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La vie française d'une maman anglaise, selon Eliza

Publié le 09 décembre 2009 par Theclelescinqt

Lilith, de John Collier, 1892

Cette fois-ci mon Géographique parent est une maman anglaise, et surtout une femme qui tient un blog sensible et parfois coquin, tout en restant dans une certaine classe so british, pour évoquer des thèmes pas si faciles à aborder de manière sereine, comme l'adultère, l'érosion du couple, la réflexion autour de la fin d'un mariage, les relations humaines en France, le mensonge, la sexualité,...

Mais Eliza est aussi une maman plutôt classique, munie de lunettes à double foyer pour nous voir tels que nous sommes, avec nos défauts de français (le pire c'est que je suis plutôt d'accord sur la plupart de ses impressions, ce que je trouve réjouissant : ainsi, je n'ai pas rêvé la société dans laquelle je vis comme un repère de gens souvent froids, assez repliés, formels et peu doués dans les relations amicales. Eliza le dit en quelque sorte aussi. Ca doit être pour ça que mes meilleurs amis sont étrangers, pour beaucoup !)

La vie française d'une maman anglaise, selon Eliza

Eliza, tu es anglaise, tu vis en France depuis de nombreuses années et es mariée avec un français (euh, peut-on encore dire ça comme ça ? )Tu as beaucoup raconté sur ton blog tes premières impressions quand tu es arrivée en France jeune fille. J'aimerais savoir ce qui, en tant que maman, t'a le plus étonnée ici. Quelles sont les habitudes vraiment différentes ? 

Je viens du nord de l’Angleterre, mais j’ai passé plusieurs années de mon enfance en Australie, donc je me considère comme originaire des deux pays.  Oui, je suis toujours mariée à mon époux français !

Ce qui m'a le plus étonnée :
1.    L’allaitement
Quand mon fils est né en région parisienne en 1994, j’ai été choquée par le manque de soutien, à la maternité, pour mon désir de l’allaiter. Je comptais lui donner la meilleure alimentation qui soit, pour son bien, mais aussi je voulais de tout cœur créer un lien affectif entre nous en lui donnant ce que personne d’autre ne pouvait lui donner à ma place. Hélas, accouchement difficile, bébé en couveuse pour difficultés respiratoires dans un bâtiment néonatalogie qui était bizarrement loin du bâtiment maternité ;  trois jours de séparation qui étaient un désastre pour nous, car il s’était habitué au biberon et ne savait pas téter au sein. Je l’ai vécu comme un échec total, et personne ne m’a conseillée. L’attitude des puéricultrices était « Vaudrait mieux continuer le biberon, car c’est plus facile ». Mes amies françaises redoutaient l’allaitement : c’est pas NATUREL ( ???), ça doit faire mal, ça va t’abîmer les seins… Chez nous c’est le « Breastapo » qui règne, et l’allaitement artificiel était très rare à l’époque.  Deux ans plus tard j’ai réussi à allaiter ma fille, à notre grand bonheur, mais ma belle-mère se faisait du souci en me demandant comment je pouvais être sûre que le bébé mangeait suffisamment…  Très frustrant comme expérience pour moi ! Je pense que les attitudes en France ont pourtant beaucoup changé depuis 15 ans.

