Magazine Journal intime

Le conflit, la femme et la mère

Publié le 23 mars 2010 par Papote

9782081231443Et oui, je me doutais bien que je finirai par l'acheter ou par ce qu'on me l'offre, ne serait-ce que parce que mon admiration pour Monsieur Badinter est connue et puis parce qu'on sait que j'aime lire et, enfin, parce qu'on sait mon rapport ambivalent à la notion de "féminisme"...
J'aime à croire que, même si je suis subjective, j'arrive à garder les yeux ouverts et m'obliger à une certaine objectivité vis à vis des gens ou des choses.
La sortie du livre d'Elisabeth Badinter a fait tellement couler d'encre et sur un registre auquel je ne m'attendais pas que j'avais très envie de me faire une opinion par moi-même.
J'avoue, en toute subjectivité, que je voyais mal cette femme faire preuve d'autant d'obscurantisme, d'ostracisme, sur un sujet aussi féminin que la maternité...
Donc, j'ai lu...
Et, conclusion (oui, je conclus avant de développer... Je sais mais, comme ça, ça permet à ceux ou celles qui vont être agacés par la conclusion de ne pas se taper toute la démonstration qui va suivre !) : soit je ne sais plus lire (ce que je n'exclus pas aux vues du nombre de boucliers qui se sont levés), soit je ne comprends pas où il y a polémique (ce qui implique que certains aient levé les boucliers aux vues d'extraits sortis de leur contexte et non par la lecture complète du livre).

D'abord, elle ne fait pas un traité sur le féminisme en général, mais sur le féminisme dans le cadre de la maternité. C'est d'ailleurs le titre du livre donc je ne comprends les gens qui s'agacent car elle ne parle que de cet aspect-là et pas des autres problèmes bien plus importants ou prioritaires auxquels sont confrontées les femmes. Ce n'est pas le sujet du livre !

Donc, le conflit entre être femme et être mère et durant les 250 pages du livre, elle démontre à quel point c'est un conflit à gérer pour nombre d'entre nous (j'ai bien dit "nombre" et pas "toutes").

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Cela commence avec la notion d'instinct maternel.
Sa position est qu'on ne peut pas parler d'instinct à partir du moment où toutes les femmes ne l'ont pas puisque on ne parle d'instinct car partir du moment où c'est biologique, chromosomique mais, à aucun moment, elle ne dit qu'aucune femme n'en a, elle dit juste que ce n'est pas une règle absolue, une attitude innée et que, par conséquent, on ne peut plus parler d'instinct.
Je la laisse maître de son interprétation que je comprends sur le fond mais je pense que la forme employée a beaucoup contribué à la polémique car, pour certaines femmes, il s'agit réellement d'un instinct et qu'il n'est pas correct, sous prétexte que cela ne s'applique pas à toutes les femmes, de dire que ce n'est pas un instinct (la définition de ce mot n'implique pas que cela s'applique à tout un groupe de personnes, juste que cela soit une attitude innée)...
Donc, il est juste de dire qu'on ne peut pas parler d'instinct inscrit dans les chromosomes XX  mais il s'agit quand même d'un instinct pour certaines femmes, au même titre que certains hommes ont l'instinct paternel et d'autres pas et au même titre que certains l'acquerront et d'autres pas.
De la, elle dénonce naturellement le fait qu'en essayant de faire croire qu'il s'agit d'un instinct originel féminin, on a tendance à culpabiliser celles qui ne le ressentent pas car, dans cette optique là, une femme DOIT être mère puisque c'est dans sa nature, qu'elle est faite pour ça, et si elle ne le ressent pas, c'est pas qu'elle n'a pas cet instinct mais qu'elle le refuse (ce qui est mal) ou qu'elle ne s'écoute pas comme il faut (ce qui n'est pas bien non plus).
De là, en "naturalisant" cette envie à un instinct, c'est aussi une façon de réduire les femmes à leur rôle de procréatrices mais Madame Badinter ne dit jamais que les femmes ne peuvent pas avoir cette envie profondément ancrée en elles mais, juste, qu'il ne faut pas en faire une règle absolue, définitive et innée au sexe féminin.
Personnellement, j'ai eu très vite cette envie, ce besoin mais je connais aussi des copines pour lesquelles l'envie n'existe pas pour des raisons x, y ou z et elles n'en sont pas moins des femmes et, qui plus est, parfaitement épanouies.
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Elle évoque aussi la pression qui est mise sur les femmes qui ne veulent pas d'enfant et qui sont regardées de travers et il est vrai que tout le monde pourra témoigner qu'une femme qui a entre 25 et 35 ans se voit régulièrement poser la question. Si elle est célibataire, on va lui demander quand elle va enfin se poser, trouver un homme pour faire un enfant parce que l'horloge tourne, et si elle est en couple, il n'y a même pas de doute sur l'envie, on lui demande directement "alors, c'est quand que vous faites l'héritier ?" et dans les deux cas si elle a le malheur de dire qu'elle n'en veut pas, elle sera regardée de travers...
Et, en toute honnêteté, prenez le cas d'une femme qui veut un enfant mais ne peut pas, on la plaint et on trouve absolument naturel qu'elle cherche le moyen (scientifique, médical ou juridique) d'y parvenir alors qu'une femme qui peut mais ne veut pas d'enfant sera relativement incomprise (la preuve en est qu'instinctivement si on voit une jeune trentenaire sans enfant, on va se dire qu'elle n'a pas encore trouvé le bon mec ou qu'elle est carriériste ou qu'elle n'arrive pas à en avoir ou qu'elle est lesbienne, pas qu'elle n'en veut pas), on va chercher à comprendre pourquoi.

