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Garde à vue au Maroc

Publié le 10 février 2010 par Docteurho

Garde à vue au Maroc

Je n’aurais pas pu traiter ce sujet avec autant de pertinence, si je n’avais pas vécu les affres d’une garde à vue au Maroc. S’il est vrai que le système pénitencier dans notre pays est connu pour ses écarts et toutes ses défaillances de fond comme de forme, personne jusque là ne s’est intéressé à la situation des gardés à vue, tant parce que la parallèle entre la geôle du commissariat de police et la cellule du complexe carcéral est facile, et que tout le monde se prête à croire que c’est la même chose, du moment que c’est une privation de liberté dans le processus judiciaire, donc, donnant accès à des droits et des obligations de rigueur, stipulés dans les textes de loi. Ce n’est pas vrai! Il existe une très grande différence entre les deux, juridiquement parlant, mais aussi dans le traitement des détenus sur le plan législatif  humain mais aussi humain.

Dans mon essai, « Récit de derrière les barreaux« , précédemment publié sur les colonnes de ce blog, j’ai raconté mon expérience de la garde à vue, un vécu qui m’aura appris beaucoup de leçons sur la réalité de la détention au Maroc, tant par la force des choses que par l’évidence du questionnement logique et légitime émis par plusieurs de mes amis lecteurs et amis tout court sur ce qui se passe là bas, derrière les barreaux.

Ce qui motive mon présent billet, est une discussion que j’ai eue avec un ami résident en Espagne, un ressortissant marocain ayant pu devenir membre des forces de polices là bas et qui m’a raconté, entre autres, comment se passaient ses journées de travail. Il m’a raconté, par exemple, que lorsqu’il arrêtait une personne, il en devenait le « tuteur » , et que la loi l’obligeait à subvenir à ses besoins en nourriture et en médicaments si le cas s’en présentait. C’est dire que sa mission était de garantir l’intégrité humaine de cette personne, jusqu’à ce qu’elle soit déférée devant la justice et ce durant tout la période de garde à vue, quitte à lui servir d’homme à tout faire.

Au Maroc, c’est tout à fait différent, une fois qu’une personne est arrêtée et placée en garde à vue, elle perd tous ses droits, et ne réponds plus que du zèle ou de la bonne foi des policiers qui s’occupent de la garde. C’est aussi simple que cela. Dès lors qu’un individu est appréhendé, comme si la bulle où il est mis ne relève d’aucune juridiction autre que celle de la police judiciaire qui le place en détention provisoire, il n’est plus pris en charge et doit donc subvenir à ses besoins par ses propres moyens quitte à user de sa force pour se nourrir par exemple, ou dépendre de la charité de ses camarades, voire de celle des geôliers qui n’hésitent pas, des fois, à nourrir leurs prisonniers à leurs risques et périls, quand ils n’ont pas de famille ou amis pour les entretenir.

La loi au Maroc ne prévoit aucune prise en charge alimentaire pendant les gardes à vues, et donc aucun budget de l’État n’est alloué à cette action, dans la mesure où l’article 66 du code de la procédure pénale ne définit pas le ou les instances responsables de ce faire.  Cette ambiguïté législative donne le choix aux officiers de la force publique, ces derniers s’abstiennent de donner à manger aux détenus pour ne pas se trouver responsables en cas de malaises ou d’intoxications et présentent cet argument comme un atout sécuritaire. Le ministère de l’intérieur, entité responsable, affirme que des efforts sont fournis pour fournir l’alimentation aux gardés à vue, du moins leur faciliter l’accès aux denrées qui leur sont acheminées de la part de leurs familles et ayant droit. Toutefois, ce n’est pas suffisant du point de vue de plusieurs observateurs qui insistent sur la nécessité de l’amendement des articles de loi de telles manière à ce que la prise en charge alimentaire en situation de garde à vue, soit intégrée dans le budget du ministère de tutelle et clairement assignée à la direction de la sureté nationale.

D’ici là, les détenus sans ressources et sans familles, peuvent toujours espérer compter sur une solidarité implicite des gens qui les entourent, sinon espérer une action de la société civile, comme ce que je fais régulièrement depuis que j’ai vécu la garde à vue de l’intérieur. Vous aussi, vous pouvez aider dans ce sens, tant que la loi n’a pas encore trouvé une solution tangible et que le besoin se fait ressentir avec pression.


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