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Elsa Morante | Alibi

Publié le 29 novembre 2010 par Angèle Paoli
«  Poésie d'un jour
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ALIBI


Solo chi ama conosce. Povero chi non ama !
Come a sguardi inconsacrati le ostie sante,
comuni e spoglie sono per lui le mille vite.
Solo a chi ama il Diverso accende i suoi splendori
e gli si apre la casa dei due misteri :
il mistero doloroso e il mistero gaudioso.

  Io t’amo. Beato l’istante
  che mi sono innamorata di te.

Qual è il tuo nome ? Simile al firmamento
esso muta con l’ora. Sei tu Giulietta ? o sei Teodora ?
ti chiami Artù ? o Niso ti chiami ? Il nome
a te serve solo per giocare, come una bautta.
Vorrei chiamarti: Fedele; ma non ti somiglia.

La tua grazia tramuta
in un vanto lo scandalo che ti cinge.
Tu sei l’ape e sei la rosa.
Tu sei la sorte che fa i colori alle ali
e i riccioli ai capelli.
La tua riverenza è graziosa come l’arcobaleno.

Sono i tuoi giorni un prato lucente
dove t’incontri con gli angeli fraterni:
il santo, adulto Chirone,
l’innocente Sileno, e i fanciulli dai piedi di capra,
e le fanciulle-delfino dalle fredde armature.
La sera, alla tua povera cameretta ritorni
e miri il tuo destino tramato di figure,
l’oscuro compagno dormiente
dal corpo tatuato.

Tu eri il paggio favorito alla corte d’Oriente,
tu eri l’astro gemello figlio di Leda,
eri il più bel marinaio sulla nave fenicia,
eri Alessandro il glorioso nella sua tenda regale.
Tu eri l’incarcerato a cui si fan servi gli sbirri.
Eri il compagno prode, la grazia del campo,
su cui piange come una madre
il nemico che gli chiude gli occhi.
Tu eri la dogaressa che sciogle al sole i capelli
purpurei, sull’alto terrazzo, fra duomi e stendardi.
Eri la prima ballerina del lago dei cigni,
eri Briseide, la schiava dal volto di rose.
Tu eri la santa che cantava, nascosta nel coro,
con una dolce voce di contralto.
Eri la principessa cinese dal piede infantile :
Il Figlio del Cielo la vide, e s’innamorò.

Come un diamante è il tuo palazzo
che in ogni stanza ha un tesoro
e tutte le finestre accese.
La tua dimora è un’arnia fatata :
narcisi lontani ti mandano i loro mieli.
Per le tue feste, da lontani evi
giungono luci, come al firmamento.
Ma tu in esilio vai, solo e scontento.
  Il mio ragazzo non ha casa
  né paese.

La bella trama, adorata dal mio cuore,
a te è una gabbia amara.
E in tua salvezza non verrà mai la sposa
regina del labirinto.
Per il sapore strano del bene e del male
la tua bocca è troppo scontrosa.
Tu sei la fiaba estrema. O fiore di giacinto
cento corimbi d’un unico solitario fiore !

La folla aureovestita del tuo bel gioco di specchi
a te è deserto e impostura.
Ma dove vai ? che mai cerchi ? invano, gatta-fanciulla,
il passaggio d’Edipo sul tuo cammino aspetti.
O favolosa domanda, al tuo delirio
non v’è risposta umana.
Riposa un poco vicino a chi t’ama
angelo mio.
Quando mi sei vicino, non più che un fanciullo m’appari.
Le mie braccia rinchiuse bastano a farti nido
e per dormire un lettuccio ti basta.
Ma quando sei lontano, immane per me diventi.
Il tuo corpo è grande come l’Asia, il tuo respiro
e grande come le maree.
Sperdi i miei neri futili giorni
come l’uragano la sabbia nera.
Corro gridando i tuoi diversi nomi
lungo il sordo golfo della morte.

Riposa un poco vicino a chi t’ama.

Lascia ch’io ti riguardi. La mia stanza percorri spavaldo
come un galante che passa
in una strage di cuori.
Allo specchio ti miri i lunghi cigli
ridi come un fantino volato al traguardo.
O figlio mio diletto, rosa notturna !
Povero come il gatto dei vicoli napoletani
come il mendico e il povero borsaiolo,
e in eleganza sorpassi duchi e sovrani
risplendi come gemma di miniera
cambi diadema ogni sera
ti vesti d’oro come gli autunni.

Passa la cacciatrice lunare coi suoi branchi alani…

Dormi.
La notte che all’infanzia ci riporta
e come belva difende i suoi diletti
dalle offese del giorno, distende su noi
la sua tenda istoriata.
I tuoi colori, o fanciullesco mattino,
tu ripiegasti.
Nella funerea dimora, anche di te mi scordo.

Il tuo cuore che batte è tutto il tempo.
Tu sei la notte nera.

Il tuo corpo materno è il moi riposo.
(1955)

ALIBI


Seul qui aime connaît. Pauvre qui n’aime pas !
Comme à des regards inconsacrés les hosties saintes,
communes et dénuées sont pour lui les mille vies.
Seul pour qui aime le Différent allume ses splendeurs
et pour lui s’ouvre la maison des deux mystères :
le mystère douloureux et le mystère joyeux.

  Moi je t’aime. Bienheureux l’instant
  où je me suis énamourée de toi.

