Magazine Humeur

Ca tourne en rond

Publié le 15 mars 2010 par Dalyna

Hier, j’ai fait mon come-back dans l’isoloir. Mais je crois que mon exil temporaire m’a déconnectée du mécanisme, car le soir, lors des résultats, j’ai pensé jusqu’à 23 heures qu’Huchon était en tête. Ma soeur dissidente m’avait bien envoyé un sms plus tôt en disant « Ouaiiiiis, on a gagné !!! lol« . J’avais pris ça pour de l’ironie. Je l’ai appelé, je l’ai même chambré… « Bouuuuuh, Pécresse au placard !« … Jusqu’à 23 h 30 où une journaliste dit « Pécresse en tête« . Ké?? Sur le moment, j’ai cru mal comprendre, et puis 15 minutes plus tard, on se rend enfin compte qu’on a confondu les résultats nationaux avec ceux de l’IDF.

Un peu dégoûtée des résultats, même si je comprends aussi les abstentionnistes, vu que je peux l’être moi-même. Et puis, y’a Europe Ecologie qui va sans doute rééquilibrer les chiffres, donc je ne me fais pas de souci pour dimanche. En revanche, ce qui est très choquant est la montée du FN. Comme quoi, Besson et les fachos de l’UMP auront réussi leur pari.

Ca tourne en rond

On a beau dire, critiquer, les boeufs restent des boeufs, y’a rien à faire. J’entends à l’instant sur Europe 1 l’un de ces boeufs nous dire « Y’en a marre des minarets, etc. je ne reconnais plus la France » et de conclure, attention « Y’en a marre de ces hommes politiques carriéristes ! J’ai voulu faire un électrochoc« . Elle m’a fait sourire la pauvre dame. En France, quand t’es un rebelle, quand t’as envie de changer les choses, de bouger la classe politique, tu votes le FN. Yeah, ça c’est de l’activisme. Le Pen, pas carriériste pour un sou, humble serviteur qui ne parachute pas toute sa famille en politique, de Marine à  la minette de 12 ans et demi, ça, ça ne dérange pas. Le Pen, symbole de contre-pouvoir ? Il peut se féliciter d’avoir pu enfoncer une telle disquette dans la tête des gens. Réussir à passer pour le Saint sauveur…

Ca tourne en rond

20 %, 20 pour-cent ! … Putain de merde quoi. On se demande si la France ne mérite pas de l’élire tiens, histoire que ces emputés du cerveau se rendent compte de leur vote, et de leur conception de la France. Electrochoc ou pas. Peut-être qu’il faudra passer par là en France pour avancer ? Pour que les « vrais de vrais » de français dépassent leur fantasme du bon père de la patrie à la Adolf ? C’est à se demander, sérieux. Parce qu’à un moment donné, il faudra peut-être décider. La France fasciste ou la France progressiste. Le climat pourri commence à durer je trouve. J’ai regardé un soir un documentaire sur l’immigration musulmane en France diffusé sur France 5. Je renomme volontairement ce docu, qui s’appelait en réalité « Musulmans de France », le « de » me pose problème, on maintient à l’extérieur encore une fois. Ce ne sont pas des musulmans français, mais des musulmans « de » France, ça donne l’impression qu’ils ne font pas corps avec la France. On dirait des pièces rapportées. A la 3 ou 4 ème génération, cette appellation est problématique quand même. D’ailleurs, on observera que ce documentaire, d’intérêt public, est diffusé sur France 5, qui est une chaîne très peu regardée, car plutôt habituée aux programmes nature, animalier et tourisme. Ce qui prouve que l’on considère encore que cette Histoire ne concerne pas tous les français, et n’est pas assez fédératrice pour se retrouver en prime time sur France 2. En revanche, Marie Drucker animera un débat sur la rafle du Vel d’Hiv’ sur France 2 en prime time, la veille de la sortie du film dans lequel joue son cher et tendre Gad Elmaleh « La rafle ». La rafle du Vel d’hiv, fait donc partie de notre Histoire à tous, suffisamment en tout cas pour qu’on lui consacre un prime à la sortie d’un film, quand un siècle de présence musulmane en France, en pleine période d’Identité Nationale et Bessonneries « ne nous regarde pas » pour reprendre les inconnus. Je ne fais pas de concurrence des mémoires, la rafle, les camps, tout ça, je connais sur le bout des doigts et je pense d’ailleurs que rien ne sensibilise plus que de lire Primo Levi et son « Si c’est un homme » qui me marquera à jamais.  En attendant, je suis pour que toutes les mémoires soient transmises et enseignées de façon égalitaire. Et pour le coup, force est de constater que nous en sommes loin.

