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Le Ruban blanc, chef d'oeuvre ?

Publié le 19 décembre 2009 par Jlk

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Notes panoptiques, décembre 2009
On use un peu facilement du terme de chef-d’œuvre, en notre période d’eaux basses artistiques et littéraires, et c’est à cette hauteur qu’un compère situe bel et bien Le Ruban blanc du réalisateur allemand Michael Hanecke, que je suis allé voir l’autre soir et dont je ne suis pas sorti avec une impression si marquante. C’est assurément un très beau film, d’une grande rigueur esthétique et dont l’observation, aux marges de la vie ordinaire d’une communauté paysanne, pose des questions sur le Mal et ses multiples modulations, par delà les classes (bien marquées au demeurant) et les âges (c’est devenu un lieu commun de reconnaître que la perversité n’attend pas le nombre des années), mais pas un instant je n’ai eu le sentiment, compte non tenu de sa tenue formelle à tous égards, d’être pris à la gorge et aux tripes comme à découvrir Fanny et Alexandre (s’agissant notamment des rigueurs du puritanisme du père pasteur) d’Ingmar Bergman, ou Scènes de chasse en Bavière de Peter Fleischmann, pour ce qui touche à la culpabilité collective. Si ces deux derniers films ne sont peut-être pas des chefs-d’œuvre ab-so-lus non plus, comme on dit, ils me semblent marqués par un souffle et un « feu » qui manque au Ruban blanc, et qu’on trouve en revanche de part en part dans ce qu’on peut dire un chef-d’œuvre, tel Ikiru (Vivre) d'Akira Kurosawa, entre tant d'autres.
Flannery.gifJ’ai repensé à ce qui me manque dans Le Ruban blanc, en achevant la (re) lecture de La Sagesse dans le sang de Flannery O’Connor, dont je ne dirai pas que c’est LE chef-d’œuvre de la géniale nouvelliste du Deep South américain (il me semble que son œuvre entière constitue son chef-d’œuvre, où s’incorpore sa correspondance) mais ce roman est imprégné, de sa première à sa dernière page, d’une sorte de fureur sacrée empruntant les multiples aspects du blasphème et du grotesque, de la cruauté et du comique, de la démence mystique et des obscurités de la « volonté divine ». Rien n’a été écrit de plus fort sur le délire puritain et la face sombre du fondamentalisme « positif » ou « négatif », sans que l’auteur ne donne jamais dans la thèse ou l’apologue.
Bien entendu, il serait sûrement plus pertinent de comparer ce qui peut l’être, en rapprochant alors Hanecke d’un Bresson, mais pour en revenir à la notion de chef-d’œuvre, qui désigne à mes yeux une œuvre-somme, marquant la cristallisation parfaite d’un ouvrage d’art et de pensée, je doute que Le ruban blanc fasse vraiment date avec ses multiples ambigüités, hésitations, conclusions hâtives ou dilatoires, qui n’éclaire vraiment ni les protagonistes ni la communauté particulière, ni n’explique rien en matière de « culpabilité collective ». Ce qui ne revient pas, cela va sans dire,  à réduire à rien sa valeur artistique, tellement au-dessus de la flatteuse vacuité actuelle...


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