Magazine Journal intime

Où la nuit et le réveil sont aussi gris que le temps

Publié le 11 novembre 2010 par Papote

J'ai rencontré un homme...
Un homme qui avait dû porter beau, dont on perçoit encore un peu le charme.
Cet homme-là a été amoché par la vie et un mince fil le sépare de la marginalisation, de la rue.
Cet homme-là m'a un peu raconté sa vie : milieu favorisé, belles études, belle profession, jolies femmes et voyages de rêves et puis la cinquantaine, le chômage, un divorce et toute sa vie si jolie, si parfaite, qui fuit comme du sable entre les mains.
Plus de boulot, plus de maison, plus de famille, plus de voiture.
Quelques petits boulots par ci, par là, pour ne pas sombrer complètement.
Le besoin de raconter de belles choses du temps passé et de continuer à se donner l'impression qu'il a une vie culturelle et curieuse mais plus dans les salles de concert ou les musées qui coûtent chers. Non, il attend les expos en plein air, les ouvertures gratuites.
Il a cet orgueil et cette fierté de ceux qui sentent que tant qu'ils tiennent les apparences, ils ne lâcheront pas prise.
Il a cette volonté de penser que tant que le mot "fin" n'est pas inscrit, l'espoir est permis et que la roue va tourner.
Il a encore l'énergie de chercher à agripper toutes les branches qui passent à sa portée mais combien de temps tiendra-t'il ? Quelle sera la branche fatale ?
Cet homme-là, maintenant, n'arrive même pas à me regarder dans les yeux. Il se tient vouté, le menton un peu bas.
Cet homme-là sent un peu l'alcool et la cigarette mais pas l'alcool d'un verre qu'on vient juste de boire, l'alcool imprégné, de celui qui doit sauver des journées désoeuvrées et des nuits de cafard.
Cet homme-là a la lèvre qui tremble un peu quand il parle, comme ses mains quand il fouille ses poches.
Cet homme-là est au bord du précipice et un tout petit rien peut le faire s'y précipiter mais, pour l'instant, il tient.
Cet homme-là m'impressionne car personne n'est à l'abri, même pas les beaux mecs, aux belles voitures et aux postes à hautes responsabilités.
Je croise sincèrement les doigts pour qu'il s'en sorte parce que tant d'énergie et de volonté ne peuvent être vaines. Ce serait trop injuste !

Et la radio qui déverse les chiffres du secours catholique en augmentation.
De plus en plus de travailleurs pauvres, de familles avec enfants qui n'y arrivent plus.
La crise, la précarité, l'inflation, le chômage...

Et, je me demande quelle vie nous préparons, même pas à nos petits enfants, mais à nos enfants !
Et j'ai du mal à trouver le sommeil et j'ai du mal à me regarder en face, avec mon petit bonheur et mon petit confort... et mon moral qui a des hauts et des bas.
Et je me demande comment certains peuvent se faire verser des milliards d'indemnités, voter des boucliers fiscaux, ouvrir des parachutes dorés sans plus essayer de s'en cacher, et ne pas se dégoûter, ne pas se vomir...

A bientôt !

La Papote


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