Ca tourne en rond

Revenons-en au documentaire, très bien ficelé, qui revenait sur plus d’un siècle de présence maghrébine en France. Un siècle, c’est beaucoup. Beaucoup des intervenants ont évoqué l’impact du 11 septembre sur le climat xénophobe et islamophobe en France. C’est sûr que cela a joué. Mais quand on voit ce reportage, on sent qu’il n’y a pas que cela. Il y a quelque chose qui ne passe pas en France, qui coince, et le problème selon moi, est surtout le tabou qui entoure la colonisation et la traite des Noirs en France. Quand on sait que la guerre d’Algérie remonte à une soixantaine d’année, et qu’aujourd’hui, si on interroge n’importe qui dans la rue, personne ne saurait répondre à des questions bateau sur la question, c’est très inquiétant, et cela explique les mentalités des boeufs dont je parlais, qui votent le FN sans savoir, sans connaître leur Histoire ou en se berçant d’illusions sur la France immaculée. Et tant que l’on ne posera pas les choses, forcément, les mentalités stagneront. On a l’impression aujourd’hui, que la France vit une sorte de dédoublement de personnalité entre celle qui évolue, change de visage, se métisse de plus en plus, et de l’autre, une France rétrograde avec un imaginaire bloqué à l’époque de la colonisation. Et personne ne veut que cela change. Et surtout pas les politiques, droite comme gauche d’ailleurs, mais droite encore plus que gauche indéniablement. Les gens ont tendance à penser que la colonisation, la traite des noirs,  ben c’est du passé justement, clac on ferme le placard. Et ils pensent aussi souvent que ce n’est pas leur Histoire, c’est celle de l’Afrique, pas celle de la France, le Roi Soleil, Napoléon, ça oui, à 5 ans, on t’en abreuve à l’école, y’a pas de souci. Mais le reste, notamment les grosses zones d’ombre de la France, c’est silence radio. Sauf qu’on le veuille ou non, c’est NOTRE histoire à tous. Et tant qu’elle sera passée sous silence, ce pays se traînera encore pendant des décennies ces boulets du passé. Alors quand ouvrira-t-on ces chapitres oubliés du livre ? La grandeur d’un pays, ce n’est pas de se gargariser d’être la patrie des droits de l’Homme pour l’éternité, c’est surtout savoir se regarder en face et assumer ses erreurs. En France, on a la mémoire sélective à ce niveau là : on assume les Lumières, les droits de l’homme, la littérature, l’exception culturelle française, tout le positif quoi. Mais assumer l’impérialisme, l’appauvrissement de l’Afrique, le néocolonialisme économique, ça non, c’est pas nous, c’est un mythe. C’est la fameuse « repentance » que dénonce les élus de l’UMP dont Sarkozy, comme si assumer son Histoire, c’est faire aveu d’impuissance et de soumission. En réalité, c’est tout le contraire. Ce n’est pas remuer la merde, ni se prosterner et se confondre d’excuses pour les actes des générations précédentes, mais c’est juste assumer pour mieux tourner la page, pour dire « Oui, cela a existé, et ce n’est plus la France telle qu’on la veut aujourd’hui« . Au lieu de ça, on nous dit « circulez, y’a rien à voir, ça n’a jamais existé ». Résultat, les rancoeurs se déclinent de décennies en décennies, et de générations en générations. Et les boeufs du FN et des Bessonneries se renouvellent aussi, abstentionnistes pour rien au monde, eux.

Ca tourne en rond

NB :

Aux Etats-Unis, je vous parlais d’un reportage il y a quelques temps qui montrait les victimes « collatérales » du 11 septembre. Il y avait tous les bénévoles qui avaient aidé à déblayer le quartier des tours pendant des semaines, avec l’aval des autorités prétendant qu’il n’y avait aucun risque, qui ont développé de graves maladies. Beaucoup en sont morts hélas. Le 12 mars dernier, soit 9 ans seulement après le drame, la mairie de New York annonce le déblocage de 657 millions de dollars pour les victimes. Neuf ans après seulement. Aux Etats-Unis, ce délai paraît long pour les plaignants, mais en France, c’est une procédure express vu la lenteur de nos institutions. Il n’y a qu’à regarder l’affaire des soldats irradiés, certains attendent depuis 1960 qu’on les reconnaisse comme victimes et indemnisent ! Mais non, rien. On attend. Peut-être qu’on attend qu’ils disparaissent tous, comme ça, la France n’aura pas à « assumer » encore une autre de ses parts d’ombre.



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