Quel est ton nom ? Semblable au firmament
il change avec l’heure. C’est toi Juliette ? ou es-tu Théodore ?
tu t’appelles Arthur ? ou c’est Nisus que tu t’appelles ? Toi
ton nom ne te sert qu’à jouer, comme un domino.
Je voudrais t’appeler : Fidèle ; mais ça ne te ressemble pas.

Ta grâce transforme
en un mérite le scandale qui te ceint.
Tu es l’abeille et tu es la rose.
Tu es le sort qui fait les couleurs aux ailes
et les boucles aux cheveux.
Ta révérence est gracieuse comme l’arc-en-ciel.

Tes jours sont un pré coruscant
où tu rencontres les anges fraternels :
le saint, adulte Chiron,
l’innocent Silène, et les garçonnets aux pieds de chèvre,
et les fillettes–dauphins aux froides armures.
Le soir, à ta pauvre petite chambre tu reviens
et fixes ton destin ourdi de figures,
l’obscur compagnon, le dormeur
au corps tatoué.

Tu étais toi le page favori à la cour d’Orient,
tu étais toi l’astre jumeau fils de Léda,
tu étais le plus beau marin sur le navire phénicien,
tu étais Alexandre le glorieux sous sa tente royale.
Tu étais toi l’incarcéré pour qui les matons se font valets.
tu étais le preux compagnon, la grâce du camp,
sur lequel pleure comme une mère
l’ennemi qui lui ferme les yeux.
Tu étais toi la dogaresse qui dénoue au soleil ses cheveux
pourprés, dessus la haute terrasse, entre dômes et étendards.
Tu étais la danseuse étoile du lac des cygnes,
tu étais Briséis, la captive au visage de roses.
Tu étais toi la sainte qui chantait, cachée dans le chœur,
D’une voix douce de contralto.
Tu étais la princesse chinoise au pied d’enfant :
le Fils du Ciel la vit, et s’énamoura.

Tel un diamant est ton palais
qui dans chaque salle a un trésor
et toutes les fenêtres éclairées.
Ta demeure est une ruche enchantée :
des narcisses lointains t’envoient leurs miels.
Pour tes fêtes, du fond des âges
arrivent des lumières, comme au firmament.
Mais toi tu pars en exil, seul et mécontent.
  Mon ragazzo n’a maison
  ni pays.

La belle trame, par mon cœur adorée,
pour toi est une cage amère.
Et pour ton salut jamais ne viendra l’épouse
Reine du labyrinthe.
Pour l’étrange saveur du bien et du mal
Ta bouche est trop revêche.
Tu es toi la fable extrême. Ô fleur de jacinthe
Cent corymbes d’une unique fleur solitaire !

La foule orvêtue de ton beau jeu de miroirs
t’est désert et imposture.
Mais où vas-tu ? que cherches-tu donc ? en vain, chatte-fillette,
attends-tu le passage d’Œdipe sur ton chemin.
Ô fabuleuse question, à ton délire
il n’est réponse humaine.
Repose-toi un peu auprès de qui t’aime
mon ange.
Quand tu es près de moi, pas plus qu’un enfant ne me sembles.
Mes bras refermés suffisent à te faire un nid
et pour dormir un lit étroit te suffit.
Mais quand tu es loin, immense tu deviens pour moi.
Ton corps est grand comme l’Asie, ton souffle
est grand comme les marées.
Tu dissipes mes noirs jours futiles
comme l’ouragan le sable noir.
Je cours criant tes différents noms
le long du golfe sourd de la mort.

Repose-toi un peu auprès de qui t’aime.

Laisse-moi te regarder. Tu parcours ma chambre faraud
comme un galant qui passe
dans des ravages de cœurs.

Au miroir tu admires tes longs cils
tu ris tel un jockey qui s’est envolé au poteau.
Ô mon enfant bien-aimé, rose nocturne !
Pauvre comme le chat des ruelles napolitaines
comme le mendiant et le pauvre chipeur de bourses,
et en élégance tu l’emportes sur les ducs et les souverains
tu resplendis comme gemme de mine
tu changes de diadème chaque soir
tu t’habilles d’or comme les automnes.

Passe la chasseresse lunaire avec ses blancs danois…

Dors.
La nuit qui à l’enfance nous ramène
et comme bête fauve défend ses êtres chéris
des offenses du jour, étend sur nous
son pavillon historié.
Tes couleurs, ô matin d’enfance,
tu amenas.
Dans la funèbre demeure, toi aussi je t’oublie.

Ton cœur qui bat est le temps tout entier.
Tu es la nuit noire.

Ton corps de mère est mon repos.

Elsa Morante, Alibi [Alibi, Garzanti Editore, 1988], Poèmes, édition bilingue, Éditions Gallimard, 1999, pp. 62 à 69. Traduit de l’italien par Jean-Noël Schifano.



■ Elsa Morante
sur Terres de femmes


L’Île d’Arturo
→ 18 août 1912 | Naissance d'Elsa Morante
→ 25 novembre 1985 | Mort d’Elsa Morante

■ Voir aussi ▼

→ un clip vidéo de la RAI [4 min 12 s] sur Elsa Morante, réalisé au lendemain de la publication posthume des Racconti dimenticati (2002)
→ une fiche bibliographique sur Elsa Morante (établie par Paola Cavicchi pour sa thèse de doctorat sur Elsa Morante)




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