Classement RSF 2010: France, 44 sur 178
20
Octobre 2010 Par Reporters Sans Frontières
publie ce 20 octobre son classement annuel de la liberté de la presse. La
France se situe à la 44ème place, avant-dernière du peloton des pays de
l’Europe de l’Ouest, quelques places devant l’Italie (50ème). L’Espagne,
derrière la France en 2009, est passée cette année à la 39ème place, bel
effort! Pour mémoire, la France occupait en 2002 la 11ème place dans ce même
classement… L’Allemagne se situe en 17ème place (7ème en 2002), les pays
nordiques partageant la tête du classement avec les Pays-Bas, la Suisse,
l’Autriche et la Nouvelle-Zélande. Les Etats-Unis pointent cette année en 20ème
position, peu de changement par rapport à leur position de 17ème en 2002. La Tanzanie, la Corée du Sud et la Papouasie Nouvelle Guinée ont
toutes effectuées de belles remontées et se situent aujourd’hui juste devant la
France. Selon Jean-François
Julliard (Secrétaire Général de RSF): “Plus que jamais, nous observons
que développement économique, réformes des institutions et respect des droits
fondamentaux ne vont pas forcément ensemble…. Il est inquiétant de constater
que plusieurs Etats membres de l’Union européenne continuent de perdre des
places dans le classement. Si elle ne se ressaisit pas, l’Union européenne
risque de perdre son statut de leader mondial dans le domaine du respect des
droits de l’homme. Comment pourra-t-elle alors se montrer convaincante lorsqu’elle
demandera aux régimes autoritaires de procéder à des améliorations ?” C’est bien parce que la France est membre de l’UE qu’elle peut
encore oser parler au nom de la liberté de la presse et des droits de l’homme
en général, et c’est parce que la plupart des pays nordiques sont également
membre de l’UE que celle-ci peut encore oser parler de ces mêmes sujets… En
tout cas on comprend pourquoi le monde rigole quand NS et ses sbires parlent de
“liberté” et de “droits”. Sauf ceux, sans doute, qui sont malheureusement
encore plus mal lotis (le classement comprend 178 positions, le fond est encore
loin…). La France, probable champion européen de la liberté des matraques
et du légalisme liberticide. Cela dit, même si le politique est sans
doute le premier facteur de la mauvaise position française en matière de
liberté de la presse, le clientélisme faisant office de fond de commerce d’une
très large partie du paysage médiatique français n’est pas loin derrière. Ce
clientélisme avance main dans la main avec la corruption du pouvoir et des
institutions par les lobbys et les intérêts particuliers, utilisant les médias
comme vecteur de formatage et d’exclusion de ce qui n’est pas “politiquement
correct”.
Published on Rue89 (http://www.rue89.com) Comment la police empêche les journalistes de travailler en manif
By Augustin Scalbert Created 10/22/2010 - 21:14
« Il n'y a évidemment pas de consigne », répond officiellement la
police nationale quand on l'interroge sur plusieurs cas de journalistes
dont le matériel a été matraqué ou confisqué par des CRS, quand les
personnes n'ont pas été elles-mêmes violentées ou interpellées.
Plusieurs documents et témoignages recueillis par Rue89 montrent
pourtant une nervosité assez fréquente pour empêcher ces journalistes
de rapporter au public des images des manifestations. Il y a eu ce cas du mardi 12 octobre au soir [1],
près de la Bastille à Paris : un preneur de son de TF1 et un
journaliste de Canal + avaient été frappés et molestés par des CRS. Le
second n'était pas en service, mais l'IGS, la police des polices, a
tout de même été saisie. Sur cette photo inédite qu'a obtenue depuis Rue89, on voit le
journaliste de Canal+, à terre, brandissant sa carte de presse. Encore
plus parlant est le haut de la scène : un caméraman filme, tout en
tenant lui aussi sa carte d'identité professionnelle. Malgré cela, le
CRS qui lui fait face l'asperge -ou s'apprête à l'asperger- de gaz
lacrymogène. Toujours dans le quartier de la Bastille, encore le même soir, une manifestante est violemment frappée [2] par un CRS. Elle est étudiante en photographie, et ne possède pas encore de carte de presse. Mais comme les photojournalistes professionnels, Capucine
Granier-Deferre utilise un appareil photo sophistiqué, le genre de
matériel que son prix rend généralement inaccessible aux amateurs. Il
est en tout cas volumineux, et donc visible par quiconque, y compris un
CRS. Elle récolte pourtant un coup de poing qui lui vaudra six jours
d'interruption temporaire de travail (ITT) et la conduira à déposer
plainte à l'IGS : « Avec d'autres photographes, on s'est retrouvés pris
dans une souricière dans cette rue. Une ligne de policiers s'est mise
devant nous. Un CRS a frappé un manifestant, j'ai mis mon bras pour me
protéger, et là il m'a mis un coup de poing direct. » (Voir la vidéo tournée par le journaliste William Amsellem) Cinq jours plus tard, encore à la Bastille, les photoreporters
Philip Poupin et Corentin Fohlen font un reportage pour Paris Match.
