Magazine Journal intime

Flûte de flûte !

Publié le 08 février 2010 par Papote

Fin du suspens insoutenable qui vous tient en haleine depuis vendredi matin...
Jeudi soir, je suis allée voir "La Flûte Enchantée" de Mozart au Grand Théâtre de Bordeaux.

Dernier opéra de Mozart, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un des opéras les plus connus au monde et les plus représentés.
Je l'avais vu jouer une première fois, adolescente, avec Fratribus Professorus, specialitus ascendantus maniacus ès Mozartus devantus l'Eternelus.

Alors, si je suis absolument persuadée que tout le monde (et j'ai bien dit "tout" le monde. Même P'tite Louloute du haut de ses 7 ans chantonne parfois au petit déjeuner. Si, si, elle chantonne parfois Mozart au P'tit Déj... ou Louise Attaque aussi... Ca dépend ! C'est pas le même genre !) connaît au moins un air de cet opéra (celui-ci, par exemple : ), je pense que peu connaissent le livret (l'histoire) mais comme je suis d'une extrême bonté, je vous en livre un résumé :
Tamino, jeune prince, arrive en terre inconnue et se fait attaquer par un serpent immense. Trois jeunes-femmes le sauvent. Ce sont les dames d'honneur de la Reine de la Nuit qui souhaite trouver une âme noble pour sauver sa fille, la princesse Pamina, enlevée par le machiavélique Sarastro, grand-prêtre d'Isis et d'Osiris.
Dans cette mission, elle lui adjoint les services de Papageno, oiseleur de son état et déjà aux ordres de la reine.
S'ils réussissent leur entreprise, le prince gagnera la main de la jeune fille.
Pour les protéger, la reine leur remet à chacun un objet magique : une flûte enchantée pour Tamino et des clochettes magiques pour Papageno.
Mais il s'avère que Sarastro n'a agi que pour soustraire la princesse Pamina à l'emprise néfaste de sa mère (qui en tant que Reine de la nuit entretient les gens sous sa coupe grâce aux rêves, aux chimères, aux superstitions alors que Sarastro représente la lumière solaire, la vérité, la réalité) car c'est un sage.
Le grand prêtre indique que Tamino et Pamina pourront être unis éternellement si Tamino et Papageno s'en montrent dignes en traversant trois épreuves.
Papageno est faible et faillit aux épreuves. Cependant son souhait le plus cher étant de trouver sa bien-aimée, une nouvelle épreuve lui est imposée : une vieille et laide femme lui apparaît et l'abjure de lui jurer une fidélité éternelle en échange de quoi il aura un bonheur éternel et parfait. Papageno est troublé car cette femme ne lui plaît vraiment pas mais il jure. La belle se démasque alors et se révèle être sa Papagena, idéale et parfaite mais elle ne pourra lui appartenir que lorsqu'il se sera montré digne d'elle et aura prouvé la réalité et la profondeur de son amour, ce qu'il fait, bien sûr.
Tamino triomphe seul de la première épreuve puis des deux autres avec l'aide de Pamina.
La Reine de la nuit et ses dames d'honneur, elles, disparaissent dans les entrailles de la terre après avoir été inondées de lumière solaire.

C'est donc une histoire qui relève énormément du parcours initiatique maçonnique et qui est servie par des personnages aussi improbables qu'oniriques (le grand prêtre d'Isis et d'Osiris, Papageno, etc). Une fable fantastique, quoi !

Vous comprendrez donc aisément que vue la photo de vendredi et vu ce que je viens de vous raconter du livret...
Bref...
Il y aurait comme un petit décalage, comme une espèce de distorsion spatio-dimensio-temporelle !
Voilà, voilà, voilà...
Un vieux et douloureux souvenir de Noces de Figaro (toujours dudit Mozart) en version gestapo qui s'est réveillé en moi...
Note à part : sur ce coup-là, Fratribus, à qui j'ai pris des places, ne me parlera plus jamais de sa vie... Ca fait un an que je ne vois que d'excellents et merveilleux spectacles au Grand Théâtre avec de belles mises en scène et, là, je lui prends des places et, crac, comme en 93, le truc à la con... Quoique, finalement, si on voit ça sous un autre angle, c'est de sa faute à lui car il n'y a que quand il y va que les mises en scène sont à se jeter en l'air donc c'est de sa faute et, du coup, c'est moi qui ne vais plus lui parler du tout... Ah mais !
C'est aussi pour ça que je ne pouvais pas vous en parler avant aujourd'hui car, lui y allait hier avec sa petite famille et que je sais qu'il lui arrive de lire mon blog ainsi que Rustine Adorée... - fin de la note à part

Bien, alors, donc, attaquons le coeur du sujet (et il y a à faire, croyez-moi !) !

