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Les patins d'argent

Publié le 15 novembre 2009 par Lejournaldeneon

UN VOYAGE INITIATIQUE AUX ORIGINES DES SPORTS DE GLACE...
(ATTENTION, TERRAIN GLISSANT !)
C'était l'idée d'un film, un document sur les origines des sports de glace. Une idée comme ça, parce que c’était l’hiver et qu’il commençait à sérieusement « meuler » dans les chaumières comtoises. Pour vous dire la vérité, je crois me souvenir que je fus plutôt bel et bien attablé au Charbon ce jour-là, un établissement fort réputé dans la rue Oberkampf et chauffé comme il faut. Un de ces petits matins d’hiver fumant du 11e arrondissement parisien et ses fragrances de croissants au beurre trempés dans des grandes tasses remplies d’un généreux café noir. Voilà pour le contexte qui précéda certainement l’idée... l’histoire d’un athlète scandinave, plusieurs fois recordman du monde de vitesse sur glace qui se rend chez un libraire de la vieille Amsterdam. Un sportif de haut niveau et son truc... sa drôle de marotte pour les bouquins de gosses. La bibliothèque rouge et or ; les aventures de Tintin en Papouasie nouvelle Guinée ; je ne sais plus quel espèce de voyage de Gulliver dont j’ai complètement oublié l’adresse...Lorsque la lecture des “Patins d’argent” inspire au champion une fabuleuse randonnée qui va le conduire d’une ville à l’autre sur les rivières et les canaux gelés du carré Amsterdam, Haarlem, La-Haye, Utrecht. Ces paysages rapportés par les toiles de l’âge d’or de la peinture hollandaise... Avercamp, Bruegel l’ancien, Van Der Neer. Chemin faisant, comme nous disions encore avant-hier, le patineur file de découvertes en découvertes, jusqu’à Leeuwarden, ligne de départ où, chaque année lorsque la rigueur de l’hiver le permet, quelques milliers de patineurs se retrouvent pour la plus fantastique des courses populaires sur glace.
LES PATINS D'ARGENTPROJET D'AFFICHE DU FILM 1997
Les 200 kilomètres de L'Elfstedentocht (la course des 11 villes) n’ont été parcourus que 15 fois dans ce siècle. En 1997, dernière organisation en date, plus de 15 000 patineurs s’étaient rassemblés à Leeuwarden pour prendre part à cet événement exceptionnel. Cette année-là, Henk Angenent emporta l’épreuve en 6h49.
C’est au pays de la “basse terre” qu’au XVIIIe siècle, la première compétition de patinage fut imaginée. Plus qu’une course, cet événement populaire est en quelque sorte un témoignage de la culture néerlandaise et de cette région du monde qui se dispute avec quelques autres, l’origine des sports de glace.
Les pieds chaussés de deux os arrachés à la mâchoire d’un animal, l’homme préhistorique avait déjà trouvé le moyen de se déplacer efficacement à la surface gelée des lacs et des marais La géographie et le climat particulier au “Pays creux” auront certainement dessiné le décor favorable à l’éclosion et le développement de cet original moyen de locomotion. D’abord en os, en bois, puis en métal, jusqu’aux aciers les plus évolués, l’histoire des patins et du patinage s’est en partie au moins écrite là, entre les digues et les moulins à vent du pays de Rembrandt. Mais également celle du “curling”, un des plus anciens sports du monde, dont les premières traces remontent au XVIe siècle en Ecosse, et celle du “Hockey sur glace” (le « Ken Jaegen », son ancêtre hollandais). En 1676, les Pays-Bas inaugurent la première course de ville à ville. Et c’est encore en Hollande qu’en 1805 le départ est donné à Leeuwarden pour la première épreuve de patinage de vitesse en ligne droite, une compétition uniquement réservée aux femmes.
LES PATINS D'ARGENTKATARINA WITT
C’est bientôt toute l’Europe qui s’enflamme pour ce sport rapidement devenu à la mode. On dit que le roi Henri II aurait entraîné sa favorite Diane de Poitiers sur les étangs gelés. A Versailles, l’hiver glacial de 1776, on vit Marie-Antoinette patinant sur le lac du château. Goethe, l’écrivain allemand, pratiquait lui aussi volontiers la glissade... Puis c’est Napoléon III et l’Impératrice qui dessinèrent des courbes sur les lacs du bois de Boulogne, bien vite imités par une cour entièrement convertie. Le 11 juillet 1865, « le cercle des patineurs » est fondé à Paris.
Comtes, vicomtes, marquis et princes s’y pressent, et les dames s’y font remarquer en toilettes “courtes”.
LES PATINS D'ARGENT
GRAVURE P.275 - LES PATINS D'ARGENT