Ils suivent une bande d'une trentaine de jeunes très excités, dont celui qui casse la vitrine d'une banque [3]. Les casseurs pénètrent dans l'opéra Bastille. Les deux journalistes
veulent en faire autant, mais des CRS les en empêchent. « Là, on se dit
que ce n'est pas la peine d'entrer », relate Philip Poupin. Mais les
CRS sont agressifs : « Je dis : “Je suis journaliste, je suis photographe.”
Je mets mes bras en l'air, et je prends un coup de matraque sur le
front et un autre sur le coude. » Son médecin lui délivrera quatre jours d'ITT. En attendant, un autre
photographe (un free-lance travaillant pour Le Parisien) reçoit un coup
de matraque sur son appareil photo. « Tu sais combien ça coûte ce
matériel ? », crie-t-il au CRS. Il sera ensuite bousculé et perdra une
optique d'une valeur de 200 euros. Les trois photojournalistes se retrouvent bloqués devant l'opéra par
un cordon de CRS. Ils protestent, disent que la police n'a pas le droit
de les empêcher de travailler. Au bout d'une dizaine de minutes, un
gradé intervient et les « libère ». Si ces soirées à la Bastille furent particulièrement riches en
attaques de policiers contre des professionnels récoltant des images
pour l'information du public, ces cas ne semblent pas exceptionnels. Le 1er octobre, un caméraman travaillant pour le site Actusoins.com [4],
Stéphane Puccini, couvre une manifestation d'infirmiers. Il n'a pas de
carte de presse, et l'on entend le policier lui poser la question avant
de l'interpeller de manière très musclée [5]. Deux caméras tournent la même scène selon deux points de vue différents : celle de LCI [6] (à 1'15'') montre l'interpellation particulièrement violente du caméraman. (Voir la vidéo)
Et ses images à lui, pour Actusoins, qui enregistrent très bien les propos tenus par les CRS. — « T'as une carte de presse ? […] » La caméra de Stéphane Puccini a été détruite. Il a déposé plainte le 6 octobre [7]. Les policiers parisiens seraient-ils donc particulièrement excités ? Non, c'est le cas en province aussi. Le dimanche 17 octobre, le
journaliste David Reid, un citoyen britannique qui travaille comme
correspondant free-lance pour la BBC et l'agence de presse Reuters dans
la région lyonnaise, veut couvrir un blocus de routiers au péage de
Villefranche-sur-Saône. Cette fois, les propos des policiers sont beaucoup plus clairs, même
si les images sont moins spectaculaires. L'un d'eux lui arrache
d'emblée sa caméra des mains, avec des mots qu'on entend très nettement
puisque le policier ne stoppe pas l'enregistrement : — « Non, vous filmez pas Monsieur. C'est terminé. Le
droit à l'image, non. C'est terminé. Pour l'instant, vous ne filmez
pas, sinon c'est : au poste ! » — « Donnez-moi ma caméra. » — « Non, ici c'est la police, vous vous taisez. Vous dégagez d'ici,
allez hop hop hop ! […] On s'en fout de la presse, allez hop !