2.    Un réseau pour jeunes mamans
J’ai souffert d’une réelle solitude en tant que jeune maman à la maison, en France, car toutes mes amies françaises travaillaient (grâce au système de crèches municipales abordables et de très bonne qualité). Mes parents étaient en Australie. Ma belle-mère n’habitait pas juste à côté. Dans les villages anglais on trouve facilement d’autres mamans avec leurs bébés grâce aux cours prénataux, et c’est la coutume de s’entraider dans les moments difficiles. Ces amitiés sont d’une importance inestimable.
3.    Les fêtes d’anniversaire
Mon mari et ma belle-mère ont toujours trouvé que je me donnais trop de mal à organiser les fêtes d’anniv des mes enfants. Ce n’était pas dans leurs habitudes. Par contre, les petits français invités chez nous ont  toujours adoré les décorations, les cadeaux, les plats fait maison, les jeux et les sorties que j’organisais. Néanmoins, je n’ai pas apprécié le fait que chaque année, il y ait eu toujours un ou deux invités qui ne répondaient même pas à notre invitation écrite envoyée deux semaines auparavant.. C’est quand même la moindre des politesses de signaler sa présence ou non à la maman qui prépare la fête ! Quand mes petits étaient invités aux fêtes des autres, quelquefois nous recevions l’invitation avec seulement deux ou trois jours de préavis, ce qui ne m’a pas laissé beaucoup de temps pour trouver un beau cadeau.
4.    Le sucre et la nourriture
Malgré ma propre gourmandise et ma passion pour la cuisine française, j’ai voulu bien démarrer la santé de mes enfants en évitant de leur donner trop d'aliments sucrés et jamais de boissons sucrées, seulement de l’eau.  Pour le quatre heures on mangeait plutôt des crackers ou du pain avec du fromage et des fruits crus. Quand ils étaient invités chez les amis français ou ma belle-mère, on leur donnait des gâteaux sucrés, des tartines de Nutella, des bonbons et de l’eau parfumée au sirop. Leur Mamie met du sucre sur les fraises même en été, ce que je trouve dommage ! Je ne comprenais pas cette obsession française pour le sucre ! A la maison on ne boit que de l’eau ou du vin à table, et c’est une vraie tristesse pour moi de voir quelques jeunes français boire du Coca au repas, ce qui ne relève absolument pas des bonnes traditions culinaires de ce grand pays.
Ceci dit, les enfants français mangent beaucoup plus de crudités et de salades que nos amis anglo-saxons, et je pense que les français apprennent dès très jeune à apprécier les saveurs des aliments simples. Les petits pots pour bébé en Angleterre sont des mélanges fades de plusieurs légumes mixés, qui ne permettent pas de distinguer la saveur de chaque légume individuel comme on trouve dans les petits pots en France..
5.    La courtoisie
J’aime beaucoup la coutume de la bise en France et le fait qu’on apprend aux enfants à saluer chaque membre de la compagnie quand on arrive chez quelqu’un.  Souvent en Angleterre quand on arrive chez quelqu’un, les adultes se saluent mais ils permettent aux enfants de partir tout de suite dans le jardin ou à la recherche de jouets sans même dire bonjour aux autres.
Par contre, une chose m’a souvent gênée en France quand j’invitais des camarades de mes enfants à jouer chez nous un mercredi après-midi. Même pour un simple goûter, sans le but de fêter un événement quelconque, l’enfant arrivait avec un bouquet de fleurs ou une boîte de chocolats pour moi ! C’est un geste extrêmement gentil, bien sûr, mais gênant pour moi. Souvent mes enfants étaient invités chez ce même  petit dès le mercredi suivant, comme si la maman tenait ça comme une obligation ou un service qu’elle devait me rendre.  Je pense que les « Playdates » chez les Anglo-saxons se déroulent avec moins de formalité.
6.    Les vêtements
Je plaignais les petits français, sur l’aire de jeu, qui n’avaient pas le droit de se salir ! Chez nous le jeu est primordial, et l’élégance vestimentaire pour les enfants n’existe guère !

Que peux-tu nous dire ce que tu penses de l'éducation que tu as reçue et de l'éducation "à l'anglaise"  de manière générale, alors que tu es mariée et maman de deux enfants ? Qu'est-ce qui te semble vraiment caractéristique de la vie parentale en Grande-Bretagne, par rapport à la France ?

J’ai reçu une éducation classique et traditionnelle où on était obligé d’apprendre par cœur l’orthographe, la grammaire et les mathématiques. La présentation de notre travail écrit était très importante, mais on passait beaucoup de temps également à faire des travaux manuels et à rédiger nos propres histoires, donc on pouvait s’épanouir sur le plan créatif.  Vingt ans plus tard j’ai remarqué que les anglo-saxons avaient abandonné ces bonnes vieilles méthodes, en faveur de laisser les enfants « s’exprimer librement ».  Résultat : j’ai travaillé avec de jeunes anglais pourtant diplômés universitaires qui étaient incapables de rédiger un document lisible, avec une présentation soignée et une orthographe correcte. Je suis donc très contente de l’éducation « à l’ancienne » que reçoivent mes enfants en France, même si je la trouve beaucoup plus dure. J’ai pourtant deux ou trois réserves :
(1) Le temps investi à apprendre des choses par cœur limite leur créativité. Au collège mes enfants étaient obligés de faire énormément de devoirs, ce qui était fatigant pour eux et pour nous. Déjà la journée scolaire en France est beaucoup plus longue (à l’école primaire en Australie j’avais moins de vacances, mais une journée abordable de 9h00 à 15h00, du lundi au vendredi, et donc un rythme d’études plus soutenu).  Nous, on travaillait à l’école et on se reposait à la maison, ce que je trouve normal !
(2) Je trouve dommage que les enfants soient obligés de choisir un cursus professionnel si jeune (mon fils de 15 ans est en Troisième au lycée). Ensuite, s’ils se trompent, ce sera dur de changer. Les diplômes sont primordiaux dans la société française, et je crains qu’il y ait moins de chances de réussir dans un métier pour un enfant qui ne correspondrait pas aux normes françaises et ceci dès très jeune. Chez nous il y a plus de souplesse et c’est plus facile de changer de filière.
(3) Les petits français apprennent à écrire en attaché beaucoup plus tôt que nous, et c’est dommage, car ils n’ont pas vraiment le temps de développer leur propre style graphique. Du coup, la plupart des adultes français que je connais ont une écriture de style identique et très immature. Les petits anglais apprennent à lire d’abord, et passent moins de temps en écriture et à apprendre la grammaire.
Quand j’étais à l’école c’était un choix personnel d’étudier la musique ou les arts plastiques, c’est-à-dire que ce sont des matières en option. Donc j’ai été surprise que mes enfants soient obligés de les apprendre en France. Dommage pour mon fils qui n’a aucun don pour la musique et qui a donc souffert de mauvaises notes dans un domaine qui n’a pas d’intérêt ou d’utilité pour lui.
Ce qui est vraiment caractéristique de la vie parentale en France est que les parents sont obligés d’investir beaucoup de temps à surveiller ou à revoir les devoirs de leurs enfants, et ceci peut-être aux dépens des autres activités. Je trouve que les parents anglo-saxons s’investissent plus dans les sorties sportives le week-end, et se portent plus facilement volontaires pour organiser les kermesses, etc. Il y a peut-être plus l’esprit communautaire chez les anglais. Quand je suis arrivée en France le Téléthon n’existait pas encore, et la plupart des jeunes français n’avaient jamais entendu parler de Bob Geldof et son concert global Live Aid. Je ne comprenais pas : cet événement caritatif international avait été pourtant transmis en direct à la télévision dans soixante pays, mais pas en France. Pourquoi pas ?