Les artistes
Une Reine de la nuit (Sophie Desmars) sublime. Il paraît qu'elle a légèrement "accroché" au début de son air. Moi, perso, j'ai rien vu, rien entendu. J'avais des frissons à m'en faire décoller de mon siège et l'émotion au bord des yeux.
Puissante, belle, limpide et sans doute celle que la mise en scène a le moins desservi. Une espèce de Marylin déchue dans sa robe argent, avec sa perruque blond platine mais encore vibrante de l'orgueil royal, de la blessure maternelle et de la haine contre Sarastro.

Papageno (Florian Sempey). Bon, ben, déjà, c'est un baryton, donc il part avec des a-priori positifs de mon côté...
Mais, en toute objectivité, il m'a bluffée !
A la base, c'est un homme "oiseau" donc je l'ai toujours vu et imaginé plutôt petit, fin, mince et, là, c'est un grand gaillard (que j'aurais tout à fait vu en Mephisto de Faust), bien planté donc ça m'a surprise mais il a une telle voix, une telle présence que j'en ai oublié mes images d'Epinal.
Il semblerait qu'il soit encore en formation mais il est déjà superbe et si le papillon est à la hauteur du cocon, ça promet !!!

Sarastro (Brindley Sherratt), comme Papageno, béneficie sans aucun doute de mon goût pour les basses mais pas que...
Il y a basse et basse... Et, là, c'est de la basse de chez basse !
(vous aimez quand je suis aussi technique, précise et claire, hein ?)
Il a un timbre magnifique et velouté. Ca me fait penser à une tasse de café puissant mais doux.

Tamino (Etgaras Montvidas), Pamina (Nathalie Gaudefroy), Papagena (Natacha Kowalksi) et les autres sont biens (même si j'ai toujours un mal de chien avec les ténors) mais moins mémorables pour moi et puis, je ne vais pas vous faire toute la distribution sinon vous allez tous partir voir ailleurs...

La musique
Je vous refais le même que pour Sarastro ?
Il y a orchestre et orchestre... Et, là, c'est de l'orchestre de chez orchestre !
C'est l'ONBA ! A la limite, il n'y a rien à ajouter. En soi, ça se suffit !
On a un orchestre qui déchire tout par son immense qualité artistique et technique, des chefs talentueux... Voilà, quoi ! Après, j'ai l'impression de me répéter à chaque fois que je vous en parle...
Bon, je suis fan, je suis fan, un point c'est tout !

Les décors et les costumes
Oui, je sais que vous piaffiez d'impatience que j'aborde ce chapitre...
Je vous avoue que jeudi soir, j'aurais plutôt été partagée entre l'effondrement à l'idée d'avoir proposé ce spectacle à Fratribus et à d'autres gens que j'aime (et qui ne m'aimeront plus jamais après ça !) et la colère liée à la déception.
Le parti-pris de Laura Scozzi pour la mise en scène me déplaît, me déçoit et m'a gâché mon plaisir...
Il y a plein de gens, sans doute hautement qualifiés et bien plus connaisseurs ou à l'esprit plus moderne que moi qui vous diront que ça révolutionne Mozart, qu'on retrouve derrière ces pentes enneigées, ses marmottes en raquettes et jupe rose et ses bouquetins montés sur ski toute l'ironie et l'insolence mozartiennes...
J'avoue : je dois être limitée, bornée, béotienne mais, là, ça me débecte !
J'ai déjà vu des mises en scène modernes, contemporaines, revisitées qui servaient l'oeuvre quelle qu'elle soit, voire même la sublimaient et, là, j'applaudis des deux mains !

Bon, la Reine de la nuit sortant de boîte de nuit à moitié bourrée au champagne et les dames d'honneur swinguant en cuir noir, ça a un côté baroque qui peut le faire... Allons-y, soyons fous !
Le décor en dépliant publicitaire pour une station de sport d'hivers dans les années 50/60... C'est bizarre mais admettons !
Les bouquetins et autres marmottes à ski et en jupette de patineuse... Déjà... J'ai plus de mal à retrouver la féérie fantasmagorique originale.
Tamino arrivant chez Sarastro en téléphérique, les prêtres d'Isis et d'Osiris en pleine séance de remise en forme dans une espèce de centre de balnéothérapie avec des petites infirmières qui ne dépareraient pas dans un vieux James Bond... J'ai tendance à trouver ça indigeste, voire inepte.
Sarastro arrivant en TGV comme une star-people-blingbling sous les hourras, les crépitements des flash, la musique de la fanfare municipale et le défilé des majorettes... J'ai comme un début de gueule de bois et ça commence à sentir le ridicule.
Alors, que dire de Sarastro et de la Reine de la nuit qui finissent par partir ensemble en voyage dans le final ??? Je hurle à la lune !!!
Pour la salle, ça virait à la farce vaudevillesque. Ca éclatait de rire à tout bout de champ...
C'est bien, autant se faire plaisir !
Mais, n'empêche qu'à la fin, je voudrais savoir combien de personnes, qui ne connaissent pas bien cet opéra, ont vu le parcours initiatique, les oppositions symboliques jour/nuit, rêve/réalité, pour appréhender le message de Mozart qui est aussi de nous dire "le bonheur existe pour les gens courageux, forts et purs (Tamino et Pamina qui triomphent) mais on peut échouer, être faible et bourré de défauts, si on est un coeur sincère, le bonheur nous appartiendra aussi (Papageno). Le rêve est attirant mais la réalité apporte tout autant d'accomplissement si ce n'est plus car elle ne s'efface pas lorsque le jour revient.".
Je ne parle même pas de toute la symbolique franc-maçonne...

