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Humains trop humains

Publié le 26 décembre 2010 par Docteurho
Humains trop humainsQuand je me suis mis, finalement, à écrire, je ne savais pas vraiment combien de temps s’était passé entre mon entrée dans cet endroit, et l’instant où j’ai tracé la première ligne sur cette page. J’étais assis à cette table, et je me suis laissé aller à un songe ayant découlé de la contemplation de tous les éléments qui m’entouraient. Il y’avait là, des gens, beaucoup d’ailleurs pour un café si petit et si mal situé en ville, mais ils semblaient tous bien à l’endroit, comme si ce lieu était leur monde, leur seconde demeure. J’essayai d’écouter  leurs discussions éparses et le brouhaha qui en résultait, car leurs aspects avaient fini par ne plus être aussi intéressants, car je n’en étais accommodé, quelques minutes à peine,  à les étudier. Je dis étudier, parce que je suis venu dans ce café, avec une pensée précise. Je suis revenu à un passé de ma vie passée, avec un œil nouveau, un peu comme celui du pèlerin, imbu de réflexion et de méditation, inquisiteur à l’insolence de l’indiscrétion même. Ce monde là, fut le mien, et en tentant de le comprendre, je me comprendrai, au moins je verrai peut-être mon ancien moi, tel que je l’ai vécu, ou que je croyais le vivre.   Ce café où je suis à présent, était le seul café littéraire de la ville de Kenitra. Il était notre quartier général, à mes amis et moi. Aujourd’hui, il l’est toujours, quelque part, bien que la décoration ait changé, et que la vocation l’ait suivi, en un revirement stupéfiant. Il est devenu un café aux putes ! Pour être précis, un café littéraire aux putes !   C’est dire que c’est endroit, continue, toujours, à drainer les intellectuels, vrais ou faux, en quête de salons de discussion, bien qu’il attire une autre clientèle, à la recherche, elle d’autres types de rapports, d’autres sensations. Ce mélange incongru, insolite et relativement incompatible, renvoie sur le paradoxe originel de l’être humain, dans tous les microcosmes de son être qui se réalise par son rapprochement avec ses semblables. Les sociétés naissent, de la similitude de ses membres constituants, mais aussi de toutes les disparités qui existent entre eux. Ici, l’identité est une entité passive, puisqu’elle ne semble pas être ce qui préoccupe les uns comme les autres. Chaque communauté à son coin, son ordre établi, et bien que les regards fusent de part et d’autres, il y a une certaine distance qui matérialise la promiscuité, et la rend possible. Un tacite fulgurant, un tacite humain.   Je me suis installé à une place, qui tout en me permettant d’être à l’aise pour écrire, me donnait pignon sur les deux mondes. Je n’étais ni d’un coté ni de l’autre, mais des deux en même temps. Et si mon calepin me donnait plus pour la rive des intellectuels, mes regards voyeurs, eux, me procuraient le statut de chasseur-chassé, comme bon nombre de ceux qui sont ici pour la chair fraiche, que déposent les taxis de temps en temps, tel des négrier des temps modernes. Je suis le phœnix dans le feu de l’action, je suis le seul qui ne brûle pas, parce que justement je suis le seul qui est déjà réduit à l’état de cendres. Tous vivent ici, sauf moi. Je suis juste un souvenir, dans l’espace et le temps de ce lieu « magique ».   Car, il existe, dans le regard de l’Homme sur l’Homme, une sorte de magie, quand ce regard est dénué d’autres intérêts que celui de la quête de cette humanité qui se mesure, se questionne et questionne sa propre nature, ses envies, ses doctes, ses plaisirs, ses peines, ses joies, ses malheurs…Non ce n’est point une philosophie à laquelle je m’exerce, là,  mais un entretien entre moi et mon humanité, qui m’interpelle par le sens qu’elle est entrain de donner à mes propres paradoxes et mon tambourinage entre mes valeurs contradictoires, quand je fais abstraction de toutes les formes de dogmes qui régissent l’être que je suis.   Les femmes ont toujours biaisé tout chez les hommes, et bien que d’autres éléments ont pu être les catalyseurs de leur action créative ou destructrice, aucun d’eux n’a pu être aussi décisif ou puissant que le pouvoir des femmes. Elles sont l’essence du monde ! C’est ce qui m’amène à dire, qu’en pareil endroit, bien que le sexe soit ici vendu comme une denrée bestiale, arrive, encore, à distiller un peu de cet amour entre nous, entre les êtres humains, cet amour qui a bâti des mondes dans le sein du monde… Une fille se lève, elle se dirige vers moi et, une fois à ma hauteur, sans gène aucune, elle me demande une cigarette et puis le feu qui va avec. C’est une technique bien connue pour attirer l’intérêt, pour chasser dans ce terrain ouvert. Cela me fait sourire, et je lui tends le paquet en évitant son regard, en évitant de devoir répondre à un appel en PCV. Elle se sert, et en déposant le briquet sur la table, elle me remercie par une phrase simple mais dont la teneur est hautement significative, de toute l’histoire qui m’amène à cet écrit. -   Ch   – chokran A Khoya ! (merci mon frère)   Et elle regagne sa place, d’où elle commence à me dévorer avec le regard vendeur. Je ne dis pas charmeur, parce qu’il est de commerce qu’il s’agit.   « Khoya !», nous sommes tous des frères et sœurs, dans ce sein imaginaire, voulu être à l’origine de notre relation de sang, supposée ou réelle. Mais, à quoi pensait-elle ? Au fait que je sois son frère par filiation à l’humanité, ou faisait-elle allusion à la fraternité dans l’islam ?   Elle n’a pas hésité à utiliser ce mot pour me nommer, ou entrer en relation avec moi, pourtant, je sais qu’elle s’offrira, volontiers, à moi, contre un billet de 100dh ou deux voire plus. Ou est la fraternité dans tout cela ? Est-ce, donc, nous qui l’avons pervertie, ou c’est elle-même qui est à l’origine de notre perversion, dans la consommation de cet inceste de pensée ?   J’appelle vos avis, car je ne veux pas émettre une forme de pensée dogmatique, ou unilatérale, ni passer outre vos sentiments et votre regard, à la lecture de ce jet de moi-même, hors de moi-même. Je me sens confus, car j’ai découvert que l’être humain est irréel, car beau mais âpre comme une litanie qui chante les louanges des morts…

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