Le jeu des enfants après l’école, les divertissements du dimanche, le transport de marchandises, les courses... vers la fin du dix-neuvième siècle, c’est encore et toujours en Hollande que cette discipline, ce « métier » de la glissade contrôlée inspire l’écrivain américain Mary Dodge. À la demande de son éditeur, J-P. Hetzel, l’auteur entreprend l’écriture d’un conte pour enfants “Les patins d’argent”. Un conte couronné par l’Académie Française dés sa parution en 1865, dont l’intrigue empruntée aux célèbres personnages des frères Grimm “Hans et Gretel”, se déroule dans cette Hollande des pionniers des sports de glace.
Une histoire qui épouse la couleur de la peinture des grands maîtres néerlandais.
Une peinture qui relate elle aussi ces coutumes glaciaires aussi diverses qu’originales, où l’on peut reconnaître, dans la foule des personnages qui la caractérise à partir du XVIe siècle, les inventeurs de ces jeux d’hiver.
LES PATINS D'ARGENT
PIETER BRUEGEL L'ANCIEN - LE TRÉBUCHET 1565
Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles
Aujourd’hui, sur la glace artificielle des patinoires olympiques, les spectateurs du monde entier applaudissent des athlètes qui rivalisent d’exploits, mais chaque hiver, à quelques pas des polders et de la mer du nord, lorsque la température le permet, ce sont les chapitres d’un livre d’enfance et une certaine paire de patins en métal précieux qui perpétue toute une idée du transport glaciaire.
NÉON™
LES PATINS D'ARGENT PHOTO REUTERS / Kim Kyung-Hoon 2007
Sous les grandes ailes immobiles des moulins à vent, une couche de neige recouvre d’immenses plaines uniformes. C’est l’hiver en Hollande. Les deux enfants Brinker, les héros du célèbre conte de Marie Dodge, nous transportent un soir de décembre, au milieu du XIXe siècle.
Sur une rivière gelée bordant un petit village de l’ouest du pays, un groupe de jeunes gens complotent une fantastique randonnée initiatique, qui doit les conduire en patins d’Amsterdam à La-Haye. Un voyage dans la Hollande traditionnelle, qui emprunte les canaux figés par la saison et qui déroule les paysages et la culture d’une province d’Europe où, dit-on, les loisirs de la glisse furent inventés au début de notre ère.
Ce soir-là, sur leurs lames de bois qui peinent à remplir leur rôle, Hans et Gretel Brinker entendent parler d’une grande course populaire à l’issue de laquelle, le gagnant recevra une paire de patins d’argent...
LES PATINS D'ARGENTCOUVERTURE DES "PATINS D'ARGENT" DANS LA COLLECTION ROUGE ET OR

Les patins d’argent (extraits)
Traduit de M. M. Dodge par P.-J. Stahl
Il y aura tantôt vingt ans que par une belle matinée de décembre, deux enfants, un jeune garçon et une jeune fille moins âgée encore que lui, pauvrement vêtus tous les deux, étaient assis l’un devant l’autre sur les bords d’un canal gelé de la Hollande, et semblaient occupés d’une besogne qui n’allait pas toute seule.
Le soleil n’avait pas encore paru, mais les confins de l’horizon se teignait déjà des lueurs pourpres du jour naissant. C’était l’heure, pour la plupart des bons Hollandais d’un paisible repos ; le digne et vieux Mynheer Van Stoppelnoze lui-même sommeillait encore.
De temps en temps une agile et svelte paysanne, portant un panier bien équilibré sur sa tête, arrivait effleurant à peine la surface polie du canal. Un gros garçon en patins courait à son travail et échangeait avec elle, en glissant, un bonjour sympathique.
La jeune fille et le jeune garçon, s’évertuaient toujours à attacher sous leurs pieds un instrument bizarre. Ce n’était certainement pas ce qu’on peut appeler des patins, mais c’était quelque chose d’informe destiné à en tenir
lieu : car à quoi pouvaient servir deux grossiers morceaux de bois dur, dont les dessous amincis en forme de lames étaient percés de trous à travers lesquels passaient des cordons de cuir destinés à les fixer autour des pieds, sinon à faire glisser tant bien que mal des pieds sur la glace. (...)
(...) L’heure fixée pour la fameuse expédition sur la glace avait sonné. Les camarades de Peter, fidèles au rendez-vous, étaient réunis sur le canal. “Sommes-nous prêts, tous les patins sont-ils bouclés, êtes-vous équipés au complet ?” s’écria le jeune capitaine. (...)
(...) “Otez les patins, dit Peter, voici le musée. Il ne sera pas dit que les Hollandais auront passé devant la Ronde de nuit, de Rembrandt, sans la faire connaître à leur hôte (...)
M. M. Dodge

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