Magazine Humeur

Le Point de non Retour…

Publié le 14 janvier 2010 par Docteurho

Cette nuit j’ai dormi comme un bébé, peut être est ce l’effet du JIN ou cette béatitude qui me prend soudainement, et bizarrement alors que tout va mal et que rien ne semble s’arranger…C’est comme si c’était une ivresse pareille à celle de l’overdose, le point de non retour…Cette forme d’ébriété qui vous transporte sur un chemin sur lequel vous n’avez plus de choix à faire ni de tourments, là où il n’y a plus de peur, plus d’angoisses et tout semble parfait, puisque le pire est déjà passé…

Je me souviens qu’un jour, en lisant un papier anodin, celui où étaient emballés mes 50 centimes de pépites que j’allais délicieusement picorer dans le noir de la calle de cinéma, à regarder DILWALE DUHANIA LEJAYENGE, pour la soixante et onzième fois. J’avais lu, que pour mieux se motiver le matin, avant de partir au boulot pour se farcir les saloperies d’un trou de balle qu’on appelle « CHEF », il fallait simplement boire une grosse cuillère d’huile de foie de morue…Après rien de pire ne pouvait nous arriver !
Là je crois que je suis arrivé à ce stade où je sens que rien de pire que ce que j’ai déjà vécu ne peut bien m’arriver, puisque tout le beau monde que je me suis évertué à construire est tombé en un seul coup, celui que j’attendais que quelqu’un ait l’obligeance de porter à la brique magique qui tenait tout cet édifice droit malgré toutes ses imperfections. Non ! Je ne joue pas à la victime, ni ne suis entrain d’accuser quelqu’un de ce qui m’arrive, cela serait très facile à faire, et aucun mérite ne me reviendrait à bien le raconter, même si mes phrases se font encore plus belle que celles que j’ai déjà eu la chance de pouvoir écrire…Non, je ne suis pas une victime !
La fatalité qui régit la vie de l’Homme nait avec lui, et ce n’est que quand il se sent plus fort et enfin maître se des décisions, qu’il devient incapable d’en prendre, et finit par se heurter à sa vérité. Une vérité qu’il a passé des années à réfuter à coups de je ne sais quelle foi, quelles preuves scientifiques, ou autres bêtement naturelles. L’Homme est un singe !

Nous sommes tous les fidèles sujets d’un gourou, un timonier qui nous guide et nous mène par le bout du nez, sans qu’on ne prenne le temps d’analyser sa doctrine, nous qui prétendons tout pouvoir comprendre et juger, nous qui avons cette vanité naïve, qui nous fait croire à notre supériorité dès lors qu’on possède quelque chose, ou qu’on croit posséder quelqu’un, qui fait de nous des zombies, de piètres copies, infâmes et lugubres de l’autre ! Cet autre qui nous hante, cet autre qui nous jalouse, cet autre qui a plus ou moins réussi, qui a une maison, une belle femme ou un bal homme, une voiture et je ne sais quel type de télévision à écran plat ! Nous les humains, sommes une race perfide, ayant dépassé toutes les croyances possibles, par amour à la seule qui soit évidente et qui n’ait pas besoin de justifications, bien que tout le monde la réfute et la colore à son goût…L’envie !

Je n’ai plus envie de rien et je me sens plus libre que jamais, puisque mes envies m’emprisonnent, puisque mes envies font mes faiblesses, puisque mes envies font de moi un être tributaire d’un besoin qui n’est jamais assouvi sans qu’un autre prenne sa place et que je me retrouve à courir derrière une carotte, laquelle n’ira jamais dans le bon trou…Celui que je lui escompte !

Mon entreprise me met en inaptitude, et va certainement me priver de mon salaire, dès lors que j’ai crié ma douleur, que j’ai lancé une alarme quand à ma situation et à mes troubles psychiques. Le médecin du travail qui m’a vu ce matin, qui est mon amie en plus, m’a prié de me ressaisir et de ne pas me laisser sombrer. Elle m’a conjuré les larmes aux yeux de faire un effort, de chercher en moi et en mes souvenirs, ce qu’il faut de courage pour remonter la pente et redevenir cet homme gai et jovial qu’elle a connu. Elle m’a dit aussi qu’elle ne pourra rien pour moi tant que je ne chercherai à lui prouver que j’ai envie de m’en sortir.

