Malgré les constatations de l’étude du jour qui dit que les « français ont grossi » et que « cela s’explique par la quantité supérieure à la normale de sucre et graisse chez les hardiscounters », je reste fidèle à cette petite supérette qui me dépanne, pour un prix un tantinet moins cher sur quelques produits qu’ailleurs. Entre midi et deux, à une heure où mon Leader Price de quartier est souvent désert, j’en profite pour faire mes courses. Mais arrivée à la caisse, je trouve une caissière pliée en deux, qui souffle et se parle tout bas comme pour se donner du courage.
- Ca va ? lui dis-je.
- Oui…
Elle se redresse, me fait un sourire de circonstances, et commence à biper mes articles. Tandis que je range mes affaires, je la regarde du coin de l’œil, et je vois qu’elle s’arrête à nouveau entre deux bipages tout en tenant un coin de son ventre.
- Ca va ? Vous êtes fatiguée…, lui ai-je dit à nouveau.
Elle se redresse de la même manière que la première fois, comme pour me faire oublier ce que j’ai vu, et elle me dit, toujours en souriant :
- Oui… Je suis enrhumée et très fatiguée, c’est pour ça…
- Faîtes-vous arrêter, lui dis-je, tout en sachant que dans cette société, on ne s’arrête pas forcément quand on est malade, et surtout pas dans la grande distribution. Elle m’en donne la confirmation en disant :
- Je ne peux pas. Ma collègue s’est arrêtée et elle a pris un avertissement.
Je crois que rares sont les milieux où l’on est traité comme dans la grande distribution. Combien d’histoires rapportées de relations travaillant dans des conditions ultra difficiles où le salarié, en plus d’être très mal payé, est sous l’emprise totale des supérieurs qui se servent de leur pouvoir pour obtenir tout qu’ils veulent, au détriment des droits les plus fondamentaux des travailleurs. Exemple : la grève. Dans la grande distribution, on observe des salaires de misère, et paradoxalement, c’est un secteur où les grèves sont quasi inexistantes. Et pour cause… Le personnel est interchangeable, le marché en crise, et les salariés savent bien qu’en cas de révolte, ils peuvent se retrouver dès le lendemain matin devant le Pôle Emploi.