Réflexion seize (25 mai 2010)
Du projet gouvernemental de réforme des retraites (suite) ...
Il semble que le gouvernement français ait parfaitement travaillé sa communication au sujet des retraites : préparation des esprits en amont avec la publication de sondages ; présentation du rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) en avril ; mise en avant de la concertation organisée avec les partenaires sociaux ; rencontre des leaders des différents partis ... L'opinion publique française, et nous-mêmes internautes, ferions-nous l'objet d'une manipulation médiatique ?
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/05/22/retraites-le-gouvernement-cherche-3-a-4-milliards-de-recettes-nouvelles_1361415_823448.html
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/05/24/retraites-cafouillage-gouvernemental-sur-la-retraite-a-60-ans_1362104_823448.html
Je suis en effet particulièrement satisfait du projet de réforme des retraites envisagé ... et il n'est pas inconcevable de penser que j'ai pu être manipulé par une bonne communication médiatique du gouvernement. Sauf que je partage depuis de nombreuses années l'idée qu'une réforme des retraites est indispensable et que le report de l'âge de départ à la retraite après 60 ans est nécessaire et indispensable, même s'il a pu être possible au cours des années 1981 à 2000. La raison est que je me vois mal faire supporter à mes enfants le poids du paiement de ma retraite pendant les vingt ou trente ans de ma retraite, si j'ai la chance de vivre jusqu'à là. Travailler trente ans durant (puisque les français rêvent très souvent à peine la cinquantaine passée de partir à la retraite) pour passer ensuite trente ans en retraite ne me semble en effet pas vivable à long terme sans faire supporter aux générations suivantes (nos enfants) un poids exorbitant et insupportable ! C'est d'ailleurs une opinion ancienne, qui n'a pas attendu la manipulation (s'il s'agit d'une manipulation) du gouvernement. Cela ne fera pas non plus de moi un électeur de l'UMP, car je ne me reconnais en aucun cas ni en l'UMP (sauf peut-être en Villepin), ni en Sarkozy.
Sur la question des retraites, on observe néanmoins un clivage important entre les syndicats, les partis politiques et l'opinion publique, qui pourrait facilement basculer entre une opinion et les autres. Les partis d'opposition de gauche mais également les syndicats manquent cruellement d'hommes publics courageux capables de prendre des décisions difficiles, comme de dire des choses désagréables aux français. Il est tellement plus simple de s'attaquer aux questions, aux interrogations, aux problèmes nés du chômage de masse.
Pourquoi retarder l'âge de départ en retraite puisque les entreprises licencient leurs seniors ?... et que les salariés âgés de plus de 55 ans sont majoritairement au chômage ?... Pourquoi retarder l'âge de départ à la retraite lorsque le chômage et le mal-emploi frappe toujours plus de 10% de la population active ? Effectivement, dit comme cela, on peut s'interroger. Il est tellement plus simple de faire croire que l'on peut augmenter les taxes sur les revenus du capital, même si là encore, ce seront avant tout les économies des mêmes petits épargnants, pour leur retraite, qui seront surtout ponctionnés ... Mais pas uniquement.
Nul dans les syndicats ne semble voir qu'un véritable problème survient en matière de retraite, dont aucun expédient ne permettra de s'affranchir : la durée de temps grandissante pendant laquelle les retraités demeurent (et demeureront) en retraite ... et les charges financières croissantes qui seront supportées par les générations suivantes ... la mienne, celles de nos enfants et de nos petits enfants ... Problème qui ira croissant jusqu'à ce que, dans une génération, on ne s'aperçoive, si rien n'est fait aujourd'hui, que les choses ne pourront pas demeurer en l'état.
A mon avis, ce que les syndicats n'ont pas compris ou refusent d'assumer, en se réfugiant dans un rôle populiste de déni et de défense des intérêts acquis des salariés proches de la retraite ... C'est qu'en l'absence d'une réforme aujourd'hui, c'est l'ensemble du système qui pourrait être détruit dans quelques décennies ... Dans vingt ans, combien de temps encore des jeunes salariés accepteront de payer pour rien, pour un système de retraite qui ne leur garantira aucune retraite future, s'ils sont obligés de travailler jusqu'à quatre-vingt ans (et de cotiser à des taux énormes) pour payer la retraite des actifs d'aujourd'hui qui n'avaient pas le courage de travailler quelques années de plus ? L'aveuglement des syndicats et tout particulièrement des salariés syndiqués d'aujourd'hui est invraisemblable à mes yeux, à ne vouloir défendre que leurs propres intérêts, au détriment des intérêts de tous les futurs salariés, qui peuvent être leurs propres enfants !
Vision partisane du problème des retraites, qui ne doit pas conduire à repousser l'âge de départ à la retraite ? Mais si le report de cet âge était inéluctable, et que tout l'objet du débat était de déterminer quelle tranche d'âge serait concernée, combien de français pourraient encore bénéficier de la retraite à soixante ans, quel qu'en soit le coût pour les générations suivantes, même s'il fallait qu'elles partent ensuite à 65 ans, 67 ans, 70 ans voire 80 ans ?
Il y a bien sûr encore tellement d'autres choses à dire des systèmes de retraite.
1) Le traitement des expatriés d'abord. Imaginons d'abord les gentils traders de la City londonnienne, qui, lors de la survenue de la crise financière, sont venus se réfugier en France pour profiter de notre système social (eux qui le condamnaient violemment à leur époque dorée) en prenant des petits jobs chez Mac Donald quelques semaines durant pour pouvoir ensuite bénéficier d'indemnités chômage calculées sur la base de leurs salaires de traders londoniens, touchant alors les indemnités maximales prévues (6.000 à 7.000 euros) sans avoir jamais cotisé pour le financement du chômage ... Que feront-ils au moment du départ en retraite ? Ne trouveront-ils pas encore une arnaque à la sécurité sociale pour pouvoir bénéficier de retraites dorées en France, malgré le fait qu'ils ont fuit comme des rats (raz) le bateau et ont toujours refusé de payer pour les autres, pour la collectivité, célébrant les systèmes anglo-saxons ... Ce que l'on appelle vouloir le beurre, l'argent du beurre, et l'estime de la crémière.
2) Le fonctionnement des systèmes par répartitition. A tous ceux qui critiquent notre système en vantant les mérites des systèmes de retraite par capitalisation, il ne faut pas perdre de vue la situation des systèmes de retraite américains, où des millions de retraités sont désormais obligés de rechercher du travail après que la crise financière ait fait disparaître l'ensemble de leur épargne accumulée ... et leur retraite actuelle. C'est le principal inconvénient des systèmes de retraite par capitalisation ; inconvénient qui avait déjà été observé au début du vingtième siècle, après les deux guerres mondiales et les désordres financiers qui en avaient découlés. Par opposition, le système par répartition, qui fait fi de toute réserve financière accumulée, paraissait plus sûr, faisant reposer sur les générations suivantes le paiement des retraites de la génération précédente. Mais c'était sans compter sur des déséquilibres démographiques, avec des retraités devenant de plus en plus nombreux jusqu'à égaliser le nombre d'actifs cotisants ! Pour ces diverses raisons, il me semble indispensable de sauvegarder le système de retraite par répartition en prenant le plus tôt possible des mesures pour en limiter les risques démographiques qui pourraient le faire imploser. Un système par capitalisation serait beaucoup plus dangereux, même s'il ne serait pas désagréable que des réserves financières conséquentes (des fonds de pension) existent dans notre système.
Saucratès
Mes écrits précédents sur le sujet :
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/07/15/la-securite-sociale-francaise-et-les-reformes.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/08/07/la-securite-sociale-francaise-et-les-reformes-deux.html