Oui, je veux bien, elle est mon amie et ça me fait de la peine qu’elle souffre à cause de moi, mais je ne crois plus possible que je puisse lui donner un espoir, je ne crois plus que je sois capable de promettre quoi que ce soit à personne. Ma crédibilité vis-à-vis de moi-même d’abord en a pris un sale coup, le jour où je me suis rendu compte que je ne pouvais plus vivre sans elle.
Vous me croyez juste un amant capricieux, un amoureux fou qui dramatise sa rupture, mais je vous assure que ceci est une vérité. Elle est le synonyme de toute la beauté et de toute la vérité que j’ai pu croiser durant mes 32 ans passés. Lorsqu’elle m’a quitté et qu’elle s’est acharnée contre moi à coups de tribunaux et de dommages et intérêts, j’ai cru détenir des prétextes pour l’oublier, pour lui vouer un semblant de haine qui puisse me libérer de cette dépendance, née en mon cœur depuis le jour où j’ai croisé son chemin. Mais je n’ai pas pu…Je n’ai jamais pu lui porter quelque chose de plus qu’une adoration Incommensurable et intarissable! Elle me signifie plus que la femme qu’elle m’était…Elle est le seul échec que je n’ai pas pu supporter, que je ne supporterai pas!

J’ai essayé de voir le bon coté des choses, comme je l’ai toujours fait. J’ai essayé de croire à un possible bonheur dans la rupture et la scission, comme quand on sépare le nouveau né de sa mère en coupant le cordon ombilical, en un geste qui signifie l’abandon partiel du lien corporel, mais la continuité de celui du cœur et de l’âme…Ma mère !!

Ma mère est une montagne, la plus haute que j’ai jamais connue, la plus dangereuse aussi, puisque mes rapports, avec elle, ont été mes premières références de ce monde, et mes seules. Elle m’a appris à son insu, à faire l’autruche, à enfouir ma tête dans le sable devant tout adversaire. Elle m’obligeait à supporter les niaiseries de mes copains de classe tous jaloux de mes résultats, et qui me tabassaient à la sortie, m’empêchaient de prendre mon bus à temps, transformaient mon cartable en ballon…Elle m’a toujours interdit de me bagarrer, mais elle n’a jamais pris le soin de me défendre, même quand elle savait que j’étais victime des agressions de mon premier bourreau, mon oncle, qui ne voulait pas que je joue, qui n’aimait pas me voir jouer… « Travaille ! » qu’il me disait… Je ne leur en veux pas, puisque je les comprends, je les aime en plus.

Je me souviens de cette époque, comme si c’était hier, car j’ai une mémoire qui ne lâche rien, une sorte de registre qui consigne chaque détail de ce que j’ai vécu, comme pour m’empêcher de faire les mêmes erreurs avec mes enfants si j’en ai un jour. Lorsque je pense à mon enfance, celle où je devais me couper les cheveux comme un militaire, parce que mon oncle n’aimait pas la coupe italienne, et qu’il voulait que je sois un homme, comme il le disait, me viennent des images très douloureuses, de Mehdi, Aziz et Anouar, tous les trois fils de bourgeois, comme la plus part des gars avec qui j’étais au collège OUED EDDAHAB, qui comptait les fils des riches familles de Kenitra. Ma mère tenait à ce que je fasse mes études là bas, pour m’éloigner de l’ambiance des quartiers populaires, pour me faire à une image qu’elle ne pouvait pas m’offrir financièrement, mais juste en apparence. Sauf que quand tu vas dans un établissement pareil, où les garçons portent des espadrilles valant la moitié de la pension alimentaire que verse l’Etat à ta mère, depuis que ton papa est décédé au SAHARA, tu dois vraiment avoir une bonne stratégie pour refouler tes envies d’enfant, ta jalousie et porter tes semelles à 30 DH la paire avec l’illusion qu’il faut pour croire qu’elles sont signée d’une griffe particulière, celle de ton courage et ton abnégation. Abnégation forcée par ton désir de ne pas voir ta mère pointée des doigts par une famille paternelle qui l’attend au détour, pour l’accuser de ton échec et ta déchéance. Je ne vous cache pas que ces quelques lignes m’ont vraiment déchiré le cœur avant de sortir de mes entrailles, car quand je me souviens de cela, je me demande à quoi bon faut-il que je prie, et que je sois un homme pieu. Pourquoi est ce qu’Allah m’a tout pris avec une telle violence et ne m’a rien donné en échange ? Allah n’existe pas !
Cet esprit cartésien a été, pendant un long moment, ma seule religion, car je n’avais rien que je ne forçais de mon propre bras, chétif mais capable de me porter des fruits à la hauteur de mes ambitions. J’étais le mec le plus paumé de la classe, habillé, coiffé et chaussé n’importe comment, mais j’étais le premier de la classe, le premier du collège après. Mon statut d’élève brillant, m’a toujours valu le bonheur que ne voulait pas m’offrir ma mère, car il était superflu pour elle. Les excursions, les activités para scolaires, les arts martiaux, tout était superflu pour ma mère qui continuait à me promettre le vélo de mes rêves à chaque fois, pour un objectif qu’elle croyait difficile pour moi, mais je l’atteignais sans pour autant avoir la récompense promise !

