Magazine Journal intime

" Charcuterie lyonnaise " , page 4.

Publié le 21 novembre 2010 par Douce58
   Chez nous, on observait trois principes essentiels:  le courage au travail, l'honnêteté et le bien-manger.  Ils trouvaient à s'exercer dans notre commerce.  Notre enseigne portait " Charcuterie lyonnaise  " comme un écu porte une devise .  Nos spécialités - rosettes, saucissons de Lyon, saucissons de volaille à la pistache, aspics, galantines, etc. - , héritées de mon grand-père François, qui avait travaillé dans la capitale rhodanienne pendant vingt-cinq ans, étaient authentiques et appréciées des connaisseurs .  La gastronomie était donc élevée chez nous au rang d'art de vivre et la cuisine, en effet, était un art.  Ceux qui savaient le pratiquer travaillaient pour ceux qui savaient l'apprécier.  Pour autant, notre charcuterie ne laissait pas de proposer aussi les produits du terroir catalan - butifares , costellos, barbufat* , etc.  Il ne fallait quand même pas désarçonner les braves gens du quartier à force d' "exotisme".  Le courage au travail, j'en avais l'exemple chaque jour sous mes yeux.  La journée de mon père commençait à cinq heures:  fabrication artisanale, ouverture du magasin, vente, préparations pour le lendemain, nettoyage, et se terminait vers vingt et une heures.  Ma mère servait souvent les clients au magasin et prenait sa part des vaisselles géantes (casseroles et cuves de fabrication), tout en assurant le train de maison d'une famille de six personnes.
        C'était dur, malgré l'aide que lui apportaient certains jours de la semaine de braves femmes en noir, qui venaient à la maison coudre, laver ou repasser.  Je dirai un mot de vous, Anna, Berthe, Léandre. Vous étiez de ces modestes et précieuses travailleuses, grâce auxquelles les maîtresses de maison pouvaient remplir leur mission domestique.  Vous faisiez un peu partie de la famille.
                                
                                                                                                
       Mon père n'eut longtemps que le dimanche après-midi pour se reposer, jusqu'à ce que le lundi devînt jour de fermeture officiel.  Il ne s'accordait que huit (exceptionnellement quinze) jours de congé par an, pour lesquels il venait nous rejoindre dans notre maison de Sainte Marie.  C'est là que nous passions nos vacances d'été, ma mère, mes frère et soeur, Pépé François et moi.  En dehors de cette parenthèse de l'été, notre grand-père tenait à prêter la main à notre père, son fils cadet, dans la fabrication de nos produits.  Mal résigné à la retraite, il observait avec le plus grand intérêt les mouvements de notre clientèle, notant les fidèles, pointant les intermittents, les capricieux, stigmatisant les traîtres qui nous quittaient pour la concurrence.
   L'honnêteté se confondait avec l'honneur.  On y eût manqué en volant le client ou en le trompant sur la qualité.
* boudins noirs, travers de porc, saindoux.

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