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Nouvelles réflexions sur Foucault, la Politique et la Morale (2)

Publié le 15 février 2010 par Saucrates

Réflexion neuf ( 4 février 2010)
Normes, normalité, normaux et anormaux ...


« (...) On a donc un système qui est, je crois, exactement l'inverse de celui que l'on pouvait observer à propos des disciplines. Dans les disciplines, on partait d'une norme et c'est par rapport à ce dressage effectué par la norme que l'on pouvait ensuite distinguer le normal de l'anormal. Là, au contraire, on va avoir un repérage du normal et de l'anormal (...). On a donc là quelque chose qui part du normal et qui se sert de certaines distributions considérées, si vous voulez, comme plus normales que les autres, plus favorables en tout cas que les autres. Ce sont ces distributions-là qui vont servir de norme. La norme est un jeu à l'intérieur des normalités différentielles. C'est le normal qui est premier et c'est la norme qui s'en déduit, ou c'est à partir de cette étude des normalités que la norme se fixe et joue son rôle opératoire. » (Michel Foucault - «Sécurité, territoire, population» - page 65)


D'un côté, donc, une lecture de Michel Foucault sur les concepts de normalité et de normalisation. Cette idée que la norme n'est qu'une notion relative, mais au-delà de sa relativité, une opposition existant entre les systèmes disciplinaires et sécuritaires. « La normalisation disciplinaire consiste à poser d'abord un modèle, un modèle optimal qui est construit en fonction d'un certain résultat, et l'opération de normalisation disciplinaire consiste à essayer de rendre les gens, les gestes, les actes conformes à ce modèle, le normal étant précisément ce qui est capable de se conformer à cette norme et l'anormal, ce qui n'en est pas capable (...) » (Michel Foucault - «Sécurité, territoire, population» - page 59).
Deux visions compréhensibles et appréhendables de ce que peut être la normalité. La logique de la normalité disciplinaire ressemble au monde actuel du travail, mais également à celui du monde éducatif dans lequel nos enfants doivent se développer ... Le travailleur normal ou l'enfant normal étant celui  qui arrive à se conformer à ce que l'on attend de lui, au modèle du parfait employé ou du parfait écolier/collégien/lycéen que l'institution, et ses collègues ou condisciples, attendent de lui ... Avec cette particularité qui veut que chaque entreprise, chaque établissement scolaire, essaie d'avoir sa propre culture différente des autres entreprises ou établissements scolaires, qui le différenciera des autres, ce qui impose une culture particulière, maison à chacun de ses employés ou de ses élèves ...
L'entreprise ou l'établissement scolaire à visage humain, avec une culture propre valorisable aux yeux des personnes extérieures, n'est qu'une forme de normalité disciplinaire ...
Dans la vision de la normalité sécuritaire, la norme n'est plus uniquement qu'une moyenne gaussienne de la distribution aléatoire des comportements humains. Dans la normalité disciplinaire, on sent bien déjà que la norme n'est rien d'autre qu'une construction d'une entité : la société ... et qu'elle aurait tout aussi bien pu être autrement, différente, par exemple dans le cadre d'un autre système de production économique ... Dans la normalité sécuritaire, la norme n'est même plus une construction ; elle est simplement le résultat du hasard ... On est dans la moyenne ou on est hors de la moyenne ...
Loi normale, ou loi gaussienne : loi de distribution statistique qui permet de montrer qu'une variable se distribue aléatoirement autour de sa moyenne. On parle de loi normale lorsque l’on a affaire à une variable aléatoire continue dépendant d’un grand nombre de causes indépendantes dont les effets s’additionnent et dont aucune n’est prépondérante (conditions de Borel). Les 4% d'anormaux sont alors simplement ceux qui sont distribués aléatoirement à la distance la plus éloignée de la moyenne, par rapport à la moyenne.
Dans les deux cas, nous nous trouvons ainsi face à des définitions subjectives ou aléatoires de la normalité, et on découvre que l'on a simplement, chacun d'entre nous, une certaine probabilité d'être conforme à la norme, ou au contraire, déviant par rapport à la norme.
Une autre lecture d'un autre auteur, John Rawls, dans son livre «La justice comme équité», pose une définition des conditions qu'il estime nécessaire à l'existence d'une justice ...


« (...) Je qualifie d'idées fondamentales celles que nous utilisons pour organiser et donner une structure d'ensemble à la justice comme équité. L'idée la plus fondamentale de cette conception est celle de la société considérée comme un système équitable de coopération sociale à travers le temps, d'une génération à la suivante. Nous utilisons cette idée comme l'idée centrale organisatrice qui préside à notre tentative de développer une conception politique de la justice pour un régime démocratique.
Cette idée centrale est élaborée en conjonction avec deux idées fondamentales complémentaires : l'idée des citoyens (les agents qui sont engagés dans la coopération sociale) considérés comme libre et égaux, et l'idée d'une société bien ordonnée, c'est-à-dire une société effectivement régie par une conception publique de la justice. »
(John Rawls - «La justice comme équité» - page 23)


Vision idyllique de la société ... Mais l'humanité ressemble-t-elle à cela ? Les citoyens d'un état même démocratique, par exemple les français, répondent-ils à l'idée absolue de coopération sociale à travers le temps, entre générations, considérés comme libres et égaux, dans une société régie par une conception publique de la justice ? La normalité correspondrait alors à l'idée que les citoyens s'engagent dans un processus de coopération sociale, avec les autres et à travers le temps, vis-à-vis des générations suivantes ... Une conception non plus aléatoire ni même subjective de la normalité, mais une définition objective, absolue ...
D'un côté, une vision pessimiste, sombre, mais également opératoire de la société que je retrouve sous la plume de Michel Foucault ; de l'autre, une vision magnifiée, belle mais inopérante de la société que je découvre sous la plume de John Rawls ... 
  
Saucratès
Ecrits précédents sur la Politique et la Morale :
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/10/01/nouvelles-reflexions-sur-foucault-la-politique-et-la-morale.html
Morale et politique ...
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/12/23/morale-et-politique.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/03/22/morale-et-politique-deux.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/04/30/morale-et-politique-trois.html
Sur la politique ...
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/08/01/sur-la-politique.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/11/28/sur-la-politique-recapitulatif-deux.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/09/23/sur-la-politique.html
4. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/06/17/sur-la-politique-quatre.html
Sur la morale ...
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/01/sur-la-morale-un.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/08/21/sur-la-morale.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/02/17/sur-la-morale-trois.html
Sur la justice ...
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/09/01/sur-la-justice-redite.html
Sur le pouvoir ...
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/09/10/du-pouvoir.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/10/15/corruption-pouvoir-et-morale.html


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