Alors, oui, je dois être une vieille bique réac mais pour moi, la mise en scène doit être un faire-valoir de l'oeuvre et non la dénaturer.
Il faut arrêter de, sous prétexte de faire du jamais vu, faire n'importe quoi !

Sur un autre plan, Papageno est un oiseleur, souvent représenté en homme-oiseau, or Mozart renforce cet aspect là des choses dans les paroles du personnage qui craint d'être plumé, rôti et jeté aux chiens par Sarastro, qui appelle Papagena, sa petite colombe, etc. Toute l'oeuvre est émaillée d'allusions de ce type. Sauf que, là, Papageno est en perfecto de cuir, santiag à la John Travolta dans "Grease" et qu'il ne rabat pas des oiseaux pour la Reine de la nuit mais des jeunes hommes. C'est idiot mais du coup, ces petites subtilités de langage deviennent inaccessibles et, je regrette mais, pour moi, ce sont aussi les petites subtilités qui font qu'une oeuvre peut prendre une dimension autre...

Pareil, quelqu'un pourra-t'il m'expliquer où se situe l'intérêt du couple de jeunes mariés pendant l'ouverture du premier acte et celle du deuxième acte ?
L'homme traite la femme comme un paillasson, une poupée désarticulée dans leur première apparition, puis la jeune épousée lui marche dessus dans la deuxième...
J'ai eu beau chercher, je n'y ai vu aucun rapport avec l'oeuvre (si ce n'est le sexisme mais il est mis en avant à d'autres moments), aucun intérêt visuel ou philosophique... J'ai dû louper quelque chose...

Dernier coup de gueule : Depuis quand on se permet de modifier les dialogues d'un livret (la Flûte est un opéra avec des passages parlés) ???
Je ne parle même plus des fautes d'orthographe et d'accords parce qu'à ce stade-là, j'ai la tension à 25. Comment voulez-vous espérer que les gens fassent moins de fautes si, même dans les temples de la culture, les sous-titres sont bourrés de fautes ???
Les "Dégage de là !", "On se croirait dans un numéro d'Architecture et Design !", "Classe, la baraque !" sont carrément insupportables ! On n'avait qu'à aussi rajouter des guitares électriques et une batterie, ça aurait fait plus moderne et puis cela aurait été original pour du Mozart !
Et si on avait demandé à Pascal Obispo de retravailler l'air de la Reine de la nuit, hein ? Ben, quoi, faut savoir dépoussiérer les vieux classiques pour les rendre accessibles !!!
Ce n'était pas une adaptation de la Flûte, bordel, c'était LA Flûte !
Et qu'on ne me dise pas que c'est pour que ça parle mieux aux jeunes générations parce que, si je me souviens bien, il y a toute une génération qui est tombée en pâmoison devant de Roméo + Juliette de Baz Luhrmann avec Léo di Caprio et le texte original de Shakespeare avait été respecté...
Alors, faudrait voir à arrêter de nous prendre pour des jambons de foire !

A bientôt !

La Papote

PS : Ca, c'est pour Dgirl !
Vendredi, je lui disais que j'avais aussi pensé à "La Mélodie du Bonheur" mais pas que... Ben, ça m'a terriblement fait penser à ça aussi :

9782203019164FS

Et si ce n'était pas aussi triste, ça m'en ferait rire...

EDITION DES TROIS-QUARTS DE LA JOURNEE

Fratribus et sa petite famille ont été dithyrambiques à propos du spectacle.
Pour Fratribus, la mise en scène est une analyse ô combien subtile du livret et, pour lui, le côté décalé, parfois assez poussé, permet une lecture très approfondie de l'histoire et de la symbolique, en leur permettant d'être mises en exergue et de retrouver toute leur force, sans le côté pompeux, sérieux, que certaines mises en scène peuvent avoir.
Pour lui, c'est avant-tout un opéra volontairement populaire qui ne répondait pas à une commande de cour et qui, dans cette création, retrouve sa véritable nature, avec l'humour et le côté un peu "opérette"...

Bon, ben, je suis passée à côté... en même temps, je n'ai pas la même vision du livret...


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