Taisez-vous ! […] » Jusqu'ici, ces images n'avait pas été entièrement diffusées. Les voici. (Voir la vidéo) David Reid a été très choqué par le comportement de ces policiers, au point de contacter Reporters sans frontières : « J'ai travaillé en Amérique centrale, en Afrique, en Inde, jamais un policier ne m'a arraché ma caméra des mains. » Face au mutisme des autorités, qui ont répondu par le traditionnel
renvoi de patate chaude d'un service à l'autre (préfecture de police de
Paris, direction générale de la police nationale, cabinet du ministre
de l'Intérieur), Rue89 a contacté le commissaire en retraite
Jean-François Herdhuin, qui décryptait pour nous cette semaine [8] les techniques de maintien de l'ordre en manifestations. Il ne s'exprime donc qu'en son nom propre : « Il est très clair qu'il n'y a pas de consigne pour
empêcher la presse de travailler lors des manifestations. Quand on est
dans une manifestation, on peut être filmé de partout, y compris par
des téléphones portables. Dans ce contexte, je ne vois pas l'intérêt
qu'il y aurait aujourd'hui à museler les journalistes. Dans le contexte parfois tendu d'une manifestation, les policiers
peuvent avoir des gestes d'énervement, des rebuffades qui sont
regrettables, mais ne sont pas délibérées. Pour éviter ce genre de
choses, j'avais proposé qu'il y ait de multiples caméras, mais ce n'est
pas encore le cas. » Pour lui, la réaction des policiers présents à Villefranche, qui
invoquent le « droit à l'image » pour empêcher un journaliste de les
filmer, est clairement « une erreur » : « Dès lors qu'ils sont sur la voie publique, les
policiers sont dans l'exercice de leurs fonctions et ne peuvent donc
pas invoquer le droit à l'image ou au respect de la vie privée. En revanche, il faut se mettre à la place du policier qui rentre
chez lui et qu'on interpelle dans son immeuble car on l'a vu au 20
heures. » Dans la police, il y aurait des consignes écrites et formelles pour
interdire aux policiers d'empêcher les journalistes de faire leur
travail d'information du public. Les faits montrent qu'elles ne sont pas respectées. Photo : deux journalistes agressés par des CRS place de la
Bastille à Paris, le 12 octobre 2010 (Capucine Granier-Deferre).
Illustration : Baudry. ► Rectifié le 22/10/2010 à 22h39 : l'épisode de l'opéra Bastille s'est déroulé le 16 octobre, et non le 12 comme les épisodes précédents dans le même quartier. Manif pour les retraites : les CRS matraquent des journalistes [1] Maintien de l'ordre en manif, le décryptage d'un commissaire [8] Manif des retraites : la violente équipée de casseurs dans Paris [3] Liberté de la presse : RSF fustige la France de « la honte » [9] Des journalistes matraqués par les CRS, sur TémoignageChrétien.fr [10] URL source: http://www.rue89.com/2010/10/22/comment-la-police-empeche-les-journalistes-de-travailler-en-manif-172756 Links:Malgré les dénégations des autorités, vidéos et témoignages montrent que la police empêche la presse d'informer le public.
« Un CRS m'a mis un coup de poing, direct »
« Je dis : “Je suis journaliste, je suis photographe.” »
« T'as une carte de presse ? […] Ta gueule ! »
— « J'travaille pour Actusoins ! Vous avez pas le droit de faire ça ! »
— « Ta gueule ! » (Voir la vidéo, à 0'49)
« On s'en fout de la presse, allez hop ! Taisez-vous ! »
« En manifestation, on peut être filmé de partout »
[1] http://www.rue89.com/2010/10/13/manif-pour-les-retraites-les-crs-matraquent-des-journalistes-170976
[2] http://www.rue89.com/2010/10/14/une-manifestante-violemment-frappee-au-visage-par-un-crs-171193
[3] http://www.rue89.com/2010/10/18/manif-des-retraites-la-violente-equipee-des-casseurs-dans-paris-171868
[4] http://www.actusoins.com
[5] http://www.actusoins.com/4915/crs-camera.html
[6] http://videos.tf1.fr/infos/2010/partie-de-chat-musclee-en-plein-paris-entre-anesthesistes-et-6086623.html?ref=nf
[7]
http://www.temoignagechretien.fr//Articles/Article.aspx?Libelle_RUBRIQUES_EDITORIALES=Societe&Libelle_ARTICLES=Des-journalistes-matraques-par-les-CRS&Clef_RUBRIQUES_EDITORIALES=18&Clef_ARTICLES=2130&Clef_SITESMAPSROUTES=8&
[8] http://www.rue89.com/2010/10/21/maintien-de-lordre-en-manif-le-decryptage-dun-commissaire-172474
[9] http://www.rue89.com/2010/10/20/liberte-de-la-presse-rsf-fustige-la-france-de-la-honte-172128
[10] http://bit.ly/aZrEkT