Magazine Journal intime

L'adresse - page 23.

Publié le 21 novembre 2010 par Douce58
        Après la force, c'était l'adresse qui venait dans la hiérarchie de nos primitives valeurs.  Là encore, je pouvais m'enorgueillir d'autres hauts faits patriarcaux:  au tir à la carabine forain, mon père massacrait allègrement les tuyaux de pipes, pouvait couper en deux un carton présenté sur la tranche;  mon grand-père François, bon fusil, rapportait dans sa gibecière lapins de garenne, perdreaux, grives et ortolans ( parfois, c'étaient des figues ou des raisins qu'il rapportait, en guise de gibier, de la chasse, car il aimait grappiller dans la campagne et avait pour principe de ne jamais rentrer la gibecière vide).
        A la saison des abricots, la cour de récréation de l'école Pasteur se changeait en lice de tournoi pour le jeu de pinyols.  Les mises et les enjeux étaient des noyaux d'abricots.  Il s'agissait de lancer, d'une distance de trois mètres environ,  son noyau à travers les trous d'un passe-boules.  Plus le trou était petit, plus le gain, en cas de réussite, était élevé.  On pouvait gagner ainsi cinq, dix, vingt, cinquante noyaux selon le trou visé.  Evidemment, les projectiles qui manquaient leur cible restaient acquis au propriétaire du passe-boules.  Il y avait des passe-boules rudimentaires, de pauvres morceaux de carton jaunâtre percés à la va-vite de quelques trous aux bords irréguliers.  Il y en avait de somptueux, ornés de beaux dessins coloriés, orgueil de leurs propriétaires.  Dans le temps d'une récréation, on voyait des fortunes de pinyols se faire et se défaire.  Quasiment chaque écolier arrivait le matin avec son sac en étoffe rempli de noyaux.  Quand il sortait de l'école, le soir, son sac ventru pendait, attaché par un lacet à la poignée de son cartable, tel un trophée.  Mais, si le sac était plat, c'est au fond du cartable qu'il le cachait piteusement.

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