Invariablement, je suis devenue plus réticente à donner à tout un chacun. Je pourrais même dire que je suis devenue pas mal égoïste avec le temps, ce qui me déplais, mais qui fût nécessaire. Maintenant, je donne à qui je choisis bien de donner, et non à tout un chacun. Je choisis peut-être pas toujours les bonnes personnes, ça, j’en conviens, mais bon, il faut bien laisser place à l’erreur.
Dans ces choix, récemment, j’ai donné plusieurs dons pour Haïti. Leur situation abominable me touche au plus haut point. Je ne peux concevoir que la Vie, la Nature ou même Dieu, s’acharne ainsi sur ce peuple qui déjà manque de tout… Oui, ça vient me chercher, comme dans le cas du tsunami, auquel j’ai donné aussi, et tant d’autres événements catastrophique. Juste depuis une semaine, j’ai donné plus de 50$ à diverses levées de fonds pour Haïti, en me disant qu’il fallait que je fasse ma part. En fait, je considère que tout les être humains en mesure de le faire devraient aider ceux qui sont ainsi prisonniers d’un malheur hors de leur contrôle, mais on ne peut pas résonner la planète en entier, ce serait de l’utopie.
Dans ma petite et personnelle utopie, je réfléchissais à ces pauvres gens, pour savoir quoi faire de plus, quand je croisai un sans-abri couché sur le sol. Couché ainsi, sur le béton froid de la rue Ste-Catherine. En fait, ça faisait déjà trois jours que je le voyais là, sans lui donner un seul sous, ou pire, sans même reconnaître le fait qu’il était tout autant dans le besoin que les Haïtiens. Je m’en suis voulu, mais je n’avais aucune liquidité pour lui donner quoique ce soit à ce moment là. Je me promis donc de me reprendre le lendemain.
Rendu au fameux lendemain, je sors de ma station de métro pour me rendre compte qu’il n’était plus là. Une seule phrase se répétait dans mon esprit : Il ne suffit pas d’aider les gens au bout du monde, mais aussi d’aider les siens. Je suis restée avec cette pensée tout l’avant-midi, pour me rendre compte, après vérification de mon compte bancaire, que moi-même, j’étais plutôt mal prise. Qu’à cela ne tienne, je trouvai une solution (vive l’argent de plastique…), et toute heureuse, je me dirigeai au guichet automatique le sourire aux lèvres et aperçu un autre sans-abri dehors.
Celui-là, je le vois depuis quelques temps déjà. Il tient la porte au sortir des guichets de la caisse pop. Toujours poli, jamais arrogant ni menaçant. Un homme d’un certain âge, me rappelant mon père… Mon portefeuille encore en mains, je l’observai de l’intérieur. Ma phrase me revint en tête, comme un coup de massue. Étant contente d’avoir réglé temporairement mon problème monétaire, je ne réfléchis pas plus et entrai au McDo. Je commandai un trio Big Mac, remercia la jeune demoiselle et sortis dehors.
Je remis le sac contenant la nourriture au sans-abri, sans dire un mot. J’étais gênée, mais je ne savais pas trop pourquoi. Il m’observa avec des yeux grands comme ceux d’un enfant devant un cadeau.
''Wow….. Ben voyons donc, je ne peux pas accepter ça, mademoiselle!!! C’est beaucoup trop!!!'' me dit-il.
''Au moins ce soir, vous pourrez rester au chaud, le ventre plein'', lui répondis-je avec un sourire timide.
''Wow… Tu es bien gentille, j’en reviens pas!!! Merci, ahhh merci, milles fois!!!'' rétorqua-t-il.
''C’est vraiment rien, juste une envie d’aider mon prochain…Bonne soirée, prenez soin de vous…'' dis-je, en quittant doucement les lieux.
Et je continuai de l’entendre dire ''Wow, j’en reviens pas!!! WOW!!!'', mon sourire et mes larmes en simultané étant les seuls réels témoins de cette scène des plus touchantes. Aidez, c’est ça aussi… Faire du bien à quelqu’un, pour rien, juste parce que justement, ça fait du bien pour soi-même aussi, et ce, sans se sentir ni obligée, ni flouée par la suite.