Que te manque-t-il, ou que te manquait-il, quand tes enfants étaient petits,  dans la région de France où tu vivais? Ou au contraire que sais-tu avoir ici que la Grande-Bretagne ne pourrait t'offrir?

Vivre près de la plage me manque !
Il y quinze ans, quand mon fils était bébé, il manquait terriblement d’installations dans les villes françaises  pour les femmes enceintes, les mamans allaitantes et les enfants en bas âge. Changer la couche, manœuvrer la poussette dans les transports, donner le sein en public et trouver des toilettes propres relevaient de la gageure ! Mais je vois que les choses se sont beaucoup améliorées pour les jeunes mamans actuelles.
Sinon, nous avons eu une meilleure vie en France qu’en Grande-Bretagne en ce qui concerne la sécurité sociale, les assurances maladie et toutes les structures d’accueil pour enfants (crèche municipale, centre aéré, voyages de découverte par l’école, village de vacances par le comité d’entreprise). En France j’ai pu m’occuper de mes enfants pendant six ans de congés parentaux avant de reprendre le travail. J’ai pu retravailler grâce aux prix abordables de la nourrice et de la garde périscolaire.  En Angleterre ou en Australie je ne sais pas si j’aurais pu payer une nourrice afin de pouvoir retravailler moi-même.

Qu'est-ce qui serait très mal vu en Grande-Bretagne  en terme de parentalité ou d'éducation? Qu'as-tu ou qu'avais-tu du mal à supporter ou à accepter?

Je crains que beaucoup de parents anglais laissent trop de liberté à leurs très jeunes enfants et ils leur offrent un téléphone portable en guise de babysitter, c’est-à-dire qu’ils laissent les petits sans surveillance car ils peuvent théoriquement joindre leurs parents en cas d’urgence. Ces parents oublient que le portable peut rester éteint, ou tomber en panne…
Il y a eu récemment une vraie polémique autour de l’américanisation de la société anglaise, surtout cette préoccupation des très jeunes filles à vouloir ressembler à des poupées Barbie, et une tendance dérangeante des parents qui permettent à leurs filles de se maquiller très jeunes, de s’habiller comme des traînées, et même leur paient des interventions de chirurgie esthétique (notamment des prothèses mammaires). Il y a toute une génération de jeunes qui détestent leur corps et veulent devenir femmes sans passer par l’étape « enfant », et la Grande Bretagne connaît le taux de mineures enceintes le plus élevé d’Europe.  Ils ont besoin d’améliorer d’urgence l’éducation sexuelle là-bas, et à la maison et dans les écoles.

Quel est ton petit monde du travail "d'origine" et comment concilies-tu (as-tu concilié)  vie privée et vie professionnelle? (études, et où, métier, expérience professionnelle, situation actuelle, projet, envies professionnelles ou le contraire,... Et en Grande-Bretagne, comment font souvent les femmes, les parents je veux dire, pour s'organiser?

J’ai été enseignante d’anglais en arrivant en France, et ensuite traductrice/interprète. Comme beaucoup de jeunes mamans, j’avais du mal à concilier vie privée et vie professionnelle, donc j’ai été bien contente de pouvoir rester à la maison avec mes enfants pendant six ans. Ensuite j’ai travaillé (grâce au système de crèches françaises abordables et de très bonne qualité) comme secrétaire trilingue pendant neuf ans. C’était  un travail avec tous les avantages pour une maman : des horaires souples (le mercredi de libre) et géographiquement près de ma maison et de l’école de mes enfants. C’était un travail  qui me permettait de payer les voyages et les petits luxes de la vie, mais qui ne me passionnait pas.  Cette année je me suis relancée dans la traduction, qui est ma vraie passion, et qui est encore plus gérable au niveau de la vie de  famille car je travaille à domicile.
En Grande-Bretagne et en Australie, les parents doivent payer très cher pour faire garder leurs enfants et donc beaucoup de mamans ne s’épanouissent pas professionnellement, car elles n’en ont pas les moyens. L’Internet ne se trouvait pas en usage commun  il y a vingt ans, donc il y a quand même de plus en plus de mamans aujourd’hui qui peuvent travailler à la maison, ou qui peuvent profiter du « Flexitime » -  des horaires flexibles -  afin de jongler entre enfants et boulot.
Les anglo-saxons restent moins attachés à leur « pays » ou ville d’origine que les français, et ils ont ainsi moins de famille autour d’eux pour donner un coup de main, d’où le besoin de se faire beaucoup d’amis. Quand nous habitions en appartement en Ile-de-France,  je trouvais ça triste que les voisins ne se présentent pas, et ne nous invitent pas à boire un verre de temps en temps. J’ai l’impression que beaucoup de français vivent pour la plupart dans un certain isolement, avec un tout petit cercle d’amis.

Pourrais-tu nous faire partager quelque chose de là-bas ? Par exemple, quels sont les prénoms à la mode en ce moment en Grande-Bretagne, cite-nous une ou deux personnalités, quel est le sujet actuel dont on parle le plus, quelle image a la France en ce moment dans ce pays, qu'est-ce qui serait pour toi emblématique de ce pays ou ta ville, un film, un plat, une chanson, un monument, un paysage, ...?

La mode des prénoms pour bébés est revenue vers les prénoms traditionnels tels Olivia, Grace et Sophie pour les filles ;  Jack, Thomas et Joshua pour les garçons.  A une époque les jeunes parents ont choisi des prénoms de vedettes de la télé ou de héros sportifs, donc il existe des enfants qui s’appellent Kylie, Keira, Britney et Beckham. Une autre mode récente était de nommer son enfant d’après l’endroit où il a été conçu ! D’où les Brooklyn, Paris, Sydney, Bronx, India et Chelsea.
Les personnalités : les jeunes princes William et Harry font toujours parler d’eux. Hélas, tous les personnages médiocres dépourvus de talent mais qui participent aux émissions de télé-réalité préoccupent la population avec leurs frasques.
Mes amies anglaises sont très préoccupées par les problèmes de violence dans les écoles et les grandes villes, et aussi par le désir de ramener les soldats anglais de l’Afghanistan.
Hélas, l’image récente de la France a été bien endommagée par Thierry Henry et sa main gauche ! Sinon de manière générale, les anglais envient aux français leurs vins, leur cuisine, la mode et le climat.
Des produits anglais : Marmite, sloe gin (gin aux prunelles), marmelade aux oranges amères, chips de panais, Devon Clotted Cream, Worcestershire Sauce

Peux-tu nous raconter une anecdote vécue qui illustrerait bien la relation qui te relie à ton pays? (ou la perception que tu y as de la parentalité?)

Presque tous les jours en France il se passe quelque chose qui souligne fortement mes racines, mes habitudes et ma rectitude profondément britanniques dont je n’arrive pas à me débarrasser, malgré mes bonnes intentions… Au supermarché, à La Poste, chez le boucher, et partout où je dois faire la queue, les pauvre petits français mal éduqués me rendent folle de rage avec leur incapacité physique absolue à faire la queue CORRECTEMENT ! Ca veut dire qu’on  laisse un peu de place pour chacun et on essaie de ne pas frôler son voisin avec son sac à main ni de tousser directement dans ses cheveux, et si une autre caisse s’ouvre à côté, on ne court pas pour y arriver avant les clients qui étaient devant nous dans la première file d’attente… Je sais que je suis terriblement ridicule, mais c’est plus fort que moi !

Aurais-tu un message à faire passer?

Faites de vos voisins des amis. Soyez un peu plus ouverts aux nouveaux arrivants dans votre village, et un peu plus souples et moins formels quand vous êtes invités chez moi… on se détendra à merveille, et en revanche, moi j’essaierai de faire la queue à la française !

Ma chère Eliza, je suis d'accord sur toute la ligne ! Mille mercis, à ton prochain post, et voici pour la route un nouveau mot so french à te répéter en mantra la prochaine fois que tu iras faire les courses : foncedanlta. Essaie et tu verras!

An English Athlete Shows off His Patriotic Underwear


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