'ouvrait la porte en m'invitant à être spectateur officiel, avec, en plus, les sous-titres pour être sûr que je comprendrais bien le message qu'on voulait me faire passer et les clichés de base pour que, définitivement, je ne loupe pas le moment om il fallait capter l'émotion. Il n'y avait plus qu'à me mettre les panneaux "applaudissements", "rires", "pleurs"...
Mais l'histoire est belle. L'homme est modeste et économe de ce qui n'est pas indispensable. La femme est d'une fragilité de cristal et d'une sensibilité aérienne. La musique les rapproche. Leurs flammes s'atisent mutuellement au contact l'une de l'autre mais sans jamais s'embraser. C'est une histoire, classique presque banale mais sublimée par les retenues (tant que le réalisateur accepte de nous les accorder)...
La scène du lit est inutile pour comprendre la profondeur des sentiments et, même, elle la pervertit. Oui, je pense qu'il eut été infiniment plus fort qu'il ne se passe rien de visible entre eux jusqu'au bout...
A l'inverse, la scène de la gare, ces deux silences, ces deux solitudes, ces deux attentes, sans rien d'autre a fait naître plus d'émotion en moi que la larme en contre-jour dans la voiture...
A bientôt !
La Papote