Magazine Journal intime

Photo de classe, Mamie Huguette et 42.

Publié le 07 janvier 2011 par Kevinades

   Dans les écoles de France et de Navarre, depuis la nuit des temps, il existe une tradition immuable. Ce rituel ancestral, vous l’avez tous vécu durant votre scolarité. C’est un des piliers de l’école républicaine, au même titre que les chiottes dégueulasses dans la cour de récréation ou la photocopieuse qui tombe en panne. Je veux parler, bien évidemment, de la photo de classe.

WC by Azram

   Que celui qui n’a jamais versé sa petite larmichette en tombant sur ses vieilles photos de classe me jette la première pierre (mais doucement quand même, la lapidation, paraît que c’est douloureux). Que de bons moments passés à ronchonner en tentant d’expliquer vainement à sa moitié que les photographes scolaires sont vraiment des amateurs incapables de rendre justice à notre physique de dieu grec. À s’interroger devant son look vestimentaire et celui de ses congénères : mais comment mes parents ont-ils pu laisser faire ça ? Pourquoi Mamie Huguette m’a-t-elle tricoté cette horreur de pull ? À se creuser les méninges pour retrouver les prénoms des vieux potes : mais si, souviens-toi, le grand là, qui sentait mauvais… Bah, peu importe, au pire, appelez-le Kevin.

   Bon, normalement, là, vous avez une furieuse envie de le chercher ce vieux carton tout pourri où dorment vos vieilles photos. Sinon, tant pis, vous n’avez plus qu’à poursuivre votre lecture.

   La photographie de classe est donc un moment assez sacré dans la vie d’une école. C’est le jour où les gosses viennent sur leur 31 : demi pot de gel sur la tête ; la coupe de cheveux qui va bien ; vêtements plus branchés tu meurs (genre tenue d’un blanc immaculé accompagnée de sa cravate assortie : si, si, j’ai vraiment vu ça) et si on peut lunettes négligemment oubliées à la maison…

   Le jour de la photo, les enfants sont à fond, et certains parents adorent jouer à la poupée.

   À ce sujet, mon conseil du jour aux débutants : les parents ne le savent pas mais un éducateur consciencieux et professionnel comme moi, souhaitant préserver le naturel de ces charmants bambins, aura forcément pris soin de programmer une petite séance d’E.P.S en extérieur juste avant la photo. Si vous êtes jusqu’au-boutiste, un petit parcours d’endurance me semble tout à fait approprié. L’effet est garanti : vos élèves seront beaucoup plus naturels avec leurs affaires toutes crottées, leurs cheveux ébouriffés et la goutte au nez. Double effet kiss cool : par contraste, vous n’en serez que plus élégant au sein de cette marmaille débraillée. Si ça c’est pas un bon tuyau…

   La photo de classe, ça coûte des sous. On la vend aux parents pour pouvoir financer les sorties, les voyages, et les autres achats inévitables durant une année scolaire. C'est un moyen efficace de gagner un peu d’argent pour l’école et un moment important pour les familles : tout le monde est content, en général.

   Le principe est le suivant : chaque enfant reçoit une pochette contenant la fameuse photo de classe ainsi qu’un échantillon de photos individuelles. Libre à la famille d’acheter toute la pochette, une partie, ou de ne rien prendre. Dans tous les cas, l’enfant doit en principe ramener à l’école l’argent et les photos non achetées.

   Alors oui, soyons clairs, ce système force un peu la main des familles : le gamin rentre chez lui avec les photos, il aurait tellement envie de les garder… Dessus il y a ses meilleurs copains, la fille dont il est secrètement amoureux depuis la maternelle… Sans parler de son maître bien aimé que de toute façon il ne l’oubliera jamais tellement c’est le meilleur maître de le monde entier. Difficile pour les parents de trouver la force de dire non : je le conçois.

   Du coup, bien souvent, ben les photos restent un certain temps au sein des familles, et l’argent n’arrive pas tout de suite… La décision est dure à prendre et ce n’est pas forcément donné.

   Heureusement, un élève, appelons-le mon bon Kevin, a ze solution. Les photos, lui, il les ramène le lendemain : pas de fioritures, pas de tergiversations. Et en plus, il a l’air content. Bon, moi, je suis toujours embêté quand un gamin ne prend pas la photo de sa classe. Rapport aux bons moments décrits dans le paragraphe deux du post. Et puis, comment fera-t-il quand, avec nostalgie, il voudra se remémorer l’année la plus extraordinaire de sa vie ? À savoir l’année passée avec moi, cette fameuse année où il a compris qui il était, où lui a été donnée la réponse à la fameuse grande question sur la vie, l'univers et le reste (pour ceux que ça intéresse la réponse est 42).

Bref, en général, ça m’embête.

DON T PANIC by Sally skellington

Moi : − Tu me rends déjà tes photos?

Kevin : − Ben oui maître.

Moi : − Alors tes parents ne prennent rien, c’est certain ?

Kevin : − Nan, maman elle veut pas les prendre.

Moi : − Bon, ben tant pis…

Kevin : − Mais t’inquiète pas maître, maman elle a tout scanné !

   Ah ben là, d’accord, je respire ! Merci pour ta contribution ! Comme ça, quand tu voudras te remémorer avec nostalgie tes années d’école primaire, tu n’auras plus qu’à fouiller dans ce vieux carton pourri où traînent les vieilles clés USB et autres CD-Rom… Bien joué!


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