Magazine Journal intime

Un élève de l'Après-Guerre - page 16.

Publié le 21 novembre 2010 par Douce58
  Monsieur N. exerçait les fonctions de directeur et préparait les plus grands au Certificat d'Etudes.  C'était un petit homme sec.  Il avait des yeux clairs au regard dur et perçant, un front bombé surmonté de quelques cheveux soigneusement coiffés en arrière sur son crâne dégarni.  Une petite moustache autoritaire achevait de lui prêter une ressemblance avec Lénine.  On était traduit devant son redoutable tribunal en cas d'indiscipline ou de lourde bêtise.  Celle dont je m'étais rendu coupable avec la complicité de mon voisin de pupitre, un certain Jimenez, avait consisté en un duel de taches d'encre appliquées à la plume et à la gomme sur nos cahiers respectifs.  Ce manquement aux règles de la bonne conduite en classe avait paru à notre instituteur du Cours Elémentaire, Monsieur Costacèque, relever de la juridiction de Monsieur N. .  Celui-ci nous avait donc convoqués, Jimenez et moi, après la classe, dans une vaste salle, où avait lieu l'étude du soir.  Des grands en blouse noire, courbés sur leurs pupitres, étaient en train de copier un interminable texte calligraphié à la craie, qui couvrait tout le tableau noir.  L'heure était tardive.  Les lampes qui pendaient du plafond jetaient sous leurs abat-jours d'émail blanc discoïdaux une clarté blafarde sur cette chiourme de l'Instruction.  Et nous étions là, petits sacripants (c'était le mot du directeur) honteux et coupables, attendant de connaître notre triste sort.  Notre juge se contenta de nous assigner dédaigneusement deux places à des pupitres du fond de la classe.  Nous nous assîmes piteusement sous le regard narquois des anciens du Certif. .   Monsieur N., nous oublia complètement et retourna à sa surveillance et à ses corrections.  Cependant, personne n'avait prévenu nos familles que nous resterions ce soir-là en retenue à l'école.  Je pensais avec désespoir à l'inquiétude de mes parents, qui ne me verraient pas rentrer comme d'habitude à la maison.  Ce fut mon père qui vint me chercher.  Il demanda des comptes au directeur, oublia de me gronder pour ma bêtise et me ramena très vite à la maison, où ma mère m'attendait, les yeux agrandis et embués.  Cet épisode douloureux de mon enfance me rendit, pour la vie, vulnérable et terriblement anxieux, quand un de mes retards pouvait causer de l'angoisse aux miens.

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