Une fois tout ceci établi, elle nous parle des femmes qui ont choisi d'être mères et, là, elle dénonce encore cette volonté de nous imposer le concept de "bonne mère" qui ne peut passer que par une seule voie : "le naturel".
Elle ne fustige pas le naturel pour prôner la chimie, les couches jetables et le lait en poudre contrairement à ce que j'ai pu lire à droite à gauche, elle dit juste qu'il est inacceptable d'imposer aux femmes l'idée qu'elles seront de mauvaises mères si elles ne renoncent pas à leur carrière pour élever leur enfant jusqu'à trois ans (parce que la sociabilisation de nos chers bambins avant cet âge là est hyper nocif pour leur santé comme pour leur psychisme), si elles ne les allaitent pas au moins jusqu'à un an (ce que je préfère, à ce titre, ce sont les spécialistes qui expliquent que la mère doit ensuite allaiter partiellement jusqu'à ce que l'enfant ne le souhaite plus... Ben tiens !), si elles utilisent des couches jetables (car, non seulement, les produits qui sont dedans sont très mauvais pour bébé mais, en plus, cela ne les incite pas à vouloir devenir propre puisque restant au sec plus longtemps et, enfin, vous serez responsable du trou de la couche d'ozone, du réchauffement de la planète et de toutes les catastrophes écologiques planétaires), etc, etc.
Et, là, Elisabeth Badinter s'insurge en disant qu'en imposant tout cela aux femmes, on les contraint à un retour en arrière qu'elles n'ont pas forcément choisi, que la science a fait beaucoup de progrès et que les laits maternisés et les couches jetables ne sont pas si nocifs qu'on veut bien nous le dire (même si elle reconnaît qu'il serait mieux d'inventer des couches recyclables) et que celles qui font ce choix naturaliste par conviction, c'est parfait pour elles et elles sont bienheureuses de pouvoir le faire et l'assumer mais qu'il ne faut pas lapider et culpabiliser celles qui font un autre choix.

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Or, la tendance politique aujourd'hui va dans le sens d'imposer cette involution.
Vous rendez vous compte qu'un décret avait été pris par la France, en 1998, pour que le lait maternisé ne soit plus gratuit dans les maternités afin d'obliger les femmes à allaiter ?
Vous rendez vous compte que la ministre de l'écologie souhaite que les couches jetables soient taxées au titre de la pollution qu'elles engendrent ?
La science a progressé et nos mères se sont battues pour obtenir que nous puissions progresser et vivre notre maternité et notre féminité avec moins de souffrances et de contraintes et, là, il faudrait tout abandonner, il faudrait oublier la contraception (cancérigène), les couches (polluantes), la péridurale (anti-naturelle et qui empêche la mère de sentir qu'elle devient mère) et tutti quanti parce que c'est LE MAL, parce que nous devrions nous sacrifier intégralement à nos enfants et à l'écologie !!!
Franchement, je vais vous dire mon opinion sur le sujet : que la Chine et les Etats-Unis commencent par régulariser les accords de Kyoto, qu'on commence par interdire les 4x4 bling-bling à consommation exponentielle en ville et puis je verrai si je me remets à laver à la rivière les couches de ma portée !!!
Et, au passage, foutez la paix à nos amies les vaches qui rejettent du CO2 et qu'il faudrait éradiquer car elles polluent (ok, c'est hors sujet mais ça fait du bien de le dire quand même) !