En Janvier 89, le collège a décidé de faire une excursion à IFRANE, le voyage coutait 100 DH, et pour moi, c’était hors de question d’en rêver même, car je savais que ma mère n’accepterait jamais de débourser une somme pareille pour que son gosse aille jouer dans la neige, encore fût-il plus sage, plus brillant, plus obéissant qu’il ne l’était. Je ne me suis même pas donné la peine de consulter le tableau d’affichage où était faite l’annonce de cette escapade, cela ne me disait rien ! Il était 7H45 et je devais aller dans ma rangée pour être dans la première ligne, comme toujours, c’était le plus important. En classe, j’ai vite oublié IFRANE et je me suis plongé dans les lignes de mon contrôle de maths. Il était de coutume que celui qui finissait de répondre, devait quitter la salle, donc après moins d’une heure, je déposai ma copie, et m’en suis allé dehors, en direction du terrain de sport, où j’aimais passer mes heures creuses à m’exercer aux techniques de karaté que je passais une bonne partie de la nuit à apprendre du regard, dans le livre que j’avais emprunté à Ahmed, mon meilleur ami. En traversant la cour, j’ai posé mon regard sur le tableau d’affichage qui était enveloppé d’un tissu vert, semblable à celui couvre les tables de billard. Je n’ai pas réfléchi deux fois, avant de me diriger droit sur la seule feuille qui y était épinglée, et de lire l’annonce de l’excursion. Lorsque je fus à la hauteur du papier, je n’ai pas eu besoin de trop jouer des yeux pour voir un détail qui allait tout changer à cette histoire. Il y avait un NOTA BENE qui stipulait ce qui suit : « La direction réserve quatre places, aux élèves majors des quatre niveaux ». Cela voulait dire que j’avais une chance d’y aller, finalement à Ifrane. Je suis allé faire mon Bruce Lee, et pendant que je singeais le petit dragon, je ne pensais qu’à une seule chose : Je devais être le Major des premières années, le premier sur 13 classes !

Le jour où je suis rentré à la maison, avec mon bulletin et le ticket de l’excursion, gagné au fruit de mon labeur, ma mère ne s’est pas trop creusé les méninges pour imaginer un truc à même de me féliciter à ma juste valeur, mais s’est contentée de me rappeler que c’est l’argent qu’elle a dépensé pour mon école primaire, privée, qui me valait ce que j’avais atteint ! Cette phrase était toujours le Véto que sortait ma génitrice pour calmer mes ardeurs, et me prouver que sans elle je n’étais rien. Je sais, maman, sans toi je ne serais jamais rien, je n’aurais été rien, je te dois tout, je ne suis pas ingrat, sauf que trop me le dire m’efface, annihile mon moi, supprime mon être…Tu m’as brisé maman, mais je t’aime comme je t’ai toujours aimé, comme je l’aime elle qui me brise aujourd’hui !


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine