Sarkozy, Besson, DSK… ceux que Guillon n'allumera plus sur Inter
Par Augustin Scalbert | Rue89 | 23/06/2010 | 17H10
L'éviction de l'humoriste de la grille de rentrée de France Inter provoque une cascade de réactions. Best of de ses « humeurs ».
Deux ans et demi de chroniques matinales sur France Inter ont donné à Stéphane Guillon une notoriété nationale, et, à sa station, des audiences record juste avant le journal de 8 heures, qui est à la radio ce que le 20 heures est à la télé. Pourtant, dans une interview au Monde, le PDG de Radio France Jean-Luc Hees a paru soulagé que l'humoriste ait signé sa dernière chronique, ce mercredi matin :
« J'ai eu de nombreuses discussions avec Stéphane Guillon à propos de ses chroniques. Si l'humour se résume à l'insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais également pour moi. Quel patron d'une grande entreprise accepterait de se faire insulter par un de ses salariés sans le sanctionner. J'ai un certain sens de l'honneur et je ne peux accepter que l'on me crache dessus en direct.
L'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans. Je prends cette décision non pas sur une quelconque pression politique mais en m'appuyant sur des valeurs minimales d'éducation et de service public. Je considère que cette tranche d'humour est un échec. Elle a montré une grande misère intellectuelle dont je ne m'accommode pas. »
Guillon « crachant » sur son patron ? C'est arrivé quelques fois, comme en janvier, le jour de son retour de vacances. (Voir la vidéo)
Le renvoi de Guillon et, le même jour, de Didier Porte, a suscité une cascade de communiqués de syndicats et de partis.
Le patron de Radio France, lui, jugeait il y a quelques mois plus opportun de s'excuser auprès d'un ministre. Ce qui tend à montrer que Hees était plus choqué par les piques contre le pouvoir que par celles le visant personnellement.
Jean-Luc Hees : "Je ne m'appelle pas Domenech"
| 23.06.10 | 09h10 • Mis à jour le 23.06.10 | 15h46
AFP/JEAN FRANCOIS MONIER
Le président de Radio France, Jean-Luc Hees, au Mans, le 1er juin 2010.
Un peu plus d'un an après son arrivée à la tête de Radio France, en mai 2009, Jean-Luc Hees, 58 ans, revient sur son mode de désignation par le président de la République et sur les tensions qui sont apparues ces derniers mois à France Inter.
Quel premier bilan tirez-vous de votre année passée à la présidence de Radio France ?
C'est beaucoup de boulot ! Je suis responsable de 4 500 personnes, cinquante antennes, deux orchestres, un choeur, deux maîtrises et de beaucoup de moyens techniques et financiers. Je connais tout le monde et je suis très sollicité. J'essaie donc de prendre un peu de distance, car c'est assez asphyxiant. Mais je pense que, petit à petit, l'on arrive à faire évoluer les antennes même si ce n'est pas toujours facile. Il y a eu, ici ou là, des malentendus, mais Radio France reste une bonne maison où l'on peut travailler ensemble. Nous sommes des radios de l'offre et tout le monde travaille dans ce sens-là.
Vous avez été nommé par Nicolas Sarkozy. Ce choix présidentiel a-t-il favorisé vos rapports avec les ministères de tutelle ?
Je n'ai pas de tutelle, mais un actionnaire qui est l'Etat. Je ne pense pas avoir de privilèges avec mes interlocuteurs parce que j'ai été nommé par le chef de l'Etat. Avec les équipes de Radio France, j'ai présenté au gouvernement un dossier très argumenté pour notre Contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2010-2014. Il nous a donné une réponse favorable et c'est tant mieux. Radio France aura désormais une ressource supplémentaire de 3,1 % par an, soit 18 millions d'euros, qui donnera à l'entreprise une grande perspective de développement. L'Etat ne nous a pas étranglés, mais il ne nous a pas donné un chèque en blanc. Le COM que nous signerons à la mi-juillet est un engagement pour l'avenir.
Depuis votre nomination, avez-vous subi des interventions du président de la République ou de son entourage ?
Aucune, et c'est même déstabilisant. Je me demande parfois si je les intéresse ? Lors de sa proposition pour la présidence de Radio France, Nicolas Sarkozy m'avait promis qu'il ne "ferait rien qui puisse heurter mes convictions et ma conscience". Cette formulation m'avait étonné, car mes convictions ne sont que journalistiques. La suspicion que l'on porte à mon encontre est une paresse intellectuelle. Dans le journalisme, les faits sont têtus et, pour le moment, personne n'a porté atteinte à mon indépendance et à celle des équipes de Radio France.
France Inter connaît pourtant de sérieuses turbulences depuis l'arrivée de Philippe Val...
C'est vrai qu'il y a parfois eu des maladresses. Qui n'en commet pas ? Mais, dans un an, M. Val n'agira pas de la même façon. Il a atterri dans une grosse structure. Mon erreur a été de le laisser y aller seul. Depuis quelques semaines, il travaille avec Laurence Bloch, qui connaît parfaitement la maison. Il ne s'agit pas d'un recadrage, mais d'un renforcement.
Cela n'a pas empêché la rédaction de voter la semaine dernière une motion contre M. Val à propos de la grille de rentrée...
Oui, mais cette inquiétude ne correspond pas à la réalité. Il n'y a pas de grands chambardements à France Inter. La mécanique d'une grille est compliquée. Il faut bouger car il y a des émissions qui ne marchent pas bien. M. Val, qui a un projet éditorial et culturel, essaie de trouver des solutions de remplacement pour les journalistes ou les animateurs dont les émissions seront supprimées. On ne laisse jamais les gens au bord de la route. Je connais beaucoup de journalistes à l'extérieur qui aimeraient vivre le malaise de France Inter.
La saison de France Inter a été ponctuée par les polémiques autour des chroniques de Stéphane Guillon et, dernièrement, de Didier Porte. Les auditeurs les retrouveront-ils dans la nouvelle matinale de septembre ?
Non, car je ne m'appelle pas Raymond Domenech ! J'ai eu de nombreuses discussions avec M. Guillon à propos de ses chroniques. Si l'humour se résume à l'insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais aussi pour moi. Quel patron d'une grande entreprise accepterait de se faire insulter par un de ses salariés sans le sanctionner ? J'ai un certain sens de l'honneur ; je ne peux accepter que l'on me crache dessus en direct.
L'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans. Je prends cette décision non pas sur une quelconque pression politique mais en m'appuyant sur des valeurs minimales d'éducation et de service public. Je considère que cette tranche d'humour est un échec. Elle a montré une grande misère intellectuelle, dont je ne m'accommode pas. Il n'y aura pas de changement d'horaire ni de remplaçants. Ce qui ne fait pas rire à 7 h 55 ne me fera pas plus rire à 3 heures du matin. Je sais qu'en prenant cette décision il y a un risque. Mais j'assume !
Ce matin à 7 h 45, Stéphane Guillon faisait donc sa dernière chronique où Jean-Luc Hees et Philippe Val, directeur de France Inter, n'ont pas été épargnés.