La palme de cette tendance régressive revenant à ma "cop's", Edwige Antier, qui rejette toute intervention paternelle directe dans la vie de l'enfant durant sa première année et qui va même jusqu'à expliquer que le couple mère-enfant doit être absolu et sans limite jusqu'au "co-dodotage" (le père étant relégué au canapé du salon et à ramener des fleurs à la maman et lui faire des compliments jusqu'à ce qu'il puisse reprendre son rôle de mari et d'amant à la fin de la première année, le tout afin que la mère puisse se concentrer ex-clu-si-ve-ment à son rôle de mère - et je n'exagère même pas !).
Mesdames, vous espériez que cela faisait 40 ans que vos mères se battaient pour obtenir l'égalité dans le partage des tâches parentales ?
Et bien, non, grâce à Ed, non seulement, c'en est fini de la moindre intervention masculine mais, en plus, vous allez venir augmenter les rangs dans les salles des pas perdus des tribunaux pour finaliser votre procédure de divorce (remarquez, comme ça, plus de problème d'intervention intempestive et hautement funeste du père dans la vie de votre enfant et dans votre rôle de mère) !

Je comprends d'autant moins cette levée de boucliers contre Madame Badinter qu'elle dénonce, avec la même force, le fait qu'en France, rien ne soit fait pour aider les jeunes mères à l'allaitement et que les lois sur les congés maternité et parentaux sont tellement loin des modèles scandinaves, qu'il ne faut pas s'étonner que même celles, qui veulent faire le choix de vivre leur maternité comme cela, ne le puissent pas, n'y arrivent pas !
Elle explique que seules les catégories socio-professionnelles supérieures peuvent réellement faire librement ce choix mais que, quand le congé maternité dure en moyenne 10semaines après l'accouchement, que lorsque l'allocation versée pour un salarié en congé parental s'élève, grosso modo et au maximum, à 550,00 €, il peut être inenvisageable pour une mère d'allaiter plus de 10 semaines et de s'arrêter de travailler pour élever son enfant.
Alors qu'en Norvège, par exemple, le congé maternité peut aller jusqu'à un an (10 mois en salaire plein et 2 mois à 80 %, si je ne m'abuse).

Bref, pour moi, le livre d'Elisabeth Badinter est un constat de ce à quoi une femme est confrontée aujourd'hui vis à vis de la maternité et un plaidoyer à la tolérance et à la liberté de choix et, donc, une critique, non pas d'un choix de vie, mais du système qui tend à nous imposer une seule voie comme étant la seule valable dans l'intérêt de nos enfants et qui, en plus, sert plutôt, la volonté patriarcale de nous renvoyer à nos foyers.
Le choix d'être mère ou de ne pas l'être.
Le choix d'être la mère que l'on veut et pas celle qu'on nous impose.
Le choix de suivre des voies "naturalistes" ou d'autres qui conviennent à nos choix de vie, à nos critères.

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Et puis, il y autre chose...
On le sait maintenant : ce qui est parole d'évangile aujourd'hui sera honni demain et quoi qu'on fasse, nous sommes tous de mauvais parents et nos enfants nous le reprocheront tous un jour, à un degré quelconque.
Voilà, j'en étais déjà persuadée avant mais ce livre m'a encore plus convaincue : je fais au mieux selon mes principes mais je ne serai jamais une mère parfaite alors vogue la galère, en espérant que je ne fais pas trop mal quand même !

En dehors de tout cela (je sais, je suis incapable de faire court !), j'ai aimé lire ce livre qui explique les rouages, ce qui peut nous sembler instinctif et ce qui ne se révèle être qu'une influence subie...
Cela n'a pas changé mon opinion, ni mon regard sur ma maternité (telle que je l'ai voulue et vécue), j'ai juste remis un peu de perspective dans tout cela, compris aussi la différence de perception de la maternité avant et après la contraception et l'IVG (avant, la maternité était une "fatalité" ou peu s'en faut et l'enfant s'invitait dans la vie de ses parents alors qu'aujourd'hui on choisit à peu près son arrivée, ce qui en fait un être choisi, qui n'a pas choisi de naître alors envers qui on se sent l'obligation de donner le meilleur de nous), compris aussi que, malgré tout (et y a encore un sacré boulot à faire !), nous avons la chance (contrairement à l'Allemagne ou au Japon, par exemple) de pouvoir être mère tout en restant femme, de ne pas avoir à complètement renoncer à l'un ou à l'autre.
A bientôt !

La Papote


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