Mais je dois avouer, et j'en suis honteux, que je trompai plus d'une fois mes chers parents en allant m'amuser au champ, comme ils disaient, pendant qu'ils me croyaient devant l'écran. De retour à la maison, j'inventais des scenarii pour rendre compte devant eux de films que je n'avais pas vus. Je gardais l'argent du cinéma pour d'autres usages et notamment, hélas! pour acheter mes premières cigarettes. Puisque j'en suis à ce point de mes confessions, j'avouerai encore, en rougissant, que je reconstituais parfois mon argent de poche en prélevant quelques pièces de monnaie dans le tiroir-caisse de notre magasin ou dans la boîte en fer blanc que ma mère rangeait dans le placard de la cuisine et qui contenait des bons découpés dans des emballages alimentaires, parmi lesquels dormait de temps à autre une pièce de un franc... . Ces forfaits me firent tellement horreur par la suite que j'ose les avouer pour la première fois ici, à l'âge de soixante-trois ans.
Cependant, mon "cinéma buissonnier" n'était pas systématique et il m'arrivait bel et bien d'aller voir un film.
Peu à peu, aidé en cela par les remontrances sévères de mes parents, qui avaient eu vent de mon manège, mes visites au Star Ciné se firent plus régulières. Et ce fut grandement grâce au cinéma que le petit jeune homme se dégagea de sa chrysalide de gamin.