J'avais acheté ce livre fin août. Un jour où allant dans un supermarché acheter ce qui devait combler les trous du départ : une bouilloire, un grille-pain, de la lessive. Un jour où j'avais fondu en larmes pour cette dernière car, dans le rayon, je ne voyais que les emballages de sa marque à lui et pas de la mienne. Oui, on (ou, du moins, moi) est (suis) incroyablement primaire dans ces moments de grand désarrois : il me fallait ma lessive à moi, celle d'avant l'emménagement et pas une autre. Mon repère, mon habitude, mon refuge pour oublier. Mais il n'y en avait pas et je pleurais et les gens m'évitaient soigneusement comme une pestiférée. Pas un seul ne s'est arrêté
Ce jour-là, au rayon librairie du supermarché, j'avais acheté : "En avant toutes !" de Françoise Dorin, comme une bouée, comme un souffle d'air, comme un signe d'espoir que cela m'aiderait à avancer et puis je l'avais laissé dans un coin, prise par d'autres lectures, par d'autres envies.
Et puis, je l'ai repris la semaine dernière et lu en trois jours...
Je vous raconte tout cela parce que cela me semble important pour comprendre mon ressenti sur cette lecture...
Quand je l'avais acheté, j'avais pensé que Françoise Dorin écrivait un peu comme Benoîte Groult ou, du moins dans le même esprit : féminin mais pas revanchard, léger mais fort.A la lecture des premiers chapitres, j'étais complètement décontenancée. J'avais l'impression de lire une espèce de "Journal de Bridget Jones" ou de "L'accro du shopping" ou autres littératures anglaises légères et féminines qui fleurissent depuis quelques années.
J'ai donc reconsidéré ma lecture en me repositionnant dans "lecture légère, frivole et sans prise de tête mais bien écrite".
Voilà, les trois quarts du livre sont légers. Un livre de vacances.
Une histoire d'amour qui commence par un antagonisme professionnel et sexiste entre une jeune écrivain, Lou Gautier, et un avocat-écrivain de renom, Vincent Vanneau, chacun en promotion pour son dernier opus.
Voilà, pas de grande surprise, ni de grand suspens mais une lecture agréable.
C'est bien écrit (ce qui est loin d'être le cas de la majorité de ce type de bouquins, soyons honnête !) et on attend gentiment la suite et l'enchaînement des évènements.
On sait, dès le premier chapitre, que les circonstances vont les mettre en présence l'un de l'autre et qu'il va en ressortir des étincelles.
On sait aussi qu'ils vont finir par tomber dans les bras l'un de l'autre.
On sait aussi qu'après cette période de béatitude amoureuse, des antagonismes vont réapparaître.
Et c'est là que mon préambule s'explique. Le livre ne change pas de ton et reste fidèle à ce qu'il est.
En revanche, moi, j'ai changé de regard...
Les antagonismes qui naissent sont presque exclusivement basés sur le rapport de force entre les sexes (et qui, ma foi, est assez finement observé mais je n'ai pas dit qu'il était généralisé).
Les femmes qui s'émancipent et réussissent de plus en plus et les hommes qui ont du mal à lâcher leur vision traditionnelle des rôles hommes/femmes, qui tiennent le coup tant qu'ils sont "plus forts" et qui résistent tant que l'équilibre perdure mais qui perdent pied dès que le rapport s'inverse...
Tout à coup, au creux de l'estomac, la boule !
Celle que je pouvais ressentir à certains moments quand, par exemple, il faisait exprès de ne pas donner de nouvelles pour voir si je craquerais en l'appelant la première, ce qui serait sensé prouver mon attachement, ma dépendance romanesque au prince charmant qu'il était et sa capacité sociale d'homme qui ne peut pas être dépendant d'une femme...
Celle que je pouvais ressentir quand il me disait qu'il était difficile d'être à côté de moi parce que j'assumais tout et qu'il était difficile de se sentir à la hauteur.
En lisant ces mêmes passages écrits par une autre mais tellement semblables, plein de choses insignifiantes sont remontées à la surface.
En lisant les déconfitures de ce couple de papier, je pensais à la mienne.
Je réalisais son mal-être et comprenais le mécanisme, l'engrenage que cela avait déclenché.
En lisant sa perte de confiance en lui parce qu'il n'avait plus le sentiment de mener la barque, en lisant ses efforts à elle qui en faisait plus et plus pour essayer de calmer le jeu alors qu'elle l'attisait sans le savoir, j'ai eu l'impression de voir le noeud du problème de mon histoire.
Il ne se sentait pas l'homme fort et providentiel. Il ne supportait pas que je sache mener ma vie en toute indépendance mais il n'a pas compris que je ne le faisais que parce que je n'avais pas le choix avant de le rencontrer, que je n'ai pas l'âme d'une walkyrie et qu'il ne me déplaisait pas de pouvoir lâcher la barre.
Il m'a enfermée dans cette image d'Epinal et en a jeté la clef.
Il n'a pas osé prendre la place que je lui laissais, que je lui donnais, que je lui confiais parce qu'il avait peur de "souffrir de la comparaison" avec ma façon de faire, parce qu'il refusait de voir que je l'abandonnais alors que j'étais à 100.000 lieues de là et qu'il ne voulait en rester qu'à sa vision que je ne voulais pas céder la moindre parcelle de mon "pouvoir".
Et moi, j'essayais d'aplanir, de régler les petits soucis du quotidien pour qu'on puisse s'en libérer pour ne penser qu'à nous sans me rendre compte qu'il se sentait alors dépossédé de son rôle de mâle dominant qui protège et gère.
J'ai fini le livre en larmes de me dire qu'en 2010, la guerre des genres, des sexes peut encore tout gâcher dans un couple pour un rôle qu'on m'a fait endosser et dont je ne voulais pas et que je ne revendiquais pas et pour un rôle qu'il n'a pas osé prendre quand je lui offrais sur un plateau mais qu'il voulait et dont il avait peur et qu'il me reprochait inconsciemment de conserver.
Il n'y a plus de regrets pour moi, si ce ne sont mes projets et mes envies perdus mais je ne me sens coupable de rien dans mon histoire : il voulait être l'homme, le mâle, le gorille à dos argenté mais il n'en avait ni la carrure, ni la volonté et il n'a pas supporté de voir la vérité en face...
Putain de livre léger !!!
A bientôt !
La Papote
PS : Bon, là, j'attaque un énorme pavé, une biographie de Churchill. Je devrais en avoir pour un bon moment et, surtout, je ne devrais pas pouvoir établir de parallèle quelconque entre nous...