Magazine Journal intime

Un élève de l'Après-Guerre - page 14.

Publié le 21 novembre 2010 par Douce58
  Passé le Pont Joffre, donc, en remontant l'avenue, on entrait dans le Bas Vernet.  C'était un quartier commerçant également, où s'élevaient quelques cossus immeubles administratifs.  Cheminant toujours plein nord, on arrivait à la frontière entre Bas et Moyen Vernet.  Cette ligne de partage était matérialisée par l'intersection de la rue des Jardins Saint-Louis et de la Traverse de Pia avec l'avenue Joffre.  En la franchissant, on tombait sur le quartier Saint-Louis, dominé par les toits de tuiles rouges des Habitations bon marché.  Construits vers 1935, ces immeubles imposants et solides, à l'esthétique convenable étaient, malgré leur étiquette bon marché, bien supérieurs aux H.L.M. qui leur succédèrent à partir des années soixante.          
  Le quartier Saint-Louis était (est encore) celui des écoles.  Il y avait l'école Lamartine pour toutes les classes enfantines et les classes élémentaires des filles et, mitoyenne avec elle, l'école Pasteur pour les classes élémentaires des garçons.  C'est là que nous fîmes, dans l'ordre chronologique moi, ma soeur et mon frère nos apprentissages de petits grimauds.  Nous y connûmes, en tout cas Monique et moi, les plus âgés, les pupitres de bois, les encriers de porcelaine blanche qu'on remplissait avec une bouteille d'encre violette, les plumes Gauloise et Sergent-major, la règle avec laquelle certains méchants maîtres nous tapaient sur les doigts pour nous punir, le tableau noir, la blouse noire (pour les garçons) et le poêle à charbon, noir également.  Je me souviens d'avoir eu pour mission d'aller à mon tour remplir aux lavabos la boîte de fer blanc (je crois que c'était une boîte de lait Guiguoz) qu'il fallait placer sur le couvercle du poêle, afin d'obtenir de la vapeur d'eau.
  Ecole du passé, à la Grand Meaulnes, pleine de petits oiseaux en cage, sentant les feuilles mortes qui en jonchaient le chemin en automne et que nous fendions hardiment de l'étrave de nos genoux.  Ecole sévère, ombrageuse, qui tendait les pièges de ses dictées perverses et de ses problèmes diaboliques.  Ecole mesquine avec ses classements, son premier et son dernier de la classe, ses punitions trop dures et ses récompenses trop pompeuses.  Mon père ne s'en était jamais remis.  Il mettait théâtralement en doute sa paternité - No es meu! *- quand je disais, dans les petites classes, aimer l'école.  Ce goût étrange me passa d'ailleurs assez vite et, en dépit de bons résultats d'ensemble et d'un brillant succès à l'examen d'entrée en Sixième,  je subis dans les années de ma pré-adolescence l'école comme une privation de liberté.
* "Il n'est pas de moi! "

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