Magazine Journal intime

Mauvaise conduite - page 9.

Publié le 21 novembre 2010 par Douce58
  Je viens de dire que le Star Ciné m'avait donné le goût puissant de l'écran.  C'est vrai, mais ce goût ne s'installa pas immédiatement.  Il eut à combattre en moi, assez longtemps, un goût rival.  Celui qui me faisait prendre la clef des champs.  Je m'explique.  Dès l'âge de sept ans et jusqu'à mes quatorze, quinze ans, j'allais m'amuser, selon l'expression en usage dans ma famille, dans les espaces champêtres qui s'étendaient derrière ma maison natale.  Là, dans la fourche des ruisseaux, j'avais mon domaine d'élection, mon terrain de jeux et de rêves que je partageais avec quelques petits voisins.  Le premier de tous, qui habitait deux maisons après la nôtre, était un garçonnet au fin visage mutin parsemé de taches de rousseur, un poulbot prénommé Christian.  Nous construisions des cabanes, fabriquions des arcs et des flèches, grimpions aux arbres...  .  A douze ans, je me mis à organiser nos jeux.  Etant le plus âgé dans notre petite bande, j'en pris le commandement et la constituai en équipe.  Je distribuais des jeux de rôles selon un "emploi du temps" hebdomadaire.  Nous pouvions être, par exemple, des Indiens le jeudi, des cowboys le samedi, des chevaliers le dimanche.  Je consignais par écrit les noms des personnages héroïques que les uns et les autres devaient incarner, ainsi qu'une documentation puisée dans les magazines illustrés et les récits d'aventures.  Je tenais ainsi plusieurs carnets avec un sérieux et un soin que je ne mettais pas toujours dans mes cahiers de lycéen.  Cette espèce de détournement au bénéfice de mes jeux du temps et de l'application que je devais à l'étude (mes résultats scolaires étaient sinon médiocres, du moins inégaux) n'était évidemment pas du goût de mes parents.  Lesquels me reprochaient aussi de jouer constamment avec des plus petits que moi et, ce faisant, de me rendre ridicule aux yeux du voisinage.  Enfin et surtout, je le comprends aujourd'hui que j'ai des garçons, ils craignaient que ma fréquentation des arbres ne s'achevât par un accident.  Lorsque j'eus quatorze ans, ils tentèrent avec psychologie de me détourner de ces jeux à la fois enfantins et dangereux.  Ils donnèrent à leur sauvageon un peu d'argent de poche chaque semaine pour s'acheter un billet de cinéma.  Bien entendu, j'étais censé aller au Star, qui était à deux pas de chez nous.

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