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Du développement (six)

Publié le 22 août 2010 par Saucrates

Réflexion quarante-cinq (22 août 2010)
Quel développement attendre d'un investissement minier comme celui de la multinationale occidentale Rio Tinto à Madagascar ? Et quelle est la légitimité d'un tel projet ?

Madagascar est une île continent stuée à l'Est du continent africain, dans l'Océan Indien. Ancienne colonie française, elle a obtenu son indépendance en 1960, après quelques soulèvements populaires et quelques massacres (d'occidentaux et de malgaches en représailles). Son niveau de développement s'est très fortement réduit à compter de la rupture des relations d'assistance avec l'ancienne puissance coloniale au milieu des années 1970, à compter de la prise de pouvoir de l'amiral Ratsiraka et de son rapprochement avec l'URSS. Madagascar est aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres du monde, avec une majorité de sa population qui se trouve sous le seuil de pauvreté, et un salaire normal qui représente moins de 15 euros par mois.
Mais si les malgaches sont particulièrement pauvres, Madagascar dispose par contre d'un sous-sol particulièrement riche en ressources minières : pierres précieuses, minerais, et notamment le plus important gisement de titane au monde, situé à l'extrémité Sud de Madagascar, près de la ville de Fort-Dauphin.
C'est la multinationale canadienne Rio Tinto qui s'est lancée dans l'exploitation de cette mine, dans le cadre d’un joint-venture entre Rio Tinto (qui en détient 80%) et l’État malgache (qui détient les 20% restant), Qit Madagascar Minerals (QMM), lancé en 2005. Au total, l’investissement s’est élevé à 1,2 milliard de dollars (mais le coût comprend également la mise en place des infrastructures de traitement au Canada). Un projet qui, d’après QMM, devrait rapporter 20 millions de dollars par an en fiscalité à l'état malgache (mais pour quelle rentabilité pour la multinationale Rio Tinto ?).
En plus des installations minières, Rio Tinto aurait aussi investi dans un terminal portuaire flambant neuf et dans une route asphaltée reliant la mine au port, ainsi que dans des écoles construites dans la région autour de la mine. La majeure partie des travailleurs sont des étrangers (mais le directeur de QMM est apparemment malgache) et Rio Tinto aurait créé plus d'emplois dans son pays d'origine (le Canada) pour le traitement du minerai venant de QMM qu'à Madagascar même. L'installation minière a également nécessité la construction d'un barrage sur une rivière près de l'usine pour disposer de suffisamment d'eau pour les traitements de son usine qui en nécessitent de grande quantité ; eau qui est ensuite rejetée dans la nature après usage.
http://www.malagasy.org/imprimersans.php3?id_article=2057
http://www.amp-coi.org/fileadmin/files/documents/Madagascar/Rapport_final2.pdf
Cet investissement est symptomatique du modèle de développement existant dans les pays en développement, mis en oeuvre par les multinationales occidentales ou plus largement étrangères (les entreprises chinoises ou russes n'agissent guère différemment au fond), dans l'intérêt des consommateurs occidentaux, sans aucune prise en compte de l'intérêt des nationaux et des riverains de ces usines. Rio Tinto compte exploiter pendant une quarantaine d'années cette mine pour en extraire tout le minerai. Qu'en restera-t-il après cela ? Rien. Des milliers d'hectares dégradés. Et quelques centaines de millions de dollars de fiscalité perçus par l'état malgache (si tout va bien, si ces sommes ne tombent dans les poches de quelques politiques ou administratifs corrompus) ! 

Dégradation de l'environnement, contamination des milieux aquatiques environnant, aucune prise en compte des impacts sur les populations voisines du site ; un tel projet n'aurait aujourd'hui jamais pu voir le jour en Occident (bien qu'au Canada et en Alaska, les multinationales accordent également bien peu d'attention aux éco-systèmes et aux populations autochtones environnantes !).
De tels schémas de développement ne devraient pas avoir lieu, sans prise en compte de la population environnante. Madagascar ne se développera pas de cette manière ; elle se videra simplement de ses matières premières au fil des années. Et dans un demi-siècle ou un siècle, il ne lui restera rien. Ces matières premières, ce minerai de titane n'a pas aucune valeur. Il ne coûte pas uniquement pour l'extraire, le transporter et le transformer. Il appartient aux malgaches, comme les autres matières premières appartiennent aux habitants de leur pays. Les matières premières doivent avoir un prix pour être simplement extraites. Pour que les malgaches ne soient pas simplement dépouillés de leur richesse, le titane extrait et exporté par Rio Tinto doit être payé par Rio Tinto ! Sinon, comme le conclut l'article de www.malagasy.org, les malgaches seront «dépossédés, appauvris et pillés».
Il faut changer de système économique !
Saucratès
Mes précédents écrits sur le Développement :
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/11/06/du-developpement.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/11/25/du-developpement-suite.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/06/28/du-développement-trois.html
4. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/12/03/du-developpement-quatre.html
5. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/08/24/du-developpement-quatre.html
Une critique du développement
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/11/11/critique-du-developpement.html
Quelques théories du développement
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/04/26/théories